À défaut d'avoir 1200-1500 km dans les pattes comme certains de mes copains, je m'étais fait des plans de mise en forme, en jambes surtout, pour les deux semaines qui précédaient ce premier Défi métropolitain. Puis, j'avais réduit ça à une semaine et finalement à trois jours, en me disant que les sorties avec mon fils ti-Georges dans la remorque comptaient pour double. Quand on m'a passé le ruban plastifié autour du poignet, j'ai enfourché la bécane à l'assaut d'un 100 kilomètres pour lequel je n'étais absolument pas préparé. Depuis longtemps, les amateurs de vélo réclamaient un nouveau produit, quelque chose de plus costaud que le Tour de l'Île, mais qui ne monopoliserait tout de même pas huit jours comme le Grand Tour. Les responsables de Vélo-Québec ont répondu à leurs attentes en leur offrant le Défi métropolitain, deux boucles de 100 ou 150 km au choix, un parcours bien tassé facilement réalisable si le vent de face ne vient pas ralentir nos derniers coups de pédale, comme ce fut le cas il y a 10 jours. À Vélo Québec, considérant que les plus gourmands pouvaient maintenant se rabattre sur le nouveau Défi, on en a profité pour démocratiser encore plus le Tour de l'Île organisé le lendemain en le réduisant de 65-70 km à quelque 50 km.
On ne peut plus raisonnable, j'ai choisi d'attaquer le Défi avec la boucle de 100 km qui devait nous mener, à travers la campagne, d'Oka, à Saint-André Est et à Sainte-Scholastique entre autres. La journée s'annonçait clémente mais nos pronostiqueurs météo - qui visent de plus en plus juste - prévoyaient des vents soutenus de l'ouest en après-midi. Il valait donc mieux décoller tôt pour ce premier Défi métropolitain.
À la grâce de Dieu...
À 9h33, pas avant, et je vous fais grâce de la catastrophe des préparatifs, le peloton du Défi s'est finalement ébranlé. Du parc national d'Oka jusqu'à la célèbre côte St-Michel, mon coeur s'est allégé car j'ai doubler au moins 30 cyclistes. Et je savais qu'il y en avait plusieurs qui n'étaient pas encore en
route. Quand même : deux vieux m'ont dépassé au bas de ladite côte.
Je moulinais solo parce que, en tant que jeune père de famille, la planification, c'est foutu ! La dernière fois que j'ai organisé une sortie, mes amis sont partis sans moi et mes espoirs d'être pris au sérieux sont désormais nuls. Seul en selle donc, mais du même coup plus seul du tout : je faisais maintenant partie d'un groupe de 2000 cyclistes, qui avaient répondu à l'invitation au voyage lancé par Vélo Québec.
À Kanesatake, je craignais le manque de réserve de quelques pitous mal attachés, c'est parfois le cas chez nos frères Amérindiens, mais c'est à peine si on a entendu un aboiement ou deux. À peine sorti de la réserve, je roulais à environs 27-28 km/h face à un léger, continuant de me faire plaisir en doublant tout ce qui traînait sur le bord du chemin.
Puis, des voix féminines me sont parvenues de l'arrière et ça jasait, et ça se rapprochait, et ça jasait, et je poussais en me disant non, elles vont pas me rattraper en se racontant comment réussir une pâte à tarte, calvaisse ! Mais elles faisaient du 28-29 km/hre, alors c'était comme si elles marchaient lentement derrière moi. Elles ont fini une première recette puis sont tombées sur un autre sujet. Et elles n'arrêtaient pas.
Finalement, la gang m'a doublé sous les regards avachis d'une douzaine de Herefords et sans aucun effort, je me suis laissé aspirer en enroulant un braquet plus dur. Les deux filles ont cédé le relais à leurs chums, qu'elles avaient tirés sans effort, et la vitesse de croisière est tombée à 24-25 km/h, mais je me suis bien gardé de les repasser. De dos, ils avaient l'air sympathiques, alors pourquoi ne pas profiter d'eux ?
« Dites donc, mesdames, vos gars doivent vous aimer ! »
En fait, ils étaient deux couples et deux jeunots s'étaient greffés à eux. Deux ti-culs habillés pour faire du jogging, mais poussant des braquets seniors ! Je flairais la folie, puis la cassure, vers l'heure du midi...
Je me suis bientôt retrouvé à prendre le relais avec Bernard, parce que nous avions des similitudes de gabarit et de cadence. Les filles trouvaient que nous faisions un beau couple tracteur.
Le vent d'ouest nous parvenait faiblement, sans doute en raison des arbres et des habitations qui font écran à la rivière des Outaouais que nous « remontions » jusqu'à Saint-Placide puis Saint-André-Est. Cette route, la 344, me rappelait le bon temps où je partais d'Outremont pour rouler jusqu'à Carillon et revenir de l'autre bord par l'ouest de l'Île, as they say. Maudite jeunesse en allée, va !
Nous salivions à l'idée de prendre à droite à Saint-André, direction Saint-Augustin, soit une trentaine de kilomètres vent dans les voiles.
Bernard venait juste d'avertir les jeunes de mouliner davantage s'ils voulaient faire le parcours de 150 km - ils étaient sur le boeuf, comme tous les enfants qui veulent prouver qu'ils sont increvables - lorsque, justement, le sifflet d'une crevaison est parvenu à nos oreilles affligées. On aurait tous juré que c'était moi. Mais non, c'était un des kids.
Bernard, devenu expert en la matière quelque part en Alsace il y a deux ans - c'est là qu'avait eu lieu la rencontre avec Nicole et Michel, l'autre couple - a dirigé le changement de chambre à air. En gang, ça niaise pas !
Un peu de social
Tiens, Michel B. qui passe avec sa blonde que je n'avais pas encore rencontrée. Un peu de social et c'était le temps de remonter en selle pour me rendre compte que nous n'avions pas rêvé tantôt : j'avais, moi aussi, une crevaison. Rebelote, Bernard affirmant que les « crevés» qu'on a secourus devaient payer la bière. La deuxième fois, on les abandonne. J'ai eu beau lui dire de m'abandonner tout de suite, Bernard, qui semblait pourtant avoir soif, m'a aidé à réparer.
Vent de dos, on développait le gros braquet, 37-40 km/h en chantant La Marseillaise. Mais je vous le disais tantôt, manque de millage, j'ai « cassé » peut-être cinq kilos avant Saint-Augustin où nous attendait le lunch du midi. Les jeunes, eux, s'étaient laissés larguer bien avant moi...
73 kilomètres dans les pattes, on avait l'estomac dans les talons.
Ceux qui avaient fait la boucle prévue aux 150 km, vers Saint-Janvier, Terrebonne et Sainte-Thérèse, n'avaient pas l'air trop épatés par le choix des routes. À la décharge des organisateurs, il faut dire que les routes ressemblent généralement à leur région.
Les 30 kilomètres du retour ont été pour la plus grande part pénibles car il fallait combattre des rafales de face ou de côté qui atteignaient, paraît-il, les 50-60 km/h. Dans un faux-plat descendant de la montée Villeneuve, j'avais du mal à atteindre 15 km/h. Ouache !
Je n'ai plus revu mes nouveaux amis jusqu'au parc d'Oka. Le site, avec ses chapiteaux, sa musique et son ambiance copains-copines était emprunté aux haltes du Grand Tour auquel d'ailleurs ce Défi métropolitain servait de vitrine. Bernard, volubile et bon pédaleux - on ferait une bonne équipe, mais ce jour-là, il avait 300 km de plus que moi, et ç'a paru - m'a vanté les bonheurs du Grand Tour qu'il pratique régulièrement : « C'est comme ça tous les soirs. Le Grand Tour, c'est intense ! intense ! intense ! »
Je n'ai pas eu à payer la bière, mais je n'ai pas résisté à la tentation d'en boire une, une seule, puis j'ai filé sans demander mon reste, oubliant même de prendre le T-shirt officiel du Défi.
Le vélo, c'est une drogue. À preuve, le lenddemain, j'emmenais ti-Georges, 14 mois et demii, à son premier Tour de l'Île, normalisé cette année à 50 km, ce qui le rend encore plus abordable pour tous les types de cyclistes et facilite la découverte de nouveaux talents sur deux roues.
Nous avons abandonné à la hauteur du marché Atwater, à mi-chemin, parce que Zum Zum s'impatientait : pique-niquer dans l'herbe mouillée, au froid, bof, on remettra ça!
Pédaler, pédaler...
Le Grand Tour a lieu du 3 au 10 août prochains. Départ de La Pocatière, dans le Bas-Saint-Laurent, arrivée à Richmond, dans les Cantons-de-l'Est, huit jours et 662 km ou 804 km plus tard, selon les variantes de parcours. On se renseigne aux 514-521-TOUR, 1 888 899-1111, www.velo.qc.ca .
Une autre belle cavale - la randonnée Hydro-Québec, soit le tour du lac Saint-Jean sur la Véloroute des Bleuets, a lieu du 26 au 29 juin. On accorde 20 % de rabais à ceux qui s'inscrivent avant samedi (15 juin). On se renseigne au 418-668-8430 ou à www.liberteavelo.ca.
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