Les châteaux à
Dans deux ans, les cyclistes pourront enfourcher leur petite reine et pédaler de Nantes, en France, jusqu'à Budapest, en Hongrie, en suivant une voie verte de 2400 kilomètres. L'Euro Véloroute no 6 existe déjà sur de larges sections. Pas besoin d'être un athlète pour l'attaquer. Le chemin est plat, au pire vallonné. Le vélo se révèle une façon agréable de visiter les châteaux de la Loire, par exemple. Pas de problème d'embouteillage ou de stationnement. Le soir venu, c'est sans remords qu'on s'empiffre de rillauds et de saint-maure, deux spécialités locales. Pas même besoin d'apporter votre vélo en avion : vous pouvez le louer sur place. Un voyage à la fois actif et pépère.
Organiser un voyage en vélo de plus d'une journée apparaît toujours compliqué. Surtout s'il faut défaire le vélo en petits morceaux et le remonter comme un casse-tête après avoir franchi l'Atlantique.
André Noël
Montréal-Paris-Tours
Règle no 1 : ne transportez pas votre bicyclette pour un périple d'une semaine. Apportez seulement sacoches et vêtements. Ajoutez les pédales et les souliers si vous êtes un habitué des montures rapides. Obtenez la liste des loueurs auprès des offices de tourisme.
Paris, lundi, 6h30. Le réceptionniste de l'hôtel nous réveille. Nous prenons le TGV de 7h45 (mieux vaut acheter son billet la veille). Une heure plus tard, nous débarquons à Tours. La boutique d'Amster Cycles se trouve à 30 mètres de la gare (www.amstercycles.com). À notre arrivée le proprio est en train d'ouvrir son rideau de fer.
Nous choisissons les vélos les plus chers : des Cannondale 21 vitesses avec cadre en aluminium et guidons recourbés, de belles machines rouges à 67 euros chacun (110 $) pour cinq jours. Le prix comprend le casque, la sacoche avant, l'antivol, la pompe, la trousse de réparation, mais pas les sacoches arrière.
Lundi : Azay-le-Rideau
Lundi, 10 h. Moins d'une heure a suffi pour prendre possession de nos chevaux à deux roues, installer les pédales et les sacoches. Nous quittons Tours et bifurquons vers l'ouest. Nous descendons le Cher, un bras de la Loire. La France est une toile d'araignée sillonnée de nmiliers de routes et de chemins de campagne. Règle no 2 : achetez une carte IGN (Institut géographique national) au 100 000e. Évitez les routes rouges (les nationales) et orange (les départementales les plus achalandées). Choisissez les plus petites routes jaunes et, mieux encore, les minuscules routes blanches non numérotées. Mêmes celles-là sont asphaltées. C'est un des avantages de rouler de ce côté de la Grande Flaque : le revêtement est aussi doux que la peau des fesses de notre bébé que nous avons égoïstement abandonné à Montréal.
Nous voilà sur la véloroute. Elle n'est pas indiquée comme telle, mais bien pourvue de panneaux de signalisation (un vélo et une flèche). Il ne s'agit pas partout d'une piste cyclable à l'état pur : nous croisons une voiture aux 15 minutes. En revanche, nous rencontrons plusieurs cyclistes. Des habitants de la région, reconnaissables à la baguette dans le panier, ou des sportifs aguerris, identifiables aux gros mollets que nous n'avons pas encore.
La route longe la rivière tranquille où s'ébattent les oiseaux et chantent les grenouilles. Est-ce à cause des inondations fréquentes ? Ou d'une politique écologiste ? Les rives sont vertes, presque sauvages, très peu bâties. Les saules et les peupliers semblent nous inviter à faire la sieste sous leurs branches. Malgré la chaleur, nous résistons à cet appel. Bien avant midi, nous débouchons sur le joli village de la Savonnière et visitons les jardins du château de Villandry.
La première journée de vélo de l'année se doit d'être courte. À peine 50 km. Mais ça vaut la peine de faire le détour vers Langeais, sur la rive droite de la Loire. Un pont magnifique mène vers le village et sa forteresse moyen-âgeuse. Puis nous filons vers Azay-le-Rideau et son château si charmant. Avant de le visiter, nous avons le temps de prendre une douche rapide à l'hôtel de Biencourt, juste à côté, et que je vous recommande (téléphone 02- 47-45-20-75).
Ce soir-là, nous mangeons à la terrasse d'un resto sympa. C'est là que nous découvrons les rillauds - des morceaux de poitrine de porc cuits dans leur graisse - et le saint-maure - un fromage de chèvre roulé dans la cendre autour d'une paille, le tout arrosé d'un vin de Touraine.
Mardi : Loches
La France est la première destination cycliste au monde, et la vallée de la Loire est la première destination cycliste de la France. Rien d'étonnant, donc, que deux autres couples voyageant à vélo logent à notre hôtel. Ils nous conseillent gentiment de suivre la règle no 3 : chaque matin, réservez votre hôtel du soir. Ainsi, vous pourrez pédaler sans vous soucier de votre heure d'arrivée. Ou pire de ne pas trouver de gîte.
Nous piquons vers l'est en empruntant une départementale peu fréquentée (la D84), sur la rive droite de l'Indre, un autre affluent de la Loire. Pédaler tôt le matin, dans l'air frais, sur une petite route de campagne, alors que le soleil n'a pas fini de dissiper les nappes de brume, est l'image parfaite du bonheur de vivre. Des maraîchers bêchent leurs jardins, des moutons et des chevaux broutent dans les prés, les arbres en fleurs embaument.
Les amants de Balzac feront le détour par Saché, où a vécu le grand écrivain. Les autres fileront vers Montbazon par la route orange que je viens de déconseiller. Règle no 4 : ne suivez pas les règles. À cet endroit, l'intérieur des terres est d'un ennui mortel. Après avoir traversé le très monotone village de Thilouze, nous sommes revenus dans la vallée de l'Indre. La route est plus achalandée, mais au moins, elle est belle, ponctuée de manoirs et de moulins.
Arrivez assez tôt pour visiter le donjon et les cachots de Loches. Je vous recommande l'hôtel où nous n'avons pas dormi, mais où nous avons mangé une délicieuse salade tourangelle, des truites et des chèvres chauds : l'Hôtel de France (02-47-59-00-32), à deux pas des remparts.
Mercredi : Amboise
Une mauvaise nouvelle m'attend au réveil, dans un moche motel de Loches : mon pneu arrière est dégonflé. Mais moi, je ne me dégonfle pas. Je mets les mains à la roue et dans la graisse de bicyc. Découverte : la chambre à air n'en était pas à sa première crevaison. L'air fuyait par une rustine mal posée. Règle no 5 : exigez des chambres à air neuves à votre loueur de vélo.
Nous traversons une forêt domaniale par un chemin forestier, bien entendu pavé. Le paysage est magique. La route étroite et droite donne envie de forcer l'allure. Nous fendons l'air à l'ombre des grands arbres comme deux preux chevaliers du Moyen-Âge.
Ensuite, la D80 nous mène par les champs au château de Chenonceau, où nous attachons nos montures. Nous avons rendez-vous avec Diane de Poitiers, Catherine de Médicis, Louise de Lorraine et leurs maris (ou amants) dé rois. Malheureusement, nous ne sommes pas les seuls visiteurs. Même en basse saison (au mois de mai), ils viennent par milliers. Qu'est-ce que ça doit être en plein été !
Les Cannondale se montrent aussi fougueux en après-midi. Le vent souffle dans notre dos et nous propulse jusqu'à Amboise, qui s'étend de part et d'autre de la Loire. Il faut croire que tous les touristes sont restés les pieds collés aux parquets du château de Chenonceau, parce qu'ici le château est presque vide. Un bon orchestre formé par des étudiants américains joue pour moins de 10 visiteurs. Depuis les jardins suspendus, la vue s'étend très loin sur la vallée.
Les hôtels donnent sur des rues bruyantes. Nous avons bien fait de choisir un bed & breakfast un peu excentré, Le Petit Clos (02 47 57 43 52). La chambre, très confortable donne sur un jardin. La propriétaire, vous offre son propre pain pour le petit-déjeuner, dehors quand il fait beau.
Jeudi et vendredi : Bois Chambord
Nos mollets ont déjà grossi et nous avalons en deux heures les quelque 50 kilomètres qui séparent Amboise de Blois, une autre ville royale de l'époque de François 1er. Nous suivons la DI, qui court le long de la Cisse, un ruisseau qui porte le nom pompeux de rivière. L'odeur des fleurs nous grise. Mais parfois, leur parfum est altéré par les élevages de canards : ils empestent tant qu'il faut se boucher le nez sans lâcher le guidon.
La route grimpe dans une forêt, traverse la banlieue et se termine dans la vieille ville. Nous laissons les vélos à l'hôtel Côté Loire (02 54 78 07 86). Les chambres ne se distinguent pas par un luxe inouï, mais les proprios sont chaleureux, et l'hôtel donne sur le fleuve.
Blois vaut une visite d'une demi-journée, ne serait-ce que pour flâner dans la vieille ville. Il y a beaucoup à voir : le château, des églises, des musées, notamment la maison de la magie Robert-Houdin. Toutes les heures, un dragon sort ses six têtes dorées par les fenêtres de cet hôtel particulier du XIXe siècle.
Le lendemain, vendredi, dernière journée du voyage. Nous laissons nos bagages à l'hôtel et roulons, tout légers, vers les châteaux de Chambord et de Cheverny. Le premier est gigantesque. La foule aussi. Las, on ne visitera pas le deuxième. Les paysages sont ordinaires. Impossible d'éviter de longues sections de routes très achalandées. Bref, il y a mieux à faire.
Samedi matin, nous mettons les vélos dans le train, entre deux wagons, direction Tours. Nous les laissons chez le loueur et sautons dans le TGV vers Paris. Ce voyage de cinq jours a été facile à organiser et n'a pas coûté cher. Il a tendu les muscles... et détendu notre esprit.
(Note : Amster Cycles a neuf points de service le long de la Loire : il est par exemple possible de prendre les vélos à Saumur et de les laisser en chemin, jusqu'à Orléans, moyennant un supplément.)
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