19 avril 2004

Les coursiers veulent se syndiquer

Tristan Péloquin

Exaspérés par leurs conditions salariales et par le caractère ambigu de leur statut de travailleurs, les quelque 200 messagers à vélo qui sillonnent sans relâche les rues du centre-ville montréalais pourraient bientôt se syndiquer. En collaboration avec leurs confrères motorisés, environ 75 d'entre eux viennent de déposer une requête en accréditation pour se joindre au Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP-FTQ).

Cette requête, qui s'inscrit dans une vaste campagne lancée en janvier, pourrait déboucher sur la syndicalisation des coursiers des 90 entreprises de messagerie rapide de la grande région métropolitaine.

« On en a assez de pédaler 100 km par jour, souvent au péril de notre vie, pour un salaire de crève-faim », lance Nicolas Dalicieux, de l'Association des messagers à bicyclette de Montréal, qui vient de déposer les demandes d'accréditation pour les messagers des entreprises Courrier- Com, Courrier Rapide, Messagex, Sylco et QA/Fransor.

Depuis quatre ou cinq ans, soutient-il, avec l'apparition d'au moins une trentaine de nouvelles compagnies de messagerie à Montréal, et ce, malgré une baisse marquée de la demande, les conditions de travail des messagers à vélo se sont détériorées.

Payés à commission plutôt qu'à salaire fixe (généralement 50 % du coût de chaque course), les messagers affirment qu'ils n'arrivent même plus à gagner un revenu équivalant au salaire minimum. « Avant l'apparition de ces compagnies, nous pouvions faire 400 ou 450 $ bruts par semaine, explique M. Dalicieux. Aujourd'hui, le prix des courses a chuté à cause de la compétition et quand nous faisons 350 $ par semaine, nous nous comptons bien chanceux. »

Qui plus est, les messagers affirment devoir débourser entre 2000 et 3000 $ pour des réparations de vélo chaque année et près de 1000 $ pour la location de la radio (le contact avec leur répartiteur), sans oublier les centaines de dollars nécessaires à l'achat de vêtements.

Et il y a les risques de blessures et d'accidents, qui, en raison de leur statut de travailleurs autonomes, ne sont pas couverts par la CSST.

« C'est clair que nous nous faisons exploiter sur toute la ligne et que nous sommes les premiers à écoper dans la guerre de prix que se livrent les entreprises. Comme les employeurs refusent de s'asseoir avec nous pour discuter de la situation, la syndicalisation est devenue notre seule option », affirme M. Dalicieux.

Requête complexe
Mais la requête en accréditation, déjà vigoureusement contestée par les employeurs, risque d'être plus complexe que prévu. «Le problème des messagers à vélo, c'est qu'ils appartiennent à une catégorie de travailleurs très ambiguë », explique Jean Bernier, professeur de relations industrielles à l'université Laval et auteur d'un rapport gouvernemental sur les besoins de protection sociale des personnes en situation de travail atypique, déposé en 2003.

« Le fait qu'ils fournissent leur propre vélo et qu'ils aient tendance à changer souvent d'employeur laisse croire qu'ils sont des sous-traitants. Mais comme ils ne décident pas de leurs horaires de travail, qu'ils ne sont pas consultés sur le tarif des courses et qu'ils sont subordonnés à leurs répartiteurs, les messagers ont aussi des points en commun avec les salariés », explique M. Bernier.


page mise en ligne le 19 avril 2004 par SVP

Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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