23 juin 2003


« Et on se croyait chargés !...» Ian, Erwan et Olivier au Vietnam, à la recherche d'une bonne histoire. Partis
de France, les trois compères auront parcouru près de 25 000 kilomètres en vélo jusqu'à Shanghai.
photo : Ian Jacquier, Olivier Cheneval et Erwan Cheneval

À vélo sur la route des contes

Silvia Galipeau

Il était une fois trois amis d'enfance à qui semblait destinée une vie plutôt rangée. Un beau matin, le premier dit aux deux autres : et si on plaquait tout pour voir le monde à bicyclette ? Plus de 400 jours et quelques 23 227 kilomètres plus tard, ils sont de retour..

L'histoire ressemble à un conte de fées. Ou plutôt à une aventure fantastique tout droit sortie d'un livre d'images. Un livre dont on aimeraît tant être le héros. lan, Erwan et Olivier, trois jeunes Suisses vivant aujourd'hui à Montréal (Ian et Erwan) et à Vancouver (Olivier), ont fait le fou pari de faire Bordeaux-Shanghai à bicyclette. Pas pour se faire les mollets, mais pour découvrir le monde. Et pas n'importe quel monde, mais bien celui des contes.

Armés d'une caméra vidéo, d'appareils photo et surtout de bonnes paires d'oreilles, avec un soupçon de curiosité et une énergie débordante, ils ont parcouru la France jusqu'à la Chine, passant par la Turquie, l'Iran, le Pakistan et l'Inde, sans oublier le Laos et le Vietnam, tout cela à bicyclette. Là où leurs vélos les menaient, ils s'arrêtaient, à la recherche de ce que l'Unesco qualifie de «patrimoine intangible»: les contes, fruits sans pareil de la tradition populaire, uniques à chaque culture.

De retour au bercail, l'aventure n'est pas encore finie. Ils doivent, dès la semaine prochaine, nous livrer chaque semaine le récit de leur périple, accompagné en prime d'un conte choisi. Vous pourrez ainsi vivre leur fabuleuse aventure par procuration dans nos pages, et ce, tout au fil de l'été. On nous promet un récit par semaine.

Pourquoi les contes? «Dans le monde actuel qui va très vite, on a l'impression de ne plus avoir de repères identitaires forts. Les contes nous rappellent un peu qui on est», répond Ian Jaquier, l'instigateur du projet, joint par téléphone en Suisse. Le vélo, lui, est un moyen de locomotion écologiquement correct permettant de vivre au rythme des pays à traverser.

C'est aussi pour mettre un frein à son trop quotidien métro-boulot-dodo qu'il a abandonné son job en finance, vendu sa voiture et qu'il s'est débarrassé de son appartement à Montréal. «Au bout de deux ans devant un ordinateur, j'en avais marre», reconnaît-il.

Mais loin de se limiter à une année sabbatique, il s'est lancé dans un véritable «projet de vie», dit-il. «C'était un vieux rêve que j'avais à 15 ans. Je voulais faire Lausane-Pékin à bicyclette.» À peine le rêve formulé, il appelait son copain d'enfance Erwan Cheneval, qui travaillait à l'époque dans le Midi de la France. «c'est fou, ça m'intéresse», a répondu sans hésiter Erwan, qui travaille depuis en éducation. Même enthousiasme de la part d'Olivier Cheneval, le frère d'Erwan, qui étudie quant à lui en biologie à Vancouver.

Les compères, qui ont tous trois moins de 30 ans, sont des amis de toujours. Ils sont allés à l'école en Suisse, ont monté un groupe de musique et fait les 400 coups ensemble avant de partager un appartement à Montréal. Cette fois, ils se lançaient dans leur plus grande aventure. Car si les trois avaient déjà voyagé, jamais ils n'avaient fait un périple aussi «exotique», précise Ian.

Car Ian voyait grand. Il a donné un coup de fil à l'Unesco pour parler de son projet et réussi à soutirer du financement. «Je suis un peu idéaliste», dit-il en avouant qu'il aimerait que l'aventure «humaniste» ait une «portée universelle». Partir à la recherche de contes, des histoires racontées par les peuples les plus éloignés, c'est un peu perpétuer une tradition orale par définition vouée à la disparition, résume-t-il.

La planification du voyage a pris un an. Il a fallu trouver du financement, mais aussi établir un réseau de contacts dans les différents pays où ils s'aventuraient, dénicher des traducteurs, rassembler le matériel nécessaire, les appareils photo, caméra vidéo et autres enregistreuses, sans oublier leurs vélos.

C'est finalement le 13 février 2002 qu'ils plantent pour la première fois leur tente à Bordeaux. L'aventure commence. Le moment le plus émouvant du voyage est sans nul doute le dernier au revoir aux parents. « On a donné nos premiers coups de pédales et il ne fallait pas se retourner », raconte Ian.

Mais une fois partis, ils sont enchantés. « C'est incroyable la gentillesse des gens, partout, chaque fois, presque au quotidien », commente Erwan.

Ian cite l'exemple du Népal et du Laos, plus retirés, où les habitants sont moins habitués à voir des touristes, surtout pas à vélo. Erwan a quant à lui préféré le nord du Pakistan pour ses montagnes, le désert au milieu de l'Iran, et la communauté tibétaine en Inde.

Certaines aventures cocasses ont pimenté leur voyage. En Turquie, ils ont été assaillis par une douzaine de militaires qui les ont emmenés au poste de police - eux trois, le traducteur et le conteur qu'ils avaient rencontré - pour finalement leur dire quelques heures plus tard qu'ils voulaient les « aider », les protéger des supposés « dangereux paysans » qui peuplent la campagne turque.

Au Laos, une famille a un soir organisé une grande fête en leur honneur. Les aventuriers se sont retrouvés avec une bière dans une main, une cuisse de poulet dans l'autre, tandis que les convives leur accrochaient de petits cordons blancs autour des poignets, afin de retenir leurs bons esprits. « On s'est retrouvé avec une trentaine de cordons blancs autour des poignets, alors qwon avait toujours notre bière et notre poulet en main », pouffe lan.

Bien sûr, il y a aussi eu quelques petits désagréments. À vivre à trois ainsi intensément, à travailler 24 heures sur 24, il y a parfois quelques petites disputes. Erwan a aussi terminé l'aventure avant les autres au bout de sept mois. «C'est long, sept mois à parcourir des milliers de kilomètres, à enregistrer énormément de choses, cela devenait trop. » S'il a trouvé déchirante la décision de partir, il sait qu'il n'avait pas le choix. Il a du même coup découvert un aspect de sa personnalité qu'il ignorait, sinon sous- estimait. « On apprend énonnément à se connaître. Mon désir de solitude est plus grand que je pensais », dit-il.

De retour à Montréal, il a continué à participer à l'aventure de ses deux coéquipiers, suivant leur périple à distance et recueillait les contes à faire traduire.

L'aventure a pris fin un an plus tard, l'hiver dernier. Mais les aventuriers, eux, ont déjà d'autres projets en tête. Avant de partir vers de nouveaux cieux, ils comptent réaliser quelques documentaires et reportages, histoire de faire partager leurs découvertes au plus grand nombre de personnes. Idéalistes, peut-être, mais dynamiques, surtout. Disons infatigables.

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Note du webmestre : Lisez également À vélo sur la route des contes et surtout consultez leur site internet Trois vélos sur la route des contes.


page mise en ligne le 23 juin 2003 par SVP

Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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