Contrairement aux dires de plusieurs journalistes et scientifiques, je soutiens la thèse qu'il est possible que l'hématocrite élevé de Geneviève Jeanson soit attribuable, en partie du moins, à l'utilisation de la tente hypoxique. On se souviendra que Mlle Jeanson, qui est membre de l'équipe cycliste Rona, n'a pu prendre part à la compétition de vélo sur route au Championnat du monde tenue à Hamilton à cause d'un hématocrite supérieur à 47 %.
Pour l'UCI (l'Union cycliste internationale), un hématocrite supérieur à 47 % (pour les femmes) n'indique pas que l'athlète soit nécessairement dopé. Ça indique plutôt qu'il pourrait être dangereux pour sa santé de prendre part à la compétition avec un tel hématocrite. De là son exclusion de la course et sa suspension de quelques semaines.
L'hématocrite se définit comme le pourcentage du volume sanguin total occupé par les globules rouges, globules blancs et plaquettes.
Plus l'hématocrite est élevé, plus le sang devient visqueux. Pour vous donner un exemple, à un hématocrite de 45 %, le sang est 2,1 fois plus visqueux que l'eau. Et à 55 % d'hématocrite, le sang devient 2,6 fois plus visqueux que l'eau. À des hématocrites de plus ou moins 55 %, la viscosité du sang est telle que ça devient désavantageux pour la performance en endurance et probablement dangereux pour la santé de l'athlète (aucune étude jusqu'à maintenant n'a évalué cette hypothèse).
L'hématocrite normal chez les femmes et les hommes se situe, respectivement, entre 35-47 et 40-52 %. Chez les femmes, la moyenne d'hématocrite est plus ou moins de 42 %, tandis que chez les hommes elle se situe à plus ou moins 45 %. Un hématocrite se situant au-delà de la normale a été démontré comme pouvant améliorer la performance chez l'athlète d'endurance. Comment tout ça s'explique-t-il ? C'est relativement simple. Les globules rouges contiennent une protéine, l'hémoglobine, dont le rôle principal est de lier l'oxygène absorbé dans les poumons. Donc, plus l'hématocrite est élevé, plus grande sera la capacité de transport d'oxygène de l'organisme. (...)
Comment peut-on augmenter l'hématocrite et l'hémoglobine de façon significative ? Entre autres, en s'exposant à l'altitude, en prenant une hormone appelée érythropoïétine (EPO) ou par transfusion de ses propres globules rouges (auto-transfusion) ou de globules rouges provenant d'autres personnes (transfusion homologue).
Mlle Jeanson, bien que ça n'ait jamais démontré, est soupçonnée par plusieurs d'avoir eu recours à l'utilisation d'EPO, ce qui pour eux expliquerait son hématocrite élevé qui, selon certaines sources, pourrait avoir atteint les 50-55 %
Est-ce possible ? Oui...
Mlle Jeanson mentionne n'avoir jamais eu recours à l'utilisation d'EPO. Elle mentionne plutôt que l'utilisation d'une tente hypoxique sur plusieurs années serait en partie responsable de ce taux si élevé d'hématocrite. Est-ce possible ? Plusieurs disent que non, moi je dis que oui. Voici pourquoi.
L'utilisation de la tente hypoxique permet les mêmes adaptations physiologiques au niveau de l'hématocrite que l'exposition à l'altitude. En effet, toutes deux créent une hypoxie au niveau de l'organisme. Conséquemment, l'organisme réagit en relâchant de l'EPO (produite au niveau des reins et, en moindre mesure, dans le foie) qui va aller stimuler la moelle osseuse pour augmenter la production de globules rouges, donc la capacité de transport d'oxygène. Ainsi, les effets de l'hypoxie seront annulés et l'homéostasie corporelle rétablie.
Selon mes sources, Mlle Jeanson dormirait (300 jours par année) 8-10 heures par jour dans sa tente. Cette technique d'entraînement est connue sous le nom populaire de living high-training low. Elle est utilisée par plusieurs athlètes bien connus dont, entre autres, Lance Armstrong qui est cinq fois champion du Tour de France.
Mlle Jeanson, encore une fois selon mes sources, dort plusieurs jours par année à des altitudes allant de 3500 à 5000 mètres. Ce sont des altitudes très élevées qui, sans aucun doute, demandent une augmentation significative de l'hématocrite/l'hémoglobine afin de contrecarrer les effets de l'hypoxie tissulaire. Mais de quels ordres pourraient être ces augmentations ? Aucune étude, malheureusement, n'a vérifié les effets d'une exposition prolongée en tente hypoxique à ces altitudes (3500-5000 mètres) sur l'hématocrite. Par contre, la réponse pourrait nous venir des hématocrites des gens qui vivent à ces altitudes. En effet, certaines études démontrent qu'à ces altitudes des hématocrites entre 48-53 % sont très courants chez les hommes. Chez les femmes, les taux seraient de l'ordre de 44-48 %.
Le groupe NIKE, dirigé par Alberto Salazar, célèbre marathonien maintenant retraité, est présentement à évaluer les effets de 40 jours d'exposition intermittente (8-10 heures par jour) à des tentes hypoxiques (simulant des altitudes de 2000-3500 mètres) chez des coureurs à pied hautement entraînés. Des résultats préliminaires obtenus par ce groupe suggèrent que 40 jours d'exposition peuvent augmenter l'hématocrite de 12 %. Donc, l'athlète qui avait un hématocrite de 44 % avant l'exposition à la tente a vu son taux augmenter à 49 % après l'exposition. Intéressant, non !
État de déshydratation
Selon mes sources, qui sont très crédibles, Mlle Jeanson aurait la fâcheuse habitude de ne pas consommer assez de liquide, donc d'être constamment dans un état de déshydratation. Or, il est bien reconnu que la déshydratation augmente l'hématocrite et ce, de l'ordre de 4-12 % (de façon relative), tout dépendant du niveau de déshydratation. La déshydratation augmente l'hématocrite en diminuant le volume plasmatique. Or, cette situation est seulement transitoire et sera rétablie dès que des liquides seront ingérés.
La posture a des effets délétères sur l'hématocrite. En effet, passer de la position assise à debout augmente l'hématocrite, et ce, facilement de l'ordre de 1 à 3 %. Ceci est dû au fait que la gravité force la sortie d'un certain volume plasmatique vers le milieu interstitiel, induisant ainsi une augmentation de l'hématocrite. Or, si Mlle Jeanson s'est fait « tester » quelques minutes après avoir passé de la position assise à debout, cette situation n'aura fait que gonfler encore plus son hématocrite.
Une équipe de chercheurs australienne a récemment démontré que 3 % de la population des cyclistes entraînés (n'utilisant pas de produits dopants ou autres aides ergogéniques) dépassent les normes d'hématocrites instaurées par l'UCI (femmes : 47 % ; hommes : 50 %). Ainsi, il serait possible que des athlètes cleans soient disqualifiés à la suite de résultats qui sont de faux positifs.
Basé sur les faits précédemment énumérés, la tente hypoxique, à mon avis, peut très bien être responsable, en partie du moins, de l'hématocrite de Mlle Jeanson dépassant les 47 %. Il faut se rappeler qu'un hématocrite normal chez la femme peut se situer entre 35 et 47 %. Or, si Mlle Jeanson possède naturellement un hématocrite élevé, qu'elle était déshydratée lors du test et qu'elle s'est fait prendre l'échantillon sanguin quelques minutes après avoir passé de la position assise à debout, et bien les effets de la tente hypoxique pourraient avoir été la goutte d'eau qui à fait déborder le vase.
Morales de l'histoire :
1) Les tentes hypoxiques, lorsque bien utilisées, posséderaient théoriquement la capacité d'augmenter l'hématocrite de façon significative.
2) Geneviève Jeanson devrait s'entourer de professionnels de qualité qui prendront bien soin de gérer sa carrière professioniielle sur le plan médical.
3) L'UCI, à mon avis, devra réviser à la hausse les hématocrites (femmes : 47 % ; hommes : 50 %) menant à la disqualification des athlètes cyclistes.
page mise en ligne le 22 janvier 2004 par SVP