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29 août 2005

Lance Armstrong, maillot noir

Gilbert Kunz, Ancien coureur cycliste amateur

Dans l'éditorial du 24 août, votre journaliste crie haro sur le vainqueur du Tour de France. Se fondant sur une enquête revancharde «catégorique et accablante» de son confrère de L'Equipe, il tient enfin la preuve irréfutable de ce qu'il pressentait, Armstrong s'est dopé ! Et en dépit du triomphalisme de son édito, il ose ajouter que ce scoop ne lui procure aucun plaisir.

En France, on a de bonnes raisons de ne pas aimer Armstrong. Il est froid, hautain, souvent arrogant et de surcroît Américain. Et en plus il gagne, que ce soit contre une redoutable maladie ou contre ses adversaires sur les routes de France. Implacable homme d'affaires (aujourd'hui le cyclisme est une grosse affaire financière), il gère son entreprise comme le ferait le PDG d'une grande société, avec rigueur, sans état d'âme, la fin semblant justifier les moyens. Personnellement, je n'idolâtre pas le personnage et je ne suis pas fâché qu'il ait pris sa retraite. En revanche, je reconnais en lui un homme d'exception, probablement unique. Avec ou sans EPO et en dépit de l'acharnement qu'ont mis les médias pour le déstabiliser, il a accompli des exploits athlétiques sans précédent. C'est dérangeant mais, mentalement et physiquement, Armstrong est depuis longtemps, trop peut-être, le plus fort du peloton.

Jean-Marie Leblanc se dit très choqué de ce qu'il apprend. Moi, je suis choqué qu'il soit choqué. Imaginez un instant que L'Equipe ait sorti son scoop peu avant le Tour de France et que l'on ait dû entamer la Grande Boucle sans le personnage principal. Quel fiasco pour la Société du Tour de France, donc pour le journal. Mais aujourd'hui, Armstrong retraité, on peut allègrement faire du tirage sans risques.

Encore quelques remarques et interrogations à propos de l'hypocrisie et la pseudo-naïveté des médias. Comment définissez-vous le dopage ? [...] Comment pensez-vous qu'un athlète puisse soutenir des efforts d'endurance intenses, répétés et rester au sommet sans jamais subir de défaillance ? Etiez-vous assez naïfs avant la révélation de votre confrère pour croire que les coureurs n'ont recours qu'à l'eau fraîche pour tenir le coup ? Si l'on remonte à Jacques Anquetil, pour ne pas aller plus loin, ne pensez-vous pas que les anciens vainqueurs du Tour auraient tous quelque chose à se reprocher pour endosser un maillot noir ? On appelait «Monsieur 70%» un relativement récent vainqueur du Tour (aujourd'hui directeur d'une grande équipe) parce qu'il avait trop forcé sur la dose admise de 50% d'EPO. Entre parenthèses, cela signifie que si vous ne dépassez pas la limite de 50%, vous êtes considéré comme propre ! Surréaliste, non ? Et que pensez-vous des footballeurs, des fondeurs, des boxeurs, des joueurs de tennis et j'en passe ? Devraient-ils tous arborer un maillot noir ?

Il est regrettable que les cyclistes soient les boucs émissaires d'une société dramatiquement surmédicalisée, eux dont le salaire dépend de l'efficacité de leurs jarrets et de leurs poumons.


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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