18 février 2004

L’ancien vainqueur du Tour de France, le pirate rebelle Marco Pantani, a grimpé jusqu’au ciel. Ce roi de la montagne qui détient toujours le record d’ascension de l’Alpe d’Huez n’a pas pu supporter d’être le bouc émissaire d’un scandaleux système d’aide à la performance dont les autres jouissent toujours.

Au détour d’une glorieuse carrière ternie dans les derniers kilomètres, cette star qui attirait tant de spectateurs sur les pentes de la Grande Boucle ruminait seul sa déchéance au moment où il avait le plus besoin de soutien. Le grand Miguel Indurain a qualifié ce coureur de « génie tragique ».

Le cyclisme professionnel continue d’être un sport à haut risque. Malheureusement, ce n’est pas en raison des aléas de la route. Infarctus, embolie, ruptures d’anévrisme ou ACV, les décès précoces se multiplient à une vitesse supérieure à celle des meilleurs sprinters.

Des chiffres éloquents
Une étude statistique réalisée sur 2363 cyclistes européens révèle un taux d’accidents vasculaires mortels 2,5 fois supérieur à la moyenne de la population et même 5 fois supérieur pour la tranche des 25-34 ans, la force de l’âge dans ce sport…

Comble de l’ironie, ceux-ci continuent d’assumer, inconsciemment ou non, les risques du métier. À l’échelle de la population masculine française, les chiffres bruts de cette étude enverraient à la morgue, foudroyés par l’infarctus, 150 000 hommes de moins de 34 ans. Fatale réalité. Le naufrage à 34 ans de Pantani a camouflé la mort au cours de la même journée d’un jeune coureur belge de 21 ans, Johan Sermon. Défaillance cardiaque… un autre cœur fragile et délicat…

Le nombre de décès vasculaire suit une cadence infernale pour des sportifs à la santé de fer. En 2003, Denis Zanette et Fabrice Salanson ont également rendu l’âme subitement, plongeant dans l’embarras un milieu hypocrite où il est plus grave de se faire prendre que de suivre la tricherie.

Culture du mensonge
Historiquement, culturellement, certaines personnes du milieu cycliste ont une capacité à mentir proprement hallucinante. Même le désormais célèbre Richard Virenque a cru à ses propres larmes pendant quatre longues années. Le cyclisme est rongé par le déni d’un fléau dont il ne faut pas prononcer le nom. Les contrôles sont toujours négatifs mais les voitures, les poubelles et les valises elles, trahissent brutalement un système dangereux.

Soumis à une forte pression économique, les athlètes ont vite circonscrit les remous de l’affaire Festina du Tour 1998. Les dirigeants et les commanditaires ont aussi compris qu’il valait mieux limiter les dégâts. Le peloton n’a jamais délaissé ses habitudes les plus terribles parce qu’il n’y a jamais eu de grand déballage.

Le silence actuel accentue les comportements destructeurs. La douleur et la fatigue ont été éliminées scientifiquement. L’ « armoire au poison » continue de se développer et les âmes bien intentionnées se découragent vite.

La vérité ne doit pas rester enterrée. Cette mascarade risque d’entraîner vers la mort un sport d’évasion et de liberté dans lequel la sensation d’être vivant est à son comble lorsque les jambes tournent.

jfracine@journaldequebec.com

Notre journaliste est membre de l'équipe du Québec de cyclisme sur route depuis 1998.


page mise en ligne le 18 février 2004 par SVP

Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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