Le taux de testostérone du vainqueur de la Grande Boucle était anormalement élevé, le jour de sa «résurrection» sur les pentes de Morzine. Si la contre-expertise confirme les premiers résultats, Floyd Landis perdra son titre et sera suspendu pour deux ans.
Grégoire Surdez
Le rêve aura été de courte durée. Quatre jours après avoir paradé fièrement sur les Champs-Élysées, tout de jaune vêtu, Floyd Landis (30 ans) retombe de haut. L'Américain, vainqueur du Tour de France 2006, a été convaincu de dopage. Il a été testé positif à la testostérone au soir de son extraordinaire échappée victorieuse (130 kilomètres) entre Saint-Jean-de-Maurienne et Morzine.
C'est son équipe, Phonak, qui a confirmé la nouvelle hier. Le coureur a décidé de demander une contre-expertise. Et la formation d'Andy Rihs, patron malmené, attendra avant de prendre une décision définitive (licenciement). En cas de confirmation, Landis sera déchu de son titre, une première dans l'histoire du Tour, - qui reviendrait à Oscar Peireiro - et risque une suspension de deux ans.
En attendant un hypothétique rebondissement, Floyd Landis, se retrouve dans de sales draps. Ainsi donc, en ce jeudi merveilleux, sur les routes de Savoie, il n'avait pas carburé uniquement à la tartiflette et à l'eau. Le coup est dur pour ce fils de bonne famille élevé dans les préceptes austères de la communauté mennonite en Pennsylvanie. « Sortez donc du milieu de ces gens-là et tenez-vous à l'écart, dit l'apôtre Paul dans la Bible, Épître aux Corinthiens, chapitre VI, verset 17. Ne touchez rien d'impur et je vous accueillerai »
Seulement voilà, dans ce milieu du cyclisme, il est bien difficile de ne pas faire comme ces gens-là. Ces Jan Ullrich ou Ivan Basso, exclus à la veille du départ, car impliqués dans l'affaire Puerto en Espagne. « Je sais qu'il s'agit d'une tentation pour chaque coureur (n.d.l.r.: le dopage), a déclaré sa maman depuis son domicile en Pennsylvanie. Mais je ne veux pas en tirer de conclusions hâtives ».
Au lendemain d'une défaillance spectaculaire dans la montée vers la Toussuire, Floyd Landis a tenté un pari. Pari gagné sur la route. Mais pari perdu dans les tréfonds d'une éprouvette du laboratoire de Châtenay-Malabry qui a révélé un taux de testostérone anormalement élevé. Mais surtout, pari perdu dans le cœur de milliers de spectateurs et de millions de téléspectateurs.
Tous ces gens, écœurés par les années EPO - l'époque Riis, Rominger, Dufaux, Pantani - et les années de plomb de l'ère Armstrong, s'étaient remis à rêver dans le sillage de Landis. Et puis, patatras.
Cyclisme «à l'ancienne»
Et puis, il y a tous ceux qui n'ont pas vu l'étape de Morzine. Mais qui en ont entendu parler. Au bureau, dans les cafés: «du cyclisme à l'ancienne», «fabuleux», «incroyable cette étape». Et dans les médias : «le tour du renouveau», «il l'a bien mérité». Il y avait du Merckx là-dedans. Il y avait surtout autre chose, semble-t-il.
Alors ? Alors, la direction du Tour s'indigne : « Si la contre-expertise confirme le résultat, c'est la colère et la tristesse qui domineraient. » Les directeurs sportifs ne sont pas en reste : « C'est un coup dur pour le cyclisme », estime Christian Frommert, porte-parole de l'équipe T-Mobile (de Jan Ullrich !). Et déjà l'on parle d'une prise de conscience nécessaire, d'un changement radical et profond. En 1998, après l'affaire Festina, les mêmes propos avaient été claironnés par tous… Les foules ont déserté les routes du Tour 2006. La Grande Boucle se remettra-t-elle de ce nouveau scandale ?
Le coup de trop pour Phonak et Andy Rihs
Au long de ses sept années d'existence, l'équipe Phonak a été confrontée souvent au problème du dopage. Au cœur de la saison 2004, trois coureurs ont été convaincus de dopage sanguin et licenciés par la suite. Le Suisse Oscar Camenzind, ancien champion du monde en 1998, pour prise d'EPO. L'Américain Tyler Hamilton, champion olympique du contre-la-montre à Athènes, et l'Espagnol Santiago Perez, deuxième de la Vuelta, pour transfusion sanguine à partir du sang d'un donneur compatible.
Suite à ces affaires, Phonak a défini un protocole soumettant systématiquement les coureurs à des analyses sanguines. Malgré ces efforts, Phonak a continué d'alimenter la chronique. A cause de l'Espagnol Santos Gonzalez, interdit de départ par son employeur au matin de la 18e étape de la Vuelta en septembre dernier, ou encore du Colombien Santiago Botero et de l'Espagnol José Enrique Gutierrez, dont les noms ont été cités dans l'affaire Puerto.
Premier de ses collègues à avoir agi avant le départ du Tour, John Lelangue, le manager général, a choisi d'écarter les deux coureurs de la Grande Boucle, bien que Botero (vainqueur de plusieurs étapes par le passé) et Gutierrez (2e du Giro 2006) aient été les deux grimpeurs attendus de l'équipe en soutien de Landis.
Pour le patron de Phonak, Andy Rihs - un vrai passionné qui a investi des millions -, la possible disqualification de Landis pourrait être un coup très dur financièrement, lui qui comptait «profiter de la victoire de Landis pour pénétrer le marché américain».
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