21 janvier 2006
Si on avait appris que Geneviève Jeanson écopait d'une suspension à vie à la suite d'une première offense, tout le Québec serait monté aux barricades pour elle.
Pas Geneviève Jeanson. Pas notre Geneviève à nous. On aurait cru à une erreur tellement on aurait refusé d'y croire.
Mais il y a longtemps qu'elle n'était plus « notre petite Geneviève à nous ». Il y a longtemps que le doute était solidement installé et qu'on n'accordait plus aucun crédit à ses explications cousues de fil blanc.
La toute première fois qu'une cloche a sonné dans son cas, on était prêt à la comprendre. Parce qu'on l'aimait, parce qu'on admirait son profond désir de gagner et, peut-être aussi, parce qu'on la connaissait mal.
Quand le public a fait sa découverte à la suite du premier grand exploit de sa carrière, peut-être avait-elle déjà flirté avec ce qu'on lui reproche aujourd'hui. Peut-être pas. Comment en être sûr quand on apprend qu'elle écope d'une suspension à vie à la suite d'une quatrième affaire de drogues ?
Faute de preuves, on n'avait rien retenu contre elle lors des trois premières occasions, mais le doute était là, bien ancré. Le doute est l'ennemi le plus acharné de la réputation. Quand le doute fait son chemin, la réputation s'en remet rarement.
Jeanson ne devrait pas entreprendre toute cette bataille juridique pour laver la sienne. Même si on la blanchissait, même si, par le plus grand des miracles, on admettait qu'il y a eu erreur, personne ne serait assez naïf pour aller l'applaudir à son prochain fil d'arrivée.
Aucun commanditaire ne voudrait dorénavant associer son nom et sa réputation à la cycliste déchue. Rona, dans les circonstances, a été suffisamment floué.
JAMAIS, JAMAIS, JAMAIS...
Le mieux serait de ne plus jamais assister à l'un de ses larmoyants points de presse. Ça nous éviterait d'être dupés une nouvelle fois.
On a encore en mémoire sa dramatique rencontre de presse quand elle est venue confirmer qu'elle était l'athlète de haut niveau mentionnée dans les accusations visant l'orthopédiste Maurice Duquette.
« Je n'ai jamais pris d'EPO de ma vie », avait-elle lancé avec une telle fermeté, une telle assurance, qu'on regrettait presque de ne pas pouvoir la croire.
« Je n'en ai jamais vu. On ne m'en a jamais offert, jamais, jamais », avait-elle martelé.
Ce qui ne l'avait pas empêchée ce jour-là de craquer et de fondre en larmes devant la rafale de questions des journalistes qui, déjà, n'accordaient aucune crédibilité à ses propos.
Voilà que son père, Yves Jeanson, en remet en reprenant mot pour mot la déclaration de Geneviève.
« Ma fille n'a JAMAIS touché à l'EPO de sa vie », dit-il.
Au moins, il ne la laisse pas se noyer sans lui tendre la main.
Ce qui n'est pas le cas de son entraîneur, André Aubut, introuvable depuis que l'implacable verdict d'une suspension à vie a fait basculer Jeanson dans une retraite hâtive.
Où est-il ?
Que fait-il ?
S'il est lui-même blanc comme neige et s'il croit en l'honnêteté de son athlète, pourquoi ne sort-il pas la tête pour le dire ?
Pourquoi, chaque fois que Jeanson doit se débattre pour garder la tête hors de l'eau, Aubut se transforme-t-il en courant d'air ? Son athlète n'a-t-elle pas déjà déclaré que les décisions concernant sa carrière ont toujours été prises par lui ?
Si Jeanson n'a jamais pris d'EPO, il a bien fallu que quelqu'un lui en administre.
Et si elle en avait pris à l'insu de son entraîneur, Aubut ne l'aurait-il pas laissée tomber depuis un bon moment ?
UN DUO PEU SYMPATHIQUE
Les gens du cyclisme québécois sont prudents dans leur façon de commenter l'événement. On n'approuve pas la façon de faire de Jeanson. On parle d'un entourage nébuleux.
Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on trouve étrange que Jeanson et Aubut fassent leur petite affaire sans jamais se préoccuper des autres et sans tenir compte du fait que le cyclisme est aussi un sport d'équipe.
On les sent toujours au-dessus de la mêlée.
Le ton d'Aubut est suffisant, un brin supérieur. Il existerait un doute raisonnable qu'on aurait du mal à le leur accorder tellement leur comportement est devenu irritant avec le temps.
On a fait de gros yeux à Lyne Bessette quand elle a dit à mots très couverts que les problèmes de Jeanson venaient appuyer des bruits qui couraient dans le milieu. On l'a alors considérée comme une pas fine, mais peut-être était-elle fatiguée de courir contre une pas propre ?
Un professionnel réputé, qui connaît Bessette depuis qu'elle est toute petite, m'avait fait une observation dans le temps.
« Lyne est tolérante envers les autres, avait-il dit. Elle ne se fâche jamais. Il a fallu qu'on lui fasse une vacherie. Je prendrais dix Lyne Bessette à mes côtés n'importe quand. C'est le genre de fille qui est prête à mourir pour l'équipe. L'autre renierait n'importe qui pour une médaille. »
Peut-être que c'est ça, le fond du problème. Quand il faut gagner à tout prix...
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