Problème de tyroïde, taux de testostérone naturellement élevé, alcool bu la veille de l'étape, remise en cause de la méthode de détection... Cyclismag passe au crible les arguments de Landis pour justifier son contrôle positif du Tour de France. Eclairage avec Gérard Dine, expert en matière de lutte antidopage.
" Dans ce contrôle, nous avons un résultat qualitatif alors qu'il devrait être quantitatif. Le produit incriminé aurait été une amphétamine de synthèse, pas de problème, la molécule est présente ou non dans l'organisme. Avec la testostérone, il y a une notion de seuil ". Gérard Dine, professeur de biotechnologies, chef de service à hématologie à l'hôpital de Troyes et "père" du suivi longitudinal en France, situe l'enjeu principal dans l'affaire Landis : le seuil de testostérone. Selon la quantité, le champion accusé pourra adapter sa défense.
UN LITRE D'ALCOOL LA VEILLE DE SON EXPLOIT À MORZINE ?
Landis déclare au Wall Street Journal avoir, au soir de sa " défaillance " dans l'ascension de la Toussuire, " passé la soirée avec des amis et des membres de son équipe à préparer l'étape ardue en montagne [celle du lendemain à Morzine] en buvant deux bières et au moins quatre verres de whisky ". Coïncidence, l'étude validée par le CIO parle de " deux pintes de bière blonde " soit un peu plus d'un litre. Cette explication semble pour l'instant abandonnée par Landis, qui n'y a pas fait allusion au cours de sa conférence de presse, ce vendredi à Madrid.
LE TAUX DE TESTOSTÉRONE NATURELLEMENT ÉLEVÉ, COMME BOTERO
L'histoire se complique encore si le ratio du coureur est proche du seuil, c'est à dire quand son corps produit naturellement beaucoup de testostérone. Hypothèse évoquée par John Lelangue, le directeur sportif de Floyd Landis, et par l'intéressé lui-même, au cours de sa conférence de presse à Madrid. Santiago Botero, coéquipier de Landis chez Phonak, avait déjà été blanchi pour un contrôle similaire en prouvant que son corps fabriquait plus d'hormone mâle que la moyenne.
CANICULE, PROBLÈMES DE HANCHE ET DE TYROÏDE…
" Dans la plupart des cas, quelqu'un peut être convaincu de dopage si le ratio est supérieur à 4. Mais certaines conditions peuvent poser problème ", explique Gérard Dine. Tout d'abord l'étape de Morzine, sur laquelle Landis a été contrôlé, était courue sous la canicule. " Il peut y avoir eu un problème suite à une hémoconcentration [concentration du sang] s'il a un seuil naturel au delà de la normale ".
Viennent ensuite les effets liés aux médicaments qu'il est autorisé à consommer. On sait que Floyd Landis dispose d'une ordonnance lui permettant, pour apaiser la douleur de sa hanche nécrosée, d'utiliser des corticoïdes. Il assure ne pas en avoir consommés pendant le Tour, mais seulement l'hiver dernier, où deux prises successives n'ont pas calmé sa douleur. Ce recours licite aux corticoïdes aurait pu lui fournir un début d'explication : il s'agit d'anabolisants comme la testostérone.
Concernant sa pathologie de la tyroïde et son traitement, que Landis a révélés pour justifier son contrôle positif, Gérard Dine précise : " Il doit avoir une autre autorisation. Cela fait beaucoup de médicaments pour quelqu'un placé dans des conditions physiologiques extrêmes ". Les hormones produites par la glande thyroïde régulent le métabolisme de manière globale. Il peut donc y avoir des répercussions sur la testostérone.
UNE COMPARAISON AVEC LES CONTRÔLES ANTÉRIEURS
" On ne sait pas si le ratio de Floyd Landis est à 4,2 ou 25. Le résultat tel qu'il est fourni peut-être soumis à controverse. Il faut être prudent et j'espère qu'on aura des chiffres à l'issue de la contre-expertise ", explique Gérard Dine. Une partie du débat pourrait donc être évité si ce fameux ratio était connus. S'il s'avère proche de 4, le seuil légal actuel, il y aura une recherche sur les contrôles antérieurs comme le prévoit le code mondial anti-dopage, pour observer l'évolution de ce paramètre.
Mais, dans ce cas, selon Gérard Dine, " il faudrait avoir toutes les données, notamment sanguines. Le sang donne beaucoup plus d'informations que les urines, dont on sait qu'elle sont limitées. Mais là ça devient de la médecine, plus de la lutte antidopage ".
Floyd Landis effectuerait alors des examens endocrinologiques complémentaires pour doser sa production naturelle de testostérone et mettre en évidence un taux naturellement élevé.
LE DÉBAT SUR LA MÉTHODE DE DÉTECTION
Dans l'affaire Landis, la méthode de détection (2) est développée depuis longtemps. Elle est utilisée pour la recherche des corticoïdes. Gérard Dine nuance : " On différencie sans problème les corticoïdes endogènes et exogènes. Jusqu'à preuve du contraire, la méthode n'est pas validée pour la testostérone. Le sujet est actuellement débattu. En cas de prise par voie orale, il subsiste un problème de pharmacocinétique " (c'est à dire de disparition de la molécule dans le temps). Au delà d'une heure après la prise, on ne détecte plus la molécule.
Toutefois la technique de détection est prête. " Nous avons eu une réunion à ce sujet à la FIFA récemment et il y a eu une publication en juillet dans le très sérieux British Journal of Sport Medecine ". Même le code mondial anti-dopage y fait référence. On pourrait donc imaginer que cette méthode plus fiable soit utilisée pour la première fois pour le cas Landis.
(1) La testostérone exogène (non produite par le corps) est recherchée indirectement en faisant un rapport testostérone / épitestostérone. Ces deux hormones sont produites par le corps de manière proportionnelle. Ainsi toute administration de testostérone exogène (non produite par le corps) gonfle ce ratio. Le seuil limite est aujourd'hui de 4. Il était il y a deux ans à 6. Cet abaissement résulte, selon Gérard Dine, d' "un consensus de scientifique mais cela reste soumis à débat".
(2) La science sait doser précisément la testostérone et différencier l'endogène de l'exogène par spectrométrie isotopique du carbone (on compare le carbone 12 du 13, radioactif, et présent dans la molécule de manière variable selon si elle est endogène ou exogène)
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