Les anciens coureurs poursuivis pour trafic dénoncent l'ensemble du système et lâchent des noms.
Sophie Austruy
C'est avec beaucoup d'attention que les vingt-trois prévenus du procès du «pot belge» écouteront, ce matin, le réquisitoire du vice-procureur de la République à Bordeaux, Denis Chausserie-Laprée. Après le grand déballage des deux premiers jours d'audience, ces cyclistes, professionnels ou amateurs, leurs compagnes, ainsi que les soigneurs soupçonnés d'avoir trafiqué ou consommé ce produit dopant, espèrent seulement que les peines requises seront couvertes par la détention provisoire.
« J'ai déjà payé cher en passant huit mois en prison avant le procès », soulignait hier l'ancien coureur cycliste professionnel Laurent Roux, 33 ans. Avec son jeune frère, Fabien, 24 ans, ils auraient réceptionné, de juin 2002 à janvier 2005, quelque 2000 fioles de «pots belges», redistribués ensuite dans le sud de la France. Si Laurent n'a à aucun moment nié sa participation au trafic, c'est tout un système que l'ancien vainqueur du Tour de l'Avenir (1997) et du Trophée des Grimpeurs (1999) a tenu à dénoncer, à la barre du tribunal correctionnel de Bordeaux.
« Tout le monde prenait quelque chose, et les plus grands prenaient également autre chose, comme l'hémoglobine de synthèse, les transfusions sanguines, que je n'avais pas les moyens de me payer », affirme-t-il. De telles pratiques ont également été avouées, hier matin, par l'ancien professionnel de l'équipe «Jean Delatour», Eddy Lembo, 26 ans. Sans mâcher ses mots, cet ancien espoir du cyclisme explique que « 98% du peloton prend quelque chose », tout en reconnaissant s'être lui-même dopé à l'érythropoïétine (EPO). Et de fustiger un système où la «triche» est omniprésente. « Les critériums, c'est toujours un arrangement, on sait toujours qui va gagner avant le départ de la course, c'est toujours le coureur le plus en vue », lâche-t-il.
Une soirée chez Jalabert
À la barre, beaucoup reconnaissent s'être dopés et être restés accros au «pot belge» après avoir décroché de la compétition. Beaucoup, bien sûr, y ont été initiés par d'autres cyclistes. Ainsi, Fabien Roux raconte avoir découvert le produit lors d'une soirée organisée en 2000 chez le champion français Laurent Jalabert, à Mazamet. Et être bien vite devenu, comme tant d'autres, dépendant de ce pot belge qui « masque la réalité de la vie et permet de dépasser ses limites physiques et sportives », ainsi que l'a décrit Laurent Scarano, 41 ans, un ancien amateur de niveau élevé. Sa dépendance devenant très importante, lui aussi s'était alors lancé, comme la majorité des prévenus, dans la revente des produits.
Hier, dans sa plaidoirie, Me Paul Mauriac, avocat de la Fédération française du cyclisme, partie civile au procès, s'est demandé, citant Antoine Blondin : « Sont-ils plutôt dopés ou dupés ? Moi, j'ai envie de dire qu'ils sont en fait dupés et dupeurs. Dupés car ils prennent n'importe quoi et s'injectent des choses dont ils ne connaissent pas la composition ; et dupeurs car ils se trompent les uns les autres. »
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