31 octobre 2003


« Je crois que j'ai toujours eu cette qualité de bien faire tout ce dans quoi
je suis investie », affirme Jeannie Longo, 45 ans aujourd'hui.
photo : Frederic Dugit, Le Parisien

Bon anniversaire, Jeannie !

Lionel Chami

Pour son anniversaire, Jeannie Longo, 45 ans aujourd'hui, s'est envolée pour la Martinique. Pas pour des vacances mais pour la première cyclosportive de l'île, au côté de son mari et entraîneur, Patrice Ciprelli. Juste avant son départ, la championne reçoit en toute simplicité dans sa maison perchée sur les hauteurs du massif de la Chartreuse, face à la bastille de Grenoble. Sur la terrasse plein sud, elle préfère concocter elle-même un déjeuner bio plutôt que de se risquer dans un restaurant. A son retour, loin de la pollution qu'elle abhorre, elle écoutera la nature. Epiera les trois espèces de mésanges qui trouvent des miettes et du saindoux sur son balcon. Là, elle pourra évoquer le défi des JO d'Athènes. Le dernier, qui sait ?

- Comment expliquer un niveau de performance aussi élevé sur une aussi longue durée ? Êtes-vous génétiquement hors normes ?
Jeannie Longo : Les gènes, je n'y crois pas beaucoup. J'ai simplement grandi à la montagne et passé mon enfance au grand air. Je n'ai pas été une enfant qu'on va chercher à l'école en voiture et qui rentre pour se planter devant l'ordinateur ou la télé...

- Quel type d'éducation sportive avez-vous reçu ?
- À Saint-Gervais (Haute-Savoie), mes parents nous prenaient à la sortie de l'école avec un sandwich et nous emmenaient faire du sport entre midi et deux. On allait soit nager dans un lac, soit faire du ski ou de la luge. Souvent, nous rentrions en classe les cheveux mouillés. Ma mère, basketteuse et lanceuse, était institutrice et prof de gym. Mon père, directeur d'une entreprise de BTP, nous faisait faire des mouvements de gymnastique à mes deux soeurs et à moi le dimanche matin. Il avait aussi installé une salle de gym dans la maison, avec de vrais tapis de judo. Aujourd'hui, mes parents ont respectivement 86 ans et 80 ans et ils font encore beaucoup d'exercice.

- À quoi faut-il donc imputer votre extraordinaire réussite ?
- Je crois que j'ai toujours eu cette qualité de bien faire tout ce dans quoi je suis investie. La capacité physique, ce n'est pas le plus important, on peut toujours la développer. En revanche, sans qualités mentales ni un bon entraîneur, rien à faire.

« Ma longévité m'a valu l'amour du public »
- Concrètement, qu'avez-vous fait de différent des autres ?
- Par exemple, il y a le fait de continuer l'entraînement tout l'hiver. Avant, les cyclistes terminaient leur saison (fin octobre), puis rangeaient leur vélo deux mois et reprenaient l'entraînement le 1 er janvier. Nous (elle inclut toujours Patrice Ciprelli, son mari et entraîneur de toujours), on s'est dit que tant qu'il faisait beau, il n'y avait pas de raison de ne pas faire de vélo. On a un vélodrome à Grenoble. Nous y allons tout l'hiver. Aujourd'hui, nous allons aussi à celui de Genève.

- D'autres exemples significatifs ?
- D'une manière générale, ma longévité tient au fait que nous avons toujours été pointus dans tous les domaines. Évidemment, je n'ai pas été championne du monde simplement parce que je mange bio ou parce que j'ai été pionnière en matière d'assouplissements. Non, c'est un tout. Cela inclut la programmation de l'entraînement et des compétitions. Tout le monde dispose des mêmes données, tout dépend de la manière dont on les exploite. Ce que je trouve bizarre, c'est que nous n'ayons pas été davantage imités dans nos méthodes. Sans prétention, j'estime que Lance Armstrong, venu après nous, nous a pas mal copiés : la logistique, l'approche des événements, la reconnaissance des étapes, les stages en altitude, le soin porté aux vélos...

- Est-ce qu'à la manière d'Armstrong pour les malades du cancer, vous êtes en quelque sorte le porte-parole des quadragénaires ?
- Je rencontre énormément de gens qui, passé 35 ans, commencent à s'entendre dire à leur travail qu'ils ne sont plus tout à fait dans le coup, et en nourrissent certains complexes. Cela s'applique à moi également. Ma longévité m'a valu l'amour du public. J'ai été très touchée d'être élue sportive du siècle dans un sondage. Souvent, les grands jurys ne m'ont même pas nominée. Là, c'est le peuple qui a tranché.

- Êtes-vous sensible au fait qu'on vous souhaite votre anniversaire ?
- J'aime bien retenir les dates d'anniversaire mais qu'on oublie le mien ne me dérange pas...

* En vingt-quatre ans de carrière, elle a épinglé à son palmarès un titre olympique (en ligne à Atlanta 1996), deux médailles d'argent et une médaille de bronze, cinq titres de championne du monde sur route (1985-86-87-89-95), quatre dans le contre-la-montre (1995-96-97-2001), cinq sur piste, trois Tours de France (1987-88-89), deux records de l'heure et 47 titres de championne de France.


page mise en ligne le 31 octobre 2003 par SVP

Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
Qui sur SVP?