27 juin 2004

La 2

Un an après notre première traversée de Laval par la Route verte, mon neveu David et moi repartons avec enthousiasme, pour un nouveau repérage, avec l'idée cette fois de pousser la promenade au-delà de la rivière des Mille-Îles.

Lui autant que moi avons le goût de bouffer des kilomètres. L'an dernier, David était revenu de Tremblant par la Route verte, une belle promenade en solitaire de 145 km jusque chez lui, à Laval. Il était rentré avec mes instructions, une couple de barres granolas, une vingtaine de roubles et pratiquement, aucune expérience du vélo, bravement, et le soir venu il avait trouvé l'énergie pour aller quand même faire son entraînement de water-polo ! Depuis ce temps, cet infatigable pilleur de frigos (il vient d'avoir 17 ans) rêve d'autres longues sorties, je n'ai qu'à lever le petit doigt, il aperçoit mon signal de loin...

Quant à moi, je veux multiplier les occasions de voir la Route verte de près et explorer le Québec sous l'angle nouveau que procure ce réseau cyclable à la grandeur de notre territoire habité. Il me faudra sans doute quelques années pour arriver à tout voir - si j'y arrive - mais j'aimerais bien le faire, cette Route verte étant davantage qu'un simple raccordement de pistes cyclables. Voie de communication, parcours récréatif écologique, certes, la Route verte est également un miroir des localités qu'elle traverse, le reflet de la personnalité de chaque région. Le cycliste entre en quelque sorte dans l'anatomie intime de divers patelins et cela, nous allons nous en rendre compte aujourd'hui, peut être assez gênant parce que, des fois, le jupon dépasse...

Incuries municipales
Nous partons donc en ce beau samedi matin avec l'idée d'atteindre au moins l'amorce du parc linéaire des Basses-Laurentides. Malgré la faible distance, nous savons que nous devrons composer avec deux ou trois éléments adverses. D'abord, l'absence de Route verte entre Laval et Blainville, résultat d'une inexcusable incurie de la part de quelques municipalités aisées. Cela signifie que nous pourrions perdre du temps à chercher nos liens. Ensuite, le vent qui souffle aujourd'hui avec force du nord-ouest, ce qui nous le met franc de face.

Je ne reviendrai que brièvement sur la traversée de l'île Jésus du sud au nord à partir du pont Perry (dont le trottoir sera élargi à l'automne pour être plus cyclable). Pas de changements notables pour David et moi puisque tout y était déjà l'an dernier, sauf pour les cartes descriptives du réseau lavallois placées aux intersections. Malheureusement, le manque persistant de signalisation à l'approche du pont Athanase-David (qui relie Vimont à Bois-des-Fillion) donne l'impression que les autorités lavalloises se fichent complètement de finir un travail bien commencé. Pour avoir 100 fois traversé cette ville d'autoroutes et de centres d'achats au péril de ma vie par le boulevard Labelle, je salue bien bas l'apparition de ce lien cyclable essentiel.

Mais en traversant le boulevard des Laurentides à la rue Rhéaume, mon neveu me fait remarquer que la balise de la Route verte porte le numéro 2, alors que nous avons « monté » sur la 1. Il y a une fourchette quelque part qui n'a pas piqué notre regard, car, en consultant le guide Vélo mag, nous voyons le pointillé qui annonce un lien vers Laval-sur-le-lac et le barrage du Moulin.

La même rue Rhéaume fait carrément un pied de nez à la Route verte : malgré les marques au sol encore très visibles, la «garnotte» de maisons en construction envahit la piste que sert de stationnement à tout un chacun et son 4 X 4.

Concours dé devinettes
On note également l'absence de bollards - ces poteaux disposés à intervalle régulier qui marquent clairement la séparation entre la piste cyclable et la voie carossable - jusqu'à la rue Prince-Rupert (cette dernière est bien signalisée, car c'est une vieille voie cyclable locale; on la prend à gauche pour retrouver le boulevard des Laurentides). Le pont Athanase-David est visible d'assez loin mais encore une fois l'absence crasse de signalisation nous oblige à tâtonner pour trouver le lien, bien aménagé mais presque invisible : à la rue Bergeron on traverse le boulevard des Laurentides et tout de suite on fait une droite sur la piste qui longe Bienville. Ouf ! il a fallu trouver même si c'était là, juste sous nos yeux.

De là, le défi consiste à trouver l'amorce de la Route verte à Blainville. Entre Laval et l'extrémité sud du parc linéaire des Basses-Laurentides il y a en effet un no mans land urbain qui met à l'épreuve nos talents de navigateurs.

Par bonheur, le guide Vélo mag prévoit le coup et propose une route à travers Rosemère et Sainte-Thérèse qui nous permet de nous y retrouver sur une douzaine de kilomètres. La banlieue, sans beauté mais sans trop de difficultés non plus.

Un bout moche quand même, c'est la courte section - environ un kilomètre -qu'il faut faire sur le boulevard Curé-Labelle pour gagner le chemin de la Côte Saint-Louis. Un rappel du prix qu'il fallait payer autrefois pour se rendre à vélo dans les Laurentides.

L'accès au parc linéaire est assez peu invitant : des clôtures Frost partout, partout, jusque dans le fond de culotte du paysage - au point que j'ai pensé en y arrivant que la Route verte était verrouillée, heureusement David a vu le « trou » - si bien que la piste cyclable devient subitement un couloir captif.

Mon Dieu, les riverains ont-ils peur qu'on les mange ? Ont-ils pensé aux barbelés ? Ce serait plus efficace et ça gênerait moins la vue sur le paysage...

Le vent de face ajoute au labeur qu'impose la progression sur la poussière de roche. Il faut avoir de l'eau à boire.

Les rues mystère
Autre détail, puisque j'en suis à la critique : ni à Laval ni sur le parc linéaire ne peut-on lire, aux intersections, les noms des rues ou des routes. Comme si la Route verte n'était pas une voie de communication, comme si la bicyclette était un mode de transport désincarné de la réalité locale. Je reviens sur la randonnée de la semaine dernière avec Jean-François Pronovost, de Vélo Québec, mais en route vers Granby, on nous donne le nom de chaque route : ce n'est pas juste une question de respect envers les cyclistes, mais également une utilité élémentaire en cas d'urgence : avec un cellulaire, on peut dire rapidement où on est.

Dans un bois de Mirabel, une jeune fille postée à un petit stand m'interpelle : « Avez-vous votre... » Je n'entends pas la fin de sa phrase, mais je m'arrête et lui réponds que non, je n'ai pas ma vignette du parc linéaire. Quinze dollars et je suis en règle, David n'a rien à payer puisqu'il a moins de 18 ans. Le prix de la vignette a augmenté et elle n'est plus valable comme naguère sur les autres réseaux du Québec, comme la piste du canal de Soulanges. « Nous ne faisions plus nos frais » m'explique la souriante demoiselle. Mais la vignette est valable pour le parc linéaire des Basses-Laurentides, le parc du P'tit train du Nord (c'est plus de 200 km), le Corridor aérobique (à partir de Morin Heights) et les chutes Wilson, à Saint-Jérôme.

Les clôtures, passé Mirabel, font une haie encore plus gênante qui brille durement dans le contre-jour.

Je repense à ce que me disait l'autre jour Jean-François Pronovost en me racontant une réunion de fermiers des environs de Farnham, sorte de Québec profond, la ruralité endurcie, pas portée pantoute vers le vélo. Ça brassait là-dedans, de dire Jean-François, avec des réflexions inquiètes du genre : « On veut pas de bicycles sur nos terres. On veut pas de ce monde-là ici. Ils vont venir piétiner nos cultures. » Faut croire qu'ils se sont laissés convaincre que tel n'allait pas être le cas, car là, point de clôtures Frost. Nous avons même salué un travailleur de la terre qui conduisait son tracteur. Malgré la distance, je distinguais le sourire du bonhomme. « Ils se sont aperçus que les cyclistes ne vont pas se promener sur leurs terres. »

Le cercle des fermiers
Qu'importe, il a bien dû y avoir des réunions de fermiers entre Mirabel et Saint-Jérôme. Tandis que nous roulons contre le vent dans ce jour magnifique gominé d'une hallucinante palette de verts, bêchant vers l'horizon discret des Basses-Laurentides et sous un ciel d'un bleu parfait pour la navigation, tandis que la beauté ne demande qu'à se laisser admirer, nos regards sont agressés par ces clôtures Frost hautes de six pieds, manifestement érigées pour nous tenir à l'écart. L'horizon est fermé quand on roule dans un couloir aussi bien gardé. Et quelle fortune ça a dû coûter, cette touche de gris sur la Route verte !

Pour alléger notre courroux, plusieurs kilomètres en direction de Saint-Jérôme sont pavés. Lorsque nous arrivons à la gare de Saint-Jérôme, réaménagée en parc et en stand d'information touristique, le cyclomètre révèle que nous n'avons fait que 50 km.

Nous avons encore le goût de rouler et l'idée est tentante de rentrer sur la même distance, le vent dans le dos, à la vitesse de l'avion. Mais les barbelés, on en a eu notre dose pour aujourd'hui...

David, un ado venu de l'ancienne Union soviétique, m'avoue que c'est la première fois de sa vie qu'il prend le taxi !

Voilà pour l'exotisme !

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page mise en ligne le 27 juin 2004 par SVP

Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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