9 janvier 2005

« La moitié du peloton touché »

Museeuw a pris de l'Aranesp et de l'EPO dit le Parquet de Courtrai mais l'affaire toucherait bien d'autres coureurs encore

Eric de Falleur

BRUXELLES Rien n'aurait donc changé ?

Bientôt sept ans après l'affaire Festina, voilà que la révélation édifiante du contenu des sms, faxs, mails et conversations téléphoniques qu'entretenaient, à l'été 2003, le vétérinaire José Landuyt et plusieurs coureurs cyclistes, dont Johan Museeuw, replonge le cyclisme dans le discrédit.

A Hans Vandeweghe, notre confrère du quotidien De Morgen qui a pu voir le dossier (plus d'un mètre cinquante de haut!), un enquêteur a résumé : « Jamais vu un dossier pareil. Un vrai feuilleton mais dans le milieu cycliste, avec des intrigues et des intrigants. Si cette affaire arrive un jour sur la place publique, c'est la moitié du peloton flandrien qui sera touchée. »

On le voit, on n'est certainement pas au bout de désagréables et tristes révélations dans une affaire qui se terminera vraisemblablement un jour devant un tribunal. D'ici-là, ce sont quelques réputations et surtout un des plus beaux palmarès du sport cycliste qui auront été mis à mal.

Dans ses conclusions, le Parquet de Courtrai, qui instruit depuis bientôt deux ans l'affaire dite Landuyt-Versele d'un trafic présumé de produits dopants dans les milieux hippiques, colombophiles et cyclistes, n'y va pas par quatre chemins. « Il est établi que Johan Museeuw a certainement pris de l'EPO et de l'Aranesp (la version moderne du premier produit dopant) en 2003. »

Les SMS échangés entre l'ancien champion du Monde (1996) et vainqueur de onze classiques de Coupe du monde et son ami le vétérinaire ne laissent planer guère le doute en effet :

Le 7 juillet 2003 (sms de Landuyt à Museeuw) : « Tu devrais maintenant prendre 80 à 100 guêpes (le nom de code présumé pour l'Aransep, guêpes se disant wespen en néérlandais) et, après le départ, le 9 juillet, entre 40 et 60. Ensuite, totalement clean à partir du 19 juillet. »

Le 23 juillet 2003 (sms de Landuyt à Museeuw) : « Sinon, tu dois directement prendre 4000 en intraveineuse et demain t'entraîner beaucoup, cinq à six heures. »

23 juillet 2003 (sms de Landuyt à Museeuw) : « Ce sont beaucoup de jeunes globules rouges. »

26 juillet 2003 (sms de Museeuw à Landuyt) : « J'ai 52 » (d'hématocrite, la tolérance est de 50 mais la prise d'EPO est de toute façon évidemment interdite). Réponse de Landuyt : « Prends du sel et bois beaucoup. »

27 juillet 2003 (sms de Museeuw à Landuyt) : « J'ai encore 52 ». Réponse de Landuyt : « Prendre du sel et boire beaucoup ». Réponse de Museeuw : « Je vois aussi X ce soir. »

28 juillet 2003 (sms de Landuyt à Museeuw) : « Prendre 2000, maximum 4000. » Réponse de Museeuw : « Je vais prendre 2000. »

Et la liste n'est malheureusement pas exhaustive. On le voit, on est très loin des déclarations que Johan Museeuw a toujours faites à propos du dopage. Par exemple quelques jours après la conquête de son titre de champion du monde, à Lugano, le 13 octobre 1996. « Je suis clean », affirmait-il alors. Ou cinq ans plus tard, quand celui-ci clamait : « Les dopeurs doivent dégager. »

Il n'avait pas tort !

« J'ai seulement fait mon boulot »

Johan Museeuw refuse de s'exprimer. Son avocat crie à l'injustice

Eric de Falleur

BRUXELLES Johan Museeuw était hier midi à Dixmude où, comme de nombreux autres coureurs, dont Frank Vandenbroucke ou Peter Van Petegem, mais aussi Jo Planckaert et Dave Bruylandts, le Lion des Flandres participait à la randonnée organisée au bénéfice des victimes du tsunami asiatique.

Comme c'est le cas depuis le début de l'affaire, Museeuw a été, une fois encore, très avare en commentaire même s'il a montré, une fois de plus, son exaspération.

« Sans doute cherche-t-on à me faire tomber de mon piédestal, a-t-il grincé. Je ne crois pas avoir mérité cela. Je n'ai rien fait de mal, je n'ai rien à me reprocher. J'ai seulement fait mon boulot. je n'en dirai pas plus. Je veux simplement que le débat se tienne à sa juste place et certainement pas à travers les médias. »

Comme l'entourage proche de Johan Museeuw, son ami Wilfried Peeters ou Patrick Lefevere, l'avait fait déjà la veille, Eddy Museeuw, le père du coureur de Gistel s'est plaint du manque de respect à l'égard de son fils.

« On peut me couper la tête ! »

« La presse a oublié ce que Johan a représenté pour le cyclisme pendant dix ans, a dit Museeuw père avant de poursuivre. S'il s'est réellement dopé, alors on peut me couper la tête. »

Plus sérieusement, Me Josef Lievens, l'avocat de Museeuw a mis en exergue les violations des droits élémentaires de la défense.

« Mon client a toujours collaboré avec la justice et n'a fait aucune déclaration qui puisse nuire à l'enquête, a dit hier l'avocat courtraisien. Ce qui arrive aujourd'hui n'est pas normal. L'enquête n'est plus égale. Chaque citoyen a droit à la présomption d'innocence, sauf Johan Museeuw. Ceci est une franche violation des règles élémentaires du droit. Je ne vois pas encore comment ce dossier pourrait être traité de manière intègre par la justice. »


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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