Jean-Luc Courthial
L'échantillon B des urines de Floyd Landis contient comme le premier de la testostérone, mais pour ne rien arranger des affaires de l'Américain, il est désormais acquis qu'il s'agit de testostérone exogène et non naturelle. Le vainqueur du Tour de France a été immédiatement licencié par sa formation, la Phonak, après l'annonce samedi par l'Union cycliste internationale (UCI) des résultats de l'analyse, similaires à ceux de l'échantillon A.
"Il va de soit que pour nous Floyd Landis n'est plus le vainqueur du Tour de France", a ajouté Christian Prudhomme, le directeur de la Grande Boucle. "La contre-expertise des urines de Floyd Landis confirme que la testostérone a été prise de façon exogène", a déclaré à l'Associated Press Pierre Bordry, le président du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, mettant ainsi à mal la défense de l'Américain. Il affirmait produire naturellement un fort taux de testostérone.
Jacques De Ceaurriz, le "patron" du Laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry, a confirmé que la méthode de détection effectuée, indique sans détour que la testostérone découverte dans ses urines n'a pas été secrétée par son organisme.
"Par an, on a 15 à 20 vrais positifs à la testostérone sur 10 000 analyses. Sur ces 10 000 environ 150 sont des rapports T/E naturellement élevés, ils sont physiologiques, et eux sortent négatifs à l'analyse IRMS", explique De Ceaurriz. Pas celui de Landis.
Châtenay-Malbry, accrédité par le Comité international olympique, pratique depuis cinq ou six ans cette IRMS (Isotope Ratio Mass Spectrometry), l'analyse isotopique par spectrométrie de masse.
"Sur les rapports isotopiques, aucune erreur n'est possible. C'est une méthode de preuve", détaille le professeur De Ceaurriz. "On mesure un isotope stable du carbone dans la molécule qui est le carbone 13 et quand c'est une molécule exogène il y a un appauvrissement du carbone 13".
Landis n'a présenté aucun certificat médical pour justifier son taux élevé de testostérone, une substance interdite classée dans les anabolisants. Son ratio T/E (testostérone sur épitestostérone) est de 11 pour 1, alors que 4 pour 1 est le seuil limite fixé par le code mondial antidopage. Il avait déclaré à Bordeaux sur le Tour de France, prendre seulement des corticoïdes pour moins souffrir de sa hanche droite nécrosée, qui devra être opérée et remplacée par une prothèse à l'automne.
Selon Michel Audran, hématologue spécialiste du dopage sanguin, les corticoïdes, puissants anti-inflammatoires aux effets euphorisants, ont pour effets secondaires de faire fondre la masse musculaire. La testostérone permet elle de faire du muscle.
Le ratio T/E de l'échantillon B de l'Américain serait "très proche" des valeurs de l'échantillon A, selon Pierre Bordry, soit voisin des 11 pour 1 de l'échantillon A.
Landis avait été contrôlé positif lors de la 17e étape du Tour à Morzine, où il avait réglé son compte en montagne à toute l'opposition. La veille, il avait été victime d'une terrible défaillance dans la montée vers La Toussuire. "Je n'ai jamais pris de substances interdites, y compris la testostérone", a déclaré samedi Landis, dans un communiqué. "J'ai été le plus fort coureur du Tour, voilà pourquoi j'en suis le champion".
Selon la réglementation de la Grande Boucle, qui sanctionne un coureur à partir de l'étape où il a été contrôlé positif, Landis va perdre beaucoup d'argent : les 450 000 euros de la victoire finale, les 8 000 du succès à Morzine, les 350 euros par jour de maillot jaune et les 15 000 euros attribués au deuxième meilleur grimpeur de l'épreuve. Soit près de 480 000 euros. L'Union cycliste internationale (UCI) va demander à la Fédération américaine de cycliste de se saisir du dossier.
La procédure pourrait durer de quatre à six mois puisque le coureur peut aller jusque devant le Tribunal arbitral du sport (TAS).
Si Landis est déchu, l'Espagnol Oscar Pereiro Sio, deuxième de la Grande Boucle sera déclaré vainqueur.
Landis est le troisième ex-lieutenant de Lance Armstrong, septuple vainqueur du Tour, à être rattrapé par le dopage. Roberto Heras, convaincu de dopage à l'EPO avait été déchu de son titre dans la Vuelta l'an dernier, alors que Tyler Hamilton purge une suspension de deux ans pour transfusion sanguine interdite.
Armstrong a plusieurs fois frôlé la correctionnelle concernant le dopage. Il avait été contrôlé positif aux corticoïdes sur le Tour de France en 1999 mais avait produit a posteriori une autorisation à usage thérapeutique du produit. Ensuite de l'EPO a été découverte dans ses urines 1999 par des analyses a posteriori effectuées récemment par Châtenay-Malabry, mais une enquête demandée par l'UCI n'a pas démontré sa culpabilité.
"Ce sera très dur (pour Landis) de contester les résultats (de Châtenay-Malabry)", a déclaré Dick Pound, le directeur de l'Agence mondiale antidopage. "Scientifiquement, ils sont très fiables et reconnus par tous".
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