Cédric Callier,
Sport24.com
Si Floyd Landis ne nourrit guère de grands espoirs sur son sort et le résultat futur de la contre-expertise, c’est surtout l’ensemble de l’opinion publique qui ne se berce plus de folles illusions au sujet d’un sport gangrené de manière irrémédiable.
L’affaire Festina, l’interrogation Armstrong, le triste destin de Pantani, le scandale Puerto… Le cyclisme a traversé ces dernières années de multiples tempêtes. Plusieurs fois, on a pu croire qu’il ne s’en relèverait pas, que personne ne pourrait plus jamais croire aux exploits de ces chevaliers à bicyclette capables de s’enquiller des cols comme d’autres ingurgitent les bières devant leur télévision. Et puis vint ce Tour 2006, précédé d’un immense coup de balai comme jamais aucun sport n’en avait déjà connu. Exit Basso, Ullrich, Mancebo et consorts, tous impliqués de près ou de loin dans le scandale Fuentes, du nom du sulfureux docteur expert en autotransfusions. Place enfin au sport propre, sans passe-droit ni passe-douleur. Sans tricheur en somme. Un rêve d’équité sportive. Une illusion aussi malheureusement depuis la révélation du contrôle positif de Floyd Landis ce jeudi…
Seule la présomption d’innocence…
Pourtant, on avait envie d’y croire à ce nouveau champion. Défaillant sur la route de La Toussuire, presqu’à l’arrêt, l’Américain apparaissait alors tellement humain. Le lendemain, renversement total de situation. Le Maillot Jaune déchu au profit de Pereiro repartait à l’assaut, offrant un spectacle à nul autre pareil sur les pentes menant à Morzine. A ce moment précis, tous les amateurs ne voulaient croire qu’à une chose : un Landis dopé par l’orgueil du champion, celui qui va puiser dans son échec la force de se dépasser. L’histoire aurait été belle. La fin, elle, s’annonce triste. Très triste. Car aujourd’hui, le prestige du vainqueur de la Grande Boucle ne repose plus que sur une seule chose : la présomption d’innocence. Et encore, celle-ci demeure bien mince, comme le coureur lui-même semblait s’en plaindre dans une interview accordée à l’hebdomadaire américain Sports Illustrated : «Je n’ai pas d’explications sur le pourquoi de ce contrôle positif. Tout ce que je demande, c’est une chance de montrer que je suis innocent, qu’il ne s’agit pas d’une source exogène de testostérone. Mais je suis réaliste, beaucoup ne me croiront pas. Le cyclisme est comme cela, il juge les personnes avant même qu’il ne soit démontré qu’elles sont coupables.»
Nier, comme toujours
La négation comme défense, les cyclistes en ont hélas trop souvent abusé pour que celle-ci fonctionne encore. Tout le monde le sait. Landis lui-même doit le savoir au plus profond de lui-même. Pourtant, il nie avoir cédé à la tentation, alors même que sa propre mère admet qu’arrivé au sommet, celle-ci doit être considérable. Lui préfère évoquer «des problèmes de thyroïde», qui l’ont contraint «à prendre des petites quantités d’hormones de thyroïde.» Seul souci, comment croire qu’un homme, avec une nécrose à la hanche et des problèmes de thyroïde, puisse aujourd’hui remporter le Tour de France, l’épreuve sans aucun doute la plus exigeante sur le plan physique tous sports confondus. A moins qu’il n’ait recours à un quelconque subterfuge. De la testostérone par exemple. Un produit que l’on croyait appartenir à la préhistoire du dopage et qui ressurgit sans prévenir, laissant l’amoureux du cyclisme devant un océan d’incompréhension. Comment ? Pourquoi ? Les coureurs aussi ont fait part de leur écœurement, à l’image de Cyril Dessel au micro de RMC : «Je suis choqué par cette révélation. Je ne sais pas trop quoi en penser (…) Après les débuts difficiles qu'on avait pu connaître sur le Tour de France avec l'affaire Puerto, si le vainqueur du Tour de France était vraiment contrôlé positif, je pense que ce serait vraiment un gros coup dur pour le Tour. Je pense que ce serait le pire des coups que pourrait recevoir le cyclisme.»
Pereiro vainqueur, Landis suspendu 2 ans ?
Maintenant, quelles suites seront données à cette affaire ? Evidemment, il faut d’abord attendre le résultat de la contre-expertise, même si son résultat ne fait guère de doute. Même aux yeux de Floyd Landis, qui se disait «réaliste». Une fois confirmés, les résultats permettront d’ouvrir une procédure contre le coureur, qui risque jusqu’à deux ans de suspension. Sans compter la destitution de son titre, à l’image de Roberto Heras l’an dernier sur la Vuelta, Oscar Pereiro remportant de facto le Tour de France. Le seul moyen pour lui d’éviter une telle fin : «établir», selon les termes du règlement antidopage de l’UCI, «qu’il n’a commis aucune faute ou négligence.» Soit dans son cas prouver que le taux inhabituel de testostérone lors du contrôle était de nature endogène, et non exogène. Or, la méthode utilisée par le laboratoire de Châtenay-Malabry permet de déterminer ce qui relève de la testostérone de synthèse et ce qui tient de l’hormone produite par le corps. Autant dire que l’Américain, à moins de déceler un improbable vice de forme ou de procédure, se retrouve désormais le dos au mur. Face à sa propre conscience. Même si une fois de plus, et peut-être encore davantage que de coutume, le grand perdant est le cyclisme. D’ailleurs, s’en relèvera-t-il une nouvelle fois ?
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