Chers amis,
Voici mon analyse de l'évolution de la pratique cyclosportive en ce début de saison 2003.
Merci de votre attention
Patrick François

Le cyclosport en 2003
L’Esprit destructuré

1- Synthèse
Esprit es-tu là?

Ces mots issus de siècles d’expressions populaires m’apparaissent aujourd’hui comme un leitmotiv, quête d’une vérité mise à mal si tant est qu’elle n’ait jamais existé.

Le cyclosport a 20 ans, juste majeur et déjà retraité.

Pratique sportive émergeante d’un trop plein de contraintes et d’habitudes jugées inadaptées par des cyclistes qui ne se reconnaissaient pas dans les directives d’une fédération dépassée par l’engouement du sport loisirs. Le cyclosport fut un des fers de lance de l’explosion des instances sportives légataires favorisant en cela le développement de structures affinitaires mal préparées et - elles aussi - arc boutées sur des réglementations obsolètes.

Le cyclosport, espace intense de liberté et de sport total a tout d’abord fait chavirer les règles du sport cycliste en régions.

2- Historique et développement
Au début des années 80, Yann Comtat et une poignée d’organisateurs en quête de renouveau ont franchi le rubicon des règles fédératives en initiant les Brevets de Randonneur Sportif et la pratique sauvage du vélo en compétition, sans licence et sans club.

La Marmotte, l’Izard Bahamontes, la Louison Bobet, Le Bouquet de Tavel et bien d’autres ont montré l’exemple. Très rapidement les clubs innovants, les structures associatives sans objet sportif défini, les organisateurs privés, les entreprises ou syndicats de tourisme, puis les collectivités locales directement ou par délégation, se sont intéréssés à cette nouvelle variante du sport cycliste; les champions ont cautionné et les anonymes ont suivi, 10 ans plus tard le cyclosport attirait déjà des milliers de pratiquants sur des parcours d’anthologie - avec la bénédiction des pouvoirs publics -, pour des défis personnels le plus souvent hors du commun car à l’époque rares étaient les épreuves dont le kilométrage était inférieur à 180 km et lorsqu’il s’agissait d’itinéraires de montagne 4 ou 5 cols correspondaient à une moyenne coutumière pour un dénivellé souvent supérieur à 5000 m.

J’ai découvert le cyclosport à cette époque, il y a tout juste 10 ans. Le mot défi avait un sens propre, le sport était intense, l’esprit cyclosportif était né.

Le filon fut très vite reniflé par la presse nationale spécialisée toujours en quête de lectorats nouveaux et de sujets à exploiter, L’Officiel du Cycle fut le premier titre français à s’intéresser de près au sujet, puis Cyclo Passion fut fondé, Top Vélo prit la roue.

Fort habilement et avec un véritable engagement éditorial, ces trois titres se partagent un marché de près de 60 000 lecteurs, les constructeurs et les distributeurs de l’industrie du cycle et produits dérivés sont tout à fait conscients de l’importance que représente la clientèle issue de la pratique cyclosportive, des pages entières de publicité et d’offres commerciales dans les titres cités témoignent de la vivacité de ce marché, il s’agit bien d’une véritable poule aux oeufs d’or!

Les organisateurs ne furent pas en reste pour adapter leur épreuve et développer l’offre auprès d’une population conquise prête à toutes les concessions.

Ainsi naquirent les petits parcours chronométrés.

Et là où je reconnais le bien fondé d’une presse active, pertinente et engagée, je m’insurge ouvertement et sans détours sur cette récupération d’un phénomène passionnel et désintéréssé par les marchands du temple qui transforment petit à petit le cyclosport originel en week ends de vélo loisirs à la carte avec prestations de tourisme à la clé.

Tout ceci dans un vide juridique incomparable, puisqu’à l’heure actuelle le cyclosport n’a pas de statut officiel, ni aucune reconnaissance légale.

Les exemples et les détails de cette mutation en cours sont innombrables et suffisamment éloquents pour avoir motivé la création quasi simultanée de la Charte du Cyclosport à l’initiative d’un groupe de pratiquants animé par l’ami Miranda et des Assises Européennes qui aboutirent récemment à la fondation de l’A.E.C (Association Européenne de Cyclosport), association qui a motivé un certain nombre d’organisateurs de grandes épreuves Européennes, conscients de l’urgence à “tenter” de remédier à la situation et des dérapages parfois incontrôlables d’un phénomène de société sans cesse grandissant en proie aux spasmes d’une crise de croissance délicate à gérer.

Patrick François, Opale13@aol.com

Car de fait, le cyclosport des années 2000 est bien loin de ses fondements d’origine pourtant pas si lontains et je constate avec une certaine inquiétude l’envahissement progressif des aires de départ par les nouveaux panels de pratiquants, certes attirés par le défi sportif initial de la pratique mais également par le miroir aux prestations, véritable fourre-tout systématique par ailleurs non spécifique aux sports d’endurance, qui planifie l’offre, l’agrémente et la synthétise, modifie les enjeux et les comportements, réduit les distances et les difficultés, sécurise et observe des plans marketing d’un réalisme froid au détriment évident du sport intense et véritable.

Il est clair en effet, que les organisations à gros budget qui ne justifient pas toujours des aspects d’itinéraires et sportifs les plus intéressants, insufflent un esprit caractérisé sur les épreuves et les plus modestes en font parfois les frais.

Sans pour cela vouloir réglementer l’accès à cet espace incomparable de liberté pour tout cycliste assidu, il apparaît maintenant indispensable d’en définir les règles de base, il en va de la survie du cyclosport. Les 2 axes fondamentaux qui seront déterminants pour la réussite de cette mission, base de réflexion et objet principal de l’A.E.C sont tout d’abord d’obtenir une reconnaissance officielle des pouvoirs publics et des instances sportives internationales, puis de mettre en place une réglementation spécifique qui passera nécessairement par la délivrance d’une licence pour pratiquer sans contraintes et sans heurts.

3- Engagement personnel et convictions
Mon passé de cycliste de haut niveau, ma formation et mes expériences professionnelles dans les secteurs de la communication et des relations internationales, m’ont rapidement amené à faire partie du sérail des spécialistes.

Tout en privilégiant ma propre pratique, je me suis évertué à conserver dans mes actions et dans mes projets autour du cyclosport l’essentiel de cet esprit initial, car il est selon moi l’essence même du geste du cycliste moderne, énergique et harmonieux à la fois.

Mon action militante est celle d’un professionnel, technicien, mais aussi celle d’un pratiquant passionné, il est donc clair que j’en accepte les contradictions et les vicissitudes.

Je suis convaincu que les orientations de base définies par l’A.E.C sont bonnes, les détracteurs seront de plus en plus nombreux, mais les adhérents à notre mouvement également.

Cet objectif, qui pourrait aboutir à un séparatisme entre les différents types d’organisations, dans le cadre de l’observance d’un cahier des charges précis et identifié, pourrait également signifier la disparition d’un certain nombre d’épreuves et une participation raisonnée sur d’autres désireuses de s’aligner.

Je précise donc, pourquoi pas?

Si cela doit nous permettre de clarifier la donne...

J’estime donc juste et primordial le fait de m’engager dans un tel combat, j’estime posséder la connaissance du terrain et avoir les compétences nécéssaires. Guidé par une passion de 40 ans au service du sport cycliste, je ne négligerai donc rien pour aboutir à cette cible, la reconnaissance de la pratique cyclosportive comme une discipline à part entière où l’endurance et le défi sportif restent des bases fondamentales.

Des événements récents liés à des aspects techniques annexes non maîtrisables sur une récente organisation m’ont conduit à rédiger ce mémorandum personnel, certains passages de ce texte méritent probablement une explication détaillée.

Pour le moment je m’en tiens à cet exposé de base, nous aurons dans un avenir proche l’occasion de développer, de dialoguer et de construire autour des axes principaux.

4- Complémentarité
Ce cyclosport traditionnel qui ne doit pas mourir et dont je me fais l’ardent défenseur n’est pourtant pas isolé entre le cyclisme de compétion et la pratique cyclotouristique, en effet parallèlement à la naissance du mouvement en Europe et nous projetant 20 ans en arrière, l’ultra distance a vu le jour outre Atlantique avec la création d’une épreuve hallucinante, la R.A.A.M (Race Across America), un défi gigantesque de 3000 miles (4800 km) reliant d’un seul trait l’Ouest à l’Est des Etats-Unis.

Ce monument du sport d’endurance aujourd’hui considéré par les médias et les spécialistes comme une des épreuves sportives les plus difficiles au monde toutes disciplines confondues, est en passe d’orchestrer un véritable engouement, puisqu’une fédération internationale est née, l’U.M.C.A (Ultra Marathon Cycling Association) qui regroupe à l’heure actuelle environ 1600 membres sur une vingtaine de pays.

D’autres épreuves ont vu le jour, notamment aux U.S.A, en Australie mais aussi en Europe (Suisse/Allemagne/Autriche/République Tchèque/Italie/Grande-Bretagne/Pays scandinaves).

Et un défi similaire à la R.A.A.M vient d’apparaître chez nous, initié par l’ancien champion de ski Andréas Wenzel, avec l’organisation de la XX ALPS en août 2003, épreuve de 2000 km qui partira de Vaduz (Lichtenstein) pour relier Isola 2000 dans les Alpes Maritimes à travers le massif alpin et qui empruntera les routes des plus grands cols, avec 44 ascensions au programme pour 45 000 m de dénivellé.

Insensé pensez-vous?

Effectivement irrationnel, mais gardons la tête froide en admettant que notre époque est celle de tous les changements, tout en relativisant sur le fait que de tels évènements s’adressent en tout premier lieu à un panel restreint de spécialistes puisque le nombre de participants sur ces épreuves extrêmes est toujours limité et l’inscription se fait sur sélection préalable.

L’’important se situant tout d’abord dans le fait que la pratique Ultra distance en cyclisme est maintenant internationale, que son public ne cesse de s’accroître et que la mentalité et l’ambiance de ces rassemblements rejoignent tout naturellement l’esprit initial du cyclosport auquel je me réfère, fait de défis sportifs personnels et d’aventure, avec la bicyclette comme outil de référence.

5- L’avenir du cyclisme en régions
Dans le même temps, les règlements et les coutumes ont considérablement évolué dans le secteur du cyclisme de compétition fédéral - FFC et fédérations légataires-. À 25 ans et sauf exception, un compétiteur n’a pratiquement plus d’avenir dans la pratique du cyclisme, soit il est professionnel ou assimilé et pris en charge par une structure, soit il est condamné à végéter dans sa région d’origine, parcourant les courses régionales de moins en moins nombreuses et sans réel enjeu.

Ce jeune cycliste ayant fait une croix définitive sur un objectif de carrière et/ou de développement personnel à travers la compétition, est donc condamné à terme à pratiquer son sport favori comme un loisir, alors qu’à 25 ans, l’esprit de compétition n’est pas moribond, bien au contraire.

Dans ce contexte, un réservoir impressionnant est en train de se constituer. Le cyclosport en quête d’un développement structuré, ludique, symbole de liberté, permettant une pratique sécurisée tout en respectant une échelle des valeurs à travers classements et performances, pourrait tenir dans un futur proche un rôle de pratique refuge pour ces exclus du système, oeuvrant en quelque sorte pour reconstruire ce qu’il a contribué à détruire.

Le cyclosport pourrait donc prochainement devenir l’un des piliers du sport cycliste en régions.

Patrick François
Avril 2003


page mise en ligne le 27 avril 2003 par SVP

Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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