Les vélos n'ont pas de secret pour Denise Belzil
Au moment où une centaine des meilleures cyclistes du monde s'apprêtent à prendre d'assaut le mont Royal, peu de gens savent qu'un des plus grands experts canadiens en mécanique cycliste est... une Québécoise, Denise Belzil.
En fait, sa réputation est si bien établie dans le milieu qu'elle deviendrait millionnaire si ses compatriotes choisissaient l'autonomie complète en vélo.
On estime qu'il y a 5,5 millions de vélos au Québec et qu'il s'en vend 600 000 chaque année. Plus précisément, les ventes de vélos et d'accessoires se sont élevées à près de 200 millions de dollars en 2001 et vont augmenter au même rythme que continueront de se développer les pistes cyclables et la fameuse Route Verte.
Or, au cours des 20 dernières années, Belzil a poussé sa passion pour la mécanique cycliste vers des sentiers jamais fréquentés en devenant une référence dans le milieu et en fondant Techno CYCLE, sa propre école de formation.
Réputation solidement établie
«J'ai fait le tour du jardin en occupant divers rôles au fil des ans, puis j'ai décidé de me consacrer à la formation pour la rendre accessible à monsieur et madame Tout-le-monde », dit cette femme dans la mi-quarantaine dont la réputation est solidement établie dans le milieu.
Depuis les premières sessions de formation qu'elle a données au cégep Marie-Victorin à la fin des années 1980, Belzil estime avoir aidé plus de 2500 personnes à percer plus ou moins à fond les mystères de la mécanique cycliste.
«C'est une des personnes possédant les connaissances les plus pointues en mécanique cycliste au Québec», reconnaît Jacques Sennéchael, rédacteur en chef du magazine Vélo Mag.
« Elle peut aussi bien former des mécanos pour les boutiques spécialisées qu'apprendre l'ajustement des freins et du dérailleur à un cycliste ordinaire, ajoute-t-il. Si j'avais à confier mon vélo à quelqu'un, ce serait à Denise. »
Dans le cas de cette Montréalaise, la passion s'est installée avec l'achat d'un vélo usagé de marque Torpado, au début des années 1970.
« J'ai changé la selle, puis les moyeux des roues et ça m'a fait tripper, raconte-t-elle. Plus tard, je me suis trouvé un boulot dans l'atelier de vélo chez Arlington Sports. Tout le monde trouvait ça drôle de voir une fille dans une shop de bicycles, mais j'ai persévéré et ça dure depuis bientôt 25 ans. »
Expériences multiples
Belzil a travaillé tour à tour chez Coppi, chez Victoria Precision et chez Cycles Peel. Elle a été mécano et massothérapeute avec l'équipe nationale cycliste féminine au Tour de France et au championnat du monde en 1989.
Elle a rédigé les études de marché et chroniques techniques du magazine Vélo Mag pendant quatre ans. Elle a monté une usine d'assemblage de vélos à Plattsburgh. Elle a possédé une boutique de vélos à Montréal pendant près de dix ans et elle est maintenant la seule mécanicienne pro staff au Québec pour Shimano, plus grand fabricant mondial de composants de vélo.
« Denise est une référence », affirme Stéphane LeBeau, chef de produit chez Outdoor Gear Canada et ex-patron de l'équipe cycliste Évian.
«Elle possède une connaissance incomparable des produits et nouveautés, mais elle ne se prend pas pour une autre, souligne-t-il. Quand on l'a embauchée pour être mécano avec Évian au début des années 1990, elle a fait tourner les têtes dans notre sport macho. Son calme, son bon caractère et ses idées judicieuses l'ont aidée à vaincre les résistances. »
Outre sa mission première de formatrice, Belzil continue à perfectionner ses connaissances avec des séjours périodiques sur le terrain.
« J'ai fait le premier Grand Tour comme mécano en 1993 et je ferai encore partie de l'équipe de support technique en Gaspésie, cette année, dit-elle. J'ai bien hâte aussi de vivre le championnat du monde de cyclisme sur route à Hamilton, en octobre. Ça va être à la fois stressant et passionnant.
«Trop de monde s'improvise mécano»
Les motivations diffèrent selon les gens, mais tout le monde sort gagnant d'une session de formation en mécanique cycliste.
Martin Smith
« Nous sommes quatre dans la famille et je dois entretenir six vélos», raconte Claude Gatien, un agent manufacturier âgé de 45 ans qui a suivi une session de mécanique de base de 16 heures à la mi-mai.
« J'ai toujours gossé nos vélos, mais je serai maintenant plus efficace et plus précis. De plus, au-delà des sommes épargnées sur les réparations et mises au point, on acquiert une nouvelle autonomie quand on part en famille dans les Kingdom Trails du Vermont ou les sentiers du mont Tremblant. »
Les commentaires de Gatien rejoignent ceux des huit autres élèves, y compris l'auteur de ces lignes, qui ont pu démonter et ajuster leur propre vélo lors d'une session de deux jours sous la supervision de Denise Belzil à l'atelier de Techno CYCLE, situé près du canal Lachine.
Danielle Morency est infirmière au bloc opératoire, âgée de 47 ans, qui a déboursé 195$ pour cette même formation.
« J'exerce une profession très stressante et le vélo m'a toujours aidée à évacuer le stress, explique-t-elle. Je ne pourrais pas fonctionner sans penser à mes projets de voyages cyclistes. Savoir entretenir mon vélo m'est apparu comme un complément indispensable à ma passion. »
Alain Richard, lui, s'attend à devenir plus populaire auprès de ses amis.
« On a énormément appris en deux jours et j'ai acquis une confiance qui me permettra d'aider mes amis avec leurs vélos, dit ce Montréalais de 24 ans. Puis, peut-être qu'un jour, je trouverai un emploi dans le milieu. »
Le programme de Techno CYCLE est composé de huit ateliers différents allant du cours pour néophyte (7 heures: 85$) à celui de mécanicien de niveau 2 (14 heures: 360$) en passant par le montage de roues (14 heures: 290$) qui sont offerts à diverses périodes de l'année.
Tout en dispensant ses cours, Belzil collabore à la mise sur pied au pays d'un programme de certification des mécaniciens cyclistes qui serait supervisé par l'Association canadienne de l'industrie du vélo.
«Trop de monde s'improvise mécano sans bien connaître le métier, explique-t-elle. Ça crée des problèmes de confiance chez les consommateurs alors que les vélos ne sont plus des jouets. Par ailleurs, en améliorant le niveau de connaissance des mécanos, on augmenterait leur valeur et ils pourraient gagner leur vie en exerçant ce métier».
page mise en ligne le 31 mai 2003 par SVP