DÉGELIS - Plus on pédale, plus un apprend à rouler. Et mieux on roule, plus on attrape la piqûre du cyclisme sur route.
Le hic, c'est que les itinéraires ont en commun avec les insectes de faire parfois rimer piqûre avec torture.
La «journée défi» du Grand Tour fait partie de la tradition en proposant un itinéraire à la fois long et particulièrement corsé, du moins cette année.
Il n'y a rien comme une étape de 139 kilomètres, pimentée d'une demi-douzaine de bonnes montées pour devoir apprendre sur le tas ce qui fait que ça passe ou ça casse.
Dès le début de la journée, une douzaine de personnes ont déclaré forfait après avoir examiné le profil du parcours et sans rouler un seul kilomètre.
Autant ont lancé la serviette à la halte-dîner. On leur reconnaît à tout le moins le mérite d'avoir grimpé la côte de l'avenue de la Cathédrale pour sortir de Rimouski, d'avoir monté Sainte-Blandine pour en ressortir aussi vite, d'avoir sué corps et âme pour gravir un mur en chantier avant Trinité-des-Monts et une autre belle pente menant à Esprit-Saint avant de se laisser descendre jusqu'à Lac-des-Aigles, à mi-chemin de la destination finale de Dégelis.
En début de soirée, on estimait que 15 autres personnes ont baissé pavillon en cours d'après-midi.
À l'opposé, une grosse pointure comme Alain Pigeon, fonctionnaire informaticien de Gatineau, a considéré l'étape d'hier comme une simple formalité.
« J'ai été le premier arrivé au village du Grand Tour, après avoir franchi la distance en quatre heures et demie, donc en conservant une vitesse moyenne de 32 km/h », a-t-il dit comme si ça allait de soi...
« J'ai pris ça mollo. Mais je dois vous avouer que je suis allé rouler en Espagne au mois de mars et que j'ai déjà 8000 kilomètres à mon compteur, cette année. »
Moulinage plutôt que puissance
Dans mon cas comme dans celui de plusieurs GrandToureurs, un itinéraire à la Rimouski-Dégelis fait comprendre à la dure les vertus du style où les jambes sont utilisées comme des pistons plutôt que comme des leviers de puissance.
« Hé, le grand, tu moulines pas pantoute », m'avait déjà lancé un chroniqueur versé en cyclisme.
Le secret de la sauce est dans le moulinage. Il faut trouver une cadence qui convient (65 à 85 coups de pédale par minute), la tenir et changer les vitesses en conséquence plutôt que de chercher à embarquer dès que possible sur le plus gros plateau et la plus haute vitesse, puis forcer comme un cheval pour faire tourner les pédales.
Ça paraît facile comme ça, mais ce n'est pas évident. Néanmoins, c'est la seule façon de tenir le rythme...
Et de résister efficacement aux pressions de sa volonté qui n'en a rien à foutre de vaincre la côte à 14% du village de Lejeune, sur la 232 ou les deux faces de singe d'Auclair, le village suivant le long de la route 295.
Vaincre l'intensité de la grimpe n'est qu'un aspect d'une « journée défi » du Grand Tour. L'usure de la distance fait immanquablement son oeuvre.
Quelle frustration de descendre enfin une longue côte en position aérodynamique, d'atteindre une vitesse frôlant les 80 km/h et de réaliser que le dos nous fait tellement mal qu'il n'est pas évident qu'on sera capable de se redresser pour recommencer à pédaler !
Néanmoins, la satisfaction du défi relevé est telle en fin de journée que les douleurs physiques et la fatigue mentale sont relégués au second plan. D'autant plus facilement que l'étape d'aujourd'hui ne compte que 61 kilomètres. A walk in the park, comme disent les Anglais.
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Toutes les chroniques de Martin Smith sur le Grand Tour 2004.
page mise en ligne le 5 août 2004 par SVP