Acheter un vélo constitue un investissement de plus en plus important et les Québécois, passionnés de la bicyclette, mettent le prix pour se payer une bécane de fabrication québécoise ou... asiatique.
Le vélo, au Québec, c'est une business de plus de 200M$ dominée par trois grands fabricants (Procycle, dans la Beauce; Raleigh, à Waterloo, dans les Cantons del'Est; et Victoria Precision, dans l'Est de Montréal).
C'est également de petits manufacturiers (Cycles Devinci, à Saguenay; Cycle Marinoni, Guru et Cycles Balfa, dans la région métropolitaine) qui réussissent à livrer des vélos de qualité.
Mais c'est surtout une industrie qui fait face à une menace qui risque d'ébranler sa structure : d'année en année, les manufacturiers chinois et taïwanais inondent le marché canadien et québécois avec des vélos bon marché.
En 2002, au pays, sur des ventes totales de 1,4 million de bicyclettes, selon Statistique Canada, 820 000 vélos provenaient d'Asie. En 2001, les expéditions asiatiques avaient totalisé les 600 000 unités.
La menace est bien réelle. Et pour les acheteurs de vélos, il est devenu difficile d'ignorer la présence des fabricants étrangers.
Avant de faire l'achat de leur vélo, les Québécois vont se poser la question: vaut-il mieux encourager un fabricant québécois ou opter pour un vélo « made in China »?
Un vélo fabriqué en Asie, bas de gamme, se vendra un peu moins de 250$. Un vélo intermédiaire produit au Québec coûtera de 250 à 750$, et un vélo de route de qualité, de 800 à 1000$.
Un guide de vélos
Pour aider les consommateurs à s'y retrouver, Vélo Québec publie, encore cette année, son magazine Vélo Mag où sont répertoriés pas moins de 455 vélos.
« Nous sommes l'équivalent du Guide de l'auto», souligne Patrick Howe, de Vélo Québec.
Toutefois, si vous êtes un baby-boomer aux mollets bien gonflés, sachez que le vélo de route sera un gros vendeur cette saison.
« On voit de plus en plus de clients choisir ce type de vélo. Les prix sont raisonnables (environ 1200$). Les manufacturiers ont ajusté leurs prix pour rejoindre une plus large clientèle », souligne Yves Chenard, copropriétaire de Bicyclettes Montréal-Nord, boulevard Gouin.
Le vélo hybride «performant», qui permet de rouler à la ville et à la campagne avec un guidon droit et des pneus plus étroits, se vendra un minimum de 800$, selon le boutiquier.
Les vélos hybrides traditionnels, pour la famille, seront offerts autour de 250$.
« On en vendra beaucoup d'ici à Pâques, en souhaitant que le beau temps se mette de la partie», ajoute-t-il.
Frais d'entretien élevés
Mais rouler à vélo comporte aussi des coûts de plus en plus élevés : les équipements sophistiqués proposés aux cyclistes de semaine et de fin de semaine font rapidement monter la facture.
« Les cyclistes sportifs vont dépenser de 600 à 800$ par année pour l'entretien de leur vélo et l'achat de vêtements», constate Yves Chenard.
Par exemple, une mise au point complète pour un cycliste qui roule beaucoup (5000 kilomètres par année) coûtera près d'une centaine de dollars.
A ce montant, il faut prévoir l'achat de pneus (85$ pour un pneu Michelin de compétition!), d'une chaîne et d'une selle, sans oublier les petits bas et les souliers...
Rassurez-vous toutefois: si vous faites du vélo de pépère, une mise au point «normale» coûtera environ 30$.
Les fabricants québécois de vélos, qui produisent 80% des vélos assemblés au Canada et ont un chiffre d'affaires de plus de 200M$, sont plus sensibilisés que jamais face à la menace qui vient des manufacturiers asiatiques de vélos bon marché.
La menace est bien réelle : les manufacturiers chinois et taïwanais sont bien résolus à inonder le marché canadien et québécois de la bicyclette avec leurs bécanes bon marché.
En 2002, en dépit des mesures anti-dumping imposées par Ottawa pour protéger l'industrie, les manufacturiers asiatiques ont expédié 820 000 bicyclettes au Canada, sur des ventes totales d'environ 1,4 million de vélos. En 2001, les expéditions ont totalisé les 600 000 unités.
Sursis et surtaxe
À vrai dire, l'industrie du vélo de masse est en sursis. Elle résiste. Elle mise encore sur des mesures punitives, imposées aux manufacturiers asiatiques qui souhaitent vendre leurs vélos à un prix inférieur à ce qu'il leur en coûte pour les produire en usine.
Les fabricants québécois ont réussi à influencer le Tribunal du commerce, qui a reconduit en décembre 2002, pour une période de cinq ans, les mesures antidumping visant les manufacturiers d'Asie.
Toutefois, en rendant sa décision, le Tribunal a assoupli les règles du jeu en faveur des fabricants chinois et taïwanais, ce qui laisse croire à des jours plus difficiles pour l'industrie.
Avant décembre 2002, la taxe antidumping s'appliquait aux vélos vendus au détail 650$ et moins. Cette taxe s'applique maintenant aux vélos de 400$ et moins.
« Il faut admettre que la barre a été abaissée. Et il faut prévoir que les Asiatiques vont pénétrer le marché avec plus de facilité à la suite de ces assouplissements », souligne Raymond Dutil, président et chef de la direction du manufacturier Procycle (CCM, Peugeot), à Saint-Georges de Beauce.
M. Dutil a piloté avec l'Association canadienne des manufacturiers de bicyclettes le dossier très politique touchant les mesures antidumping.
Il ne cache pas que l'industrie connaît des changements importants. «Nous consacrons des budgets importants à la recherche et au développement pour nous démarquer avec des produits mieux adaptés », dit-il.
L'ex-coureur cycliste Gervais Rioux, devenu détaillant et fabricant de vélos, ne craint pas ses concurrents asiatiques. Il s'en est plutôt fait des alliés !
Les vélos de route Argon 18 qu'il vend à sa boutique du boulevard Saint-Laurent, sur le Plateau, il a décidé de les faire fabriquer en Asie, où il a recruté « avec beaucoup de rigueur », dit-il, des sous-traitants compétents.
Compromis profitable
Gervais Rioux estime avoir trouvé une formule de compromis pour faire face à ses compétiteurs étrangers.
À Montréal, il voit à la conception et au design des vélos, et ses sous-traitants «montent» ses vélos dont le prix de base est de 1500$, en tenant compte de ses exigences.
« Trouver les bons manufacturiers, voilà le défi. Dans cette industrie, on ne s'improvise pas fabricant de vélos simplement en faisant appel à des sous-traitants asiatiques », dit-il.
Gervais Rioux concède qu'il faut y mettre les efforts. Il y a une semaine, il a participé à la plus importante exposition commerciale de vélos, à Taipei (Taïwan), où il a signé des ententes avec des distributeurs pour vendre ses vélos en France, en Angleterre, mais aussi en... Asie.
Vendre ailleurs
« On veut vendre nos vélos à l'international. On pense qu'il y a une place pour une entreprise de notre taille. Pour y arriver, on va continuer de voir à la conception et au design de nos vélos, tout en s'assurant que la technologie est à point », ajoute-t-il.
Avec une petite équipe de cinq employés, il a permis à Argon 18 d'afficher une croissance soutenue de 35% depuis cinq ans. Mais, compétition oblige, il évite de dévoiler des chiffres sur la production de bécanes haut de gamme.
Victoria Precision vient de céder sous la pression asiatique : le fabricant de vélos ne construit plus de cadres et de jantes et il a mis en vente son usine de 175 000 pieds carrés de la rue de Rouen, dans l'est de la ville.
Raison invoquée par le président et chef de l'exploitation, Philippe Stanimir : il n'est plus rentable de fabriquer ces composantes en usine.
Les cadres et les jantes seront désormais achetés en Asie, à moindre coût. «Nous avons constaté qu'il est plus efficace (et plus économique) d'importer nos composantes auprès de fournisseurs asiatiques », concède Philippe Stanimir.
Victoria Precision continuera d'assembler et de peindre les vélos dans ses ateliers.
Toutefois, la décision de cesser la production dans l'est de la ville fait des perdants.
Au cours des derniers mois, au moins une centaine d'employés temporaires ont été licenciés, en même temps que les équipements robotisés pour les travaux de soudure des cadres étaient mis au rancart.
Pas une exception
Un fait demeure : les fabricants de vélos à travers le monde importent de plus en plus de composantes en provenance d'Asie, où les coûts de main-d'oeuvre sont infiniment plus faibles.
« Nous ne sommes pas le seul fabricant à prendre cette décision (d'importer les pièces maîtresses pour les vélos). C'est une réalité mondiale», insiste Philippe Stanimir.
Victoria Precision est la propriété, depuis 1999, du fabricant américain VP Sports, qui possède notamment Torpedo Sports et Vic Hockey.
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