Cliquez sur >> à droite pour faire disparaître les annonces

19 juin 2006

Laurent Roux vide son sac

Claude Canellas

BORDEAUX - L'ancien cycliste professionnel Laurent Roux, l'un des principaux accusés du procès du trafic de "pot belge" qui s'est ouvert lundi devant le tribunal correctionnel de Bordeaux a dénoncé le dopage institutionnalisé dans le sport cycliste.

Professionnel de 1994 à 2003 successivement dans les équipes Castorama, TVM, Cofidis, Mobilvetta et Jean Delatour, Laurent Roux a jeté un froid dans la salle d'audience en reconnaissant s'être dopé durant toute sa carrière. Interrogé par Me Paul Mauriac, avocat de la Fédération française de cyclisme (FFC) partie civile au procès, lequel après avoir énuméré son palmarès, lui a demandé pour chacune de ses performances : "dopé ou pas ?", Laurent Roux a répondu après quelques secondes de silence : "oui !"

Le coureur natif du Lot a reconnu avoir utilisé de l'EPO, des hormones de croissance, de la cortisone et de la testostérone.

"Quand on est sportif, on est là pour gagner", s'est-il justifié.

Mais "les produits ne tombent pas du ciel. On vous donne des conseils, on vous fournit des produits et ce sont les médecins qui font ça", a-t-il dit, ajoutant que, dans certaines équipes, "des médecins coûtent plus cher que les coureurs".

Laurent Roux a indiqué qu'au départ il s'agit de produits autorisés. "On vous branche une perfusion de glucose, puis on se la fait soi-même, puis on passe aux sels minéraux et à l'intraveineuse", a-t-il dit ajoutant que les coureurs passaient progressivement aux produits interdits.

Suspension
"En 1995 quand j'ai commencé à avoir des résultats, le médecin de Castorama (l'équipe cycliste) m'a proposé de prendre de la cortisone", a précisé l'ancien pro.

Il a admis les petits arrangements consistant à se porter malade pour autoriser par ordonnance médicale la prise de médicaments habituellement interdits.

"90% du Tour de France est asthmatique, 90 % est allergique au pollen", a lancé l'ancien professionnel.

Roux est poursuivi pour importation, détention, transport et cession de produits stupéfiants et offre à un sportif de produit dopant.

Il a expliqué qu'il avait été mis à l'écart par le milieu pour avoir trop longtemps refusé au début de se soumettre aux habitudes comme, lors d'un mariage en présence de toute l'équipe Castorama, où il avait décliné la prise de drogues.

Il avait ensuite payé la note en étant contrôlé deux fois positif dans des conditions qu'il conteste, la deuxième fois ayant entraîné une suspension de quatre ans et sa fin de carrière.

Il a expliqué qu'il avait ensuite fait appel au soigneur belge Freddy Sergant, l'un des 23 prévenus avec notamment l'ancien directeur sportif adjoint de l'équipe AG2R, Laurent Biondi, et l'ancien champion du monde de VTT Christophe Dupouey, pour qu'il le fournisse en "pot belge", produit dopant à base d'amphétamines, pour combattre sa déprime, tombant alors dans une véritable toxicomanie.

Peur
Il a reconnu avoir organisé un trafic dans le sud de la France de 2000 doses entre 2002 et 2005 pour financer ses propres prises, entraînant son frère Fabien, ancien cycliste amateur, dans la même spirale jusqu'à un coup de filet en janvier 2005.

Laurent Roux a confirmé l'existence de soirées "un peu jet set" organisées chez de grands champions cyclistes et dans lesquelles il est important de se trouver.

Son frère Fabien a ainsi reconnu avoir fait connaissance avec le "pot belge" au cours de l'une d'elle chez un ancien grand champion français de la région où coureurs, mécaniciens, médecins, soigneurs en consommaient.

"Le vélo ça a été toute ma vie, ça l'est encore aujourd'hui, malheureusement mais je n'en fais plus partie", a-t-il dit à la presse après l'audience.

"Il y en a marre qu'on dise toujours que c'est les coureurs qui sont des imbéciles, que personne ne sait rien. Tout le monde sait, y compris des journalistes qui vivent au quotidien avec nous. Il faut changer cette langue de bois. Je me retrouve devant un tribunal pour dire ça où je vais me faire massacrer car je risque de payer toute ma vie pour ces faits là. Mais tant pis, je vais vider mon sac", a-t-il ajouté.

"Bien sûr que j'ai peur parce qu'il y a des gens puissants. Oui j'ai peur du milieu. Il y a déjà eu des choses qui font peur", a-t-il dit.


page mise en archives par SVP

Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
Consultez notre ENCYCLOPÉDIE sportive