RÉVÉLATIONS. Le quotidien français L'Equipe a apporté mardi les preuves irréfutables que le septuple vainqueur du Tour de France a consommé de l'EPO en 1999, année de son premier sacre. L'ensemble de son palmarès s'en trouve entaché.
Simon Meier
« Où sont les preuves ? » rétorquait-il, mâchoires serrées et regard métallique, à tous ceux qui avaient l'outrecuidance de s'interroger sur le contenu de sa trousse de toilette. Le champion cycliste Lance Armstrong, déjà «victime» d'un contrôle positif – savamment étouffé – à un corticoïde en 1999, lors de la première de ses sept victoires sur le Tour de France, a, dès son retour au sein du peloton après avoir vaincu le cancer, souvent eu maille à partir avec les diverses instances de la lutte antidopage. Avec habileté, cynisme et virulence, l'Américain a balayé d'un revers de main les nombreux témoignages désagréables faisant état de ses rapports intimes à la pharmacologie. « Où sont les preuves ? » répétait-il, inlassablement supérieur.
Les preuves, premières du nom, figurent dans L'Equipe de mardi. Véritable coup de tonnerre, l'enquête menée par le quotidien sportif français révèle que six échantillons d'urine, prélevés à intervalles réguliers lors du Tour 1999 et appartenant à Lance Armstrong, contiennent de l'érythropoïétine (EPO). Cette hormone, naturellement fabriquée par les reins, a pu être isolée grâce aux techniques du génie génétique, puis exploitée par certains chercheurs afin de booster les performances d'athlètes – l'EPO augmente le taux de globules rouges dans le sang, donc améliore le transport de l'oxygène vers les muscles. Indétectable à l'époque où lesdits échantillons urinaires ont été recueillis, la substance a été dépistée pour la première fois en compétition lors des Jeux de Sydney en 2000 – en 2001 concernant le Tour de France. Et ce grâce aux travaux du laboratoire de Châtenay-Malabry, situé en banlieue parisienne.
C'est au même endroit que les soucis actuels de Lance Armstrong sont nés. Sur un concours de circonstances. Car si les spécialistes de Châtenay-Malabry n'avaient pas, courant 2004, mis sur pied un projet de recherche destiné à affiner encore le système de détection de l'EPO, personne n'aurait sans doute jamais mis la main sur les échantillons en question, au demeurant anonymes pour les chercheurs. C'est le travail des enquêteurs de L'Equipe qui a permis de mettre un nom sur les flacons. Six d'entre eux – sur douze – portent celui de Lance Armstrong. Contacté par le quotidien, via l'un de ses avocats, Me Donald Manasse, Armstrong n'a pas souhaité s'exprimer. Mais il a réagi, dans la foulée, sur son site internet : « Encore une fois, un journal européen rapporte que j'ai été contrôlé positif à des drogues favorisant la performance. Hélas, la chasse aux sorcières continue et cet article n'est rien d'autre que du journalisme à scandale. [...] Je n'ai jamais pris de produits interdits. » « Nous n'avons aucun doute sur la validité du résultat », a déclaré mardi à l'AFP Jacques de Ceaurriz, directeur du laboratoire de Châtenay-Malabry.
Précision de taille : si la consommation d'EPO de Lance Armstrong est désormais avérée, du moins pour l'année 1999, l'Américain n'a pas subi ce que l'on appelle un contrôle positif. Effectués à titre expérimental, les tests n'ont donc pas la valeur juridique d'un contrôle antidopage classique. Et comme seul les échantillons «B» subsistent, une contre-expertise est impossible. « Les droits de la défense ne peuvent être respectés dans cette affaire », a d'ailleurs aussitôt souligné Donald Manasse. « Nous allons prendre en compte les différents éléments du dossier avec mon client, et nous déciderons ensemble de la suite à donner à cette affaire, s'il y a suite. » En l'état actuel des choses, aucune poursuite, aucune sanction n'est envisageable contre l'ex-coureur. L'Agence mondiale antidopage a d'ailleurs réagi timidement : « Si quelque chose était découvert, nous ne pourrions rien faire parce que nous n'existions même pas en 1999 », a déclaré son président Dick Pound à l'agence AP. « Mais il est important que la vérité soit toujours établie. Ce sera très intéressant de voir ce que l'UCI et la fédération cycliste américaine vont faire. »
Les révélations de L'Equipe feront-elles des petits ? Nul doute que, dans les prochaines semaines, bien des tiroirs seront fouillés, bien des éprouvettes analysées de près. « Ce que Lance Armstrong va devoir affronter, c'est l'ascension du Tourmalet puissance 10 », pronostique Pierre Ballester, coauteur de L. A. Confidentiel, ouvrage paru en 2004 et tendant à démontrer les dérives du Texan. « Il a été pris en flagrant délit de mensonge et nos avocats (ndlr: une procédure parmi tant d'autres est en cours au sujet de ce livre) ne manqueront pas d'avancer ce nouvel argumentaire. »
Le 24 juillet dernier, Lance Armstrong avait tenu, en guise de congé, un discours vengeur sur le podium final du Tour de France : « Je voudrais adresser un message aux gens qui ne croient pas au cyclisme, aux cyniques, aux sceptiques. Je suis navré qu'ils ne croient pas au miracle, au rêve. Tant pis pour eux. » Un mois plus tard, le «tant pis», prémonitoire et cruel, frappe de plein fouet tous les amoureux du vélo.
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