4 août 2006
Après l'alcool, la déshydratation
Une simple question de bon sens, diront certains. Un aveu de culpabilité, penseront d'autres. Le champion du Tour de France, Floyd Landis, a retenu les services, hier, d'un avocat spécialisé dans les cas d'athlètes accusés de dopage... avant même que des accusations ne soient portées contre lui.
Voilà donc que les hostilités sont lancées, à deux jours du dévoilement des analyses du second échantillon d'urine qui scelleront le sort du champion. Landis n'a pas attendu pour sortir l'artillerie lourde : Howard Jacobs. L'un des avocats les plus réputés en matière de défense d'athlètes accusés de dopage. Le cycliste Tyler Hamilton- perçu par certaines personnes comme l'éventuel successeur de Lance Armstrong- l'avait engagé il y a deux ans, lorsqu'il s'était retrouvé dans pareille situation lors du Tour d'Espagne.
Journée faste pour Landis, donc, qui a aussi offert hier une nouvelle version- la cinquième en sept jours- pour justifier le taux de testostérone anormalement élevé détecté dans un échantillon d'urine prélevé lors du Tour de France. Après en avoir rejeté le blâme sur la prise de cortisone pour soulager des douleurs à la hanche, puis sur un problème de métabolisme, puis de glande thyroïde et enfin, sur la bière et le whisky avalés la veille, le cycliste montre maintenant du doigt la déshydratation.
Sa logique est simple : la testostérone serait plus concentrée dans l'urine d'un homme assoiffé... Mais pas implacable. À l'instar de chacune des excuses avancées précédemment, celle-ci laisse encore les experts sceptiques. Christiane Ayotte affirme qu'en 25 ans de carrière, elle n'a jamais vu rien de semblable. « Si la déshydratation pouvait augmenter autant le taux de testostérone, alors tous les marathoniens afficheraient toujours des taux anormalement élevés. Et les joueurs de tennis aussi. »
Quelques athlètes ont déjà eu la même idée que Landis pour assurer leur défense. « Mais, à ma connaissance, aucun d'eux n'a obtenu gain de cause », dit Mme Ayotte. Et les chances sont bien minces pour que la tendance soit renversée cette fois: la testostérone trouvée dans le premier échantillon est d'origine synthétique. Même en suant toute l'eau de son corps, Floyd Landis n'aurait pas pu transformer sa propre testostérone, sécrétée par ses testicules, par de la testostérone synthétique produite en laboratoire.
Bien sûr, Landis peut attaquer la validité du test de spectrographie qui a permis de déterminer la nature de la testostérone présente dans les échantillons. Mais même s'il obtient son annulation, il devra encore composer avec le fil des événements. Qui ne colle pas avec la thèse de la déshydratation. Landis est probablement l'athlète qui a le moins souffert du soleil de plomb sous lequel s'est déroulée la 18e étape du Tour de France, à l'issue de laquelle les échantillons incriminants ont été prélevés. Landis s'est échappé du peloton dès le 45e kilomètre de la course et a terminé seul les 125 km restants. Il avait donc plus facilement accès au ravitaillement en eau et en boissons désaltérantes fournies par la voiture de son équipe, la Phonak.
« Cela m'a avantagé », avait même affirmé Landis au fil d'arrivée. Les caméras de télévision l'ont montré à plusieurs reprises s'aspergeant le visage d'eau, puis la gourde aux lèvres.
Pourquoi, alors présenter un argument si facile à réfuter ? C'est une tactique de l'avocat Howard Jacobs, dit Mme Ayotte, un brin exaspérée. « Il fait de la pêche pour brûler les experts. Il va émettre plusieurs hypothèses pour nous forcer à nous prononcer sur chacune d'elle dans les journaux. Et ensuite, au tribunal, il essaiera d'attaquer notre objectivité... Mais les faits sont les faits. Si les tests confirment que la testostérone est synthétique, il y a dopage, point. »
Dans ces circonstances, Mme Ayotte entrevoit les prochaines semaines en « montagnes russes ». Cela bien sûr, si le résultat des analyses du premier échantillon (A) est confirmé, demain, par celui de l'échantillon B. Dans ce cas, Landis risque de devenir le premier champion du Tour de France détrôné pour une affaire de dopage. La cause sera alors portée devant l'Agence américaine d'antidopage, qui pourrait l'exclure de la compétition pour deux ans. À l'inverse, si l'échantillon B blanchi Landis, le cas tombe à l'eau. Et le champion restera - sur papier - champion.
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