15 mai 2004

La Ville de Paris cherche à doper,
sans grand succès, l'usage du vélo

Christine Garin

Avec l'objectif de réaliser 300 kilomètres de pistes cyclables supplémentaires d'ici à 2010, la Mairie poursuit sa politique en faveur d'un mode de déplacement qui reste très minoritaire. Sur quarante "points noirs" recensés, cinq devraient être aménagés d'ici à la fin de cette année.

C'est la question de la poule et de l'œuf. Faut-il attendre que le nombre de cyclistes augmente dans des proportions notables pour améliorer le réseau cyclable à Paris ? Ou bien faut-il construire, à marche forcée, des pistes, plus nombreuses, mieux signalées et bien protégées, pour que l'usage de la bicyclette sorte de la marginalité ? Depuis trois ans, sous l'impulsion de Denis Baupin, adjoint (Verts) au maire de Paris chargé des transports et de la voirie, la Ville tente d'inciter les Parisiens à sortir leur vélo. Avec un succès mitigé. Sur les 314 kilomètres de voies aménagées - dont seulement 33 kilomètres en "site propre" -, les cyclistes ne se bousculent pas encore. M. Baupin en convient : sur un an, l'augmentation de la fréquentation des pistes cyclables parisiennes - par ailleurs difficilement mesurable - n'est pas spectaculaire.

Une place encore anecdotique
En moyenne horaire annuelle, on dénombrerait ainsi 2 500 bicyclettes sur le pavé parisien en 2003, contre 2 000 en 2002. Une croissance non négligeable qu'il faut, toutefois, rapporter à la place infime qu'occupe le vélo dans les déplacements parisiens : tout juste 1 %.

La Mairie de Paris ne donne d'ailleurs pas l'exemple. Une initiative concernant le personnel municipal, anecdotique mais symbolique, avait été annoncée, il y a un an, par l'adjoint aux transports. Elle est restée lettre morte. Sur le modèle des voitures de fonction, il s'agissait de faire bénéficier les 16 000 agents travaillant sur les différents sites de la mairie, d'un "pool" de bicyclettes, en libre-service, et de les inciter à les utiliser pour leurs déplacements professionnels. L'idée avait été saluée pour son originalité mais l'appel d'offres n'a jamais été lancé.

Une autre expérience, engagée il y a un an avec le soutien logistique et financier de la Ville, concerne la livraison de marchandises en "vélo triporteur électrique" dans les arrondissements centraux de la capitale. Créée voilà un an avec six emplois, l'entreprise La Petite Reine fait travailler dix personnes aujourd'hui. Avec 2 500 colis livrés par mois, elle aurait permis d'économiser 35 000 kilomètres d'acheminement polluant et 2 300 heures de stationnement. Mais la flotte dont elle dispose est plus que modeste : dix vélos effectuant, chaque semaine, une quarantaine de tournées à travers la capitale.

Restent, donc, les aménagements de voirie qui sont toujours la priorité de l'équipe municipale. Le schéma directeur prévoit, à l'horizon 2010, de doubler le réseau existant, en le portant à 600 kilomètres, au lieu de 300 kilomètres actuellement. Depuis mars 2001, la Mairie assure que le réseau s'est accru d'une soixantaine de kilomètres, dont plus de la moitié sont des couloirs de bus ouverts aux cyclistes. Pour 2004, l'aménagement de 32,7 kilomètres supplémentaires est prévu (hors couloirs de bus), notamment dans le quartier de l'Etoile (4,8 kilomètres), avenue Daumesnil et boulevard de Picpus dans le 12e (5 kilomètres), boulevards Pasteur et Garibaldi dans le 15e (4 kilomètres), avenue Gambetta dans le 20e (2,3 kilomètres), avenue de Longchamp dans le bois de Boulogne (8 kilomètres).

En outre, 7 kilomètres de simple marquage au sol seront transformés en pistes et la concertation avec les riverains et les associations commencera, dans plusieurs arrondissements parisiens, pour aménager 17 kilomètres de pistes. Enfin, le premier tronçon du tramway, sur la partie sud du boulevard des Maréchaux, sera doté de 15,8 kilomètres de pistes cyclables protégées.

Autre priorité pour 2004, la résorption des nombreux "points noirs" dont Paris est truffé : places, carrefours et grands axes périlleux, voire impraticables pour les vélos. Parmi la quarantaine de sites recensés, cinq feront l'objet de travaux dès 2004 : la place Félix-Eboué (12e), le carrefour de Longchamp (16e), la porte de l'Hippodrome (16e), la porte Maillot (17e) et la place de Stalingrad (19e).

Bras de fer
La Ville étudie aussi la possibilité de créer, comme à Strasbourg (Bas-Rhin), un réseau de contresens cyclables. D'abord hostiles à l'idée, le préfet de police et le maire de Paris se sont laissé convaincre d'expérimenter sept projets de contresens, tous situés dans de futurs "quartiers verts". Enfin, le parc de stationnement vélo devrait être amélioré en 2004 avec la création de 2 000 nouvelles places, avec arceaux d'accroche pour les deux-roues, dont une partie strictement réservée aux vélos.

Ces initiatives favorables aux modes de circulation doux ne font pas l'unanimité. Un curieux bras de fer a ainsi opposé, pendant plusieurs semaines, la Mairie de Paris à une poignée de riverains du 15e arrondissement, réunis dans une "coordination des associations pour la voirie" et soutenus par des élus UMP dont le président de la fédération UMP de Paris, Philippe Goujon. Lundi 10 mai, ces riverains ont empêché le démarrage des travaux d'une piste cyclable sur les boulevards Garibaldi et de Grenelle. Le cabinet de M. Delanoë a estimé, dans un communiqué, que cette attitude relevait d'un "combat d'arrière-garde" et a annoncé qu'une plainte allait être déposée. Les travaux ont, finalement, pu commencer le 13 mai.

Fête annuelle les 5 et 6 juin
L'adjoint (Verts) au maire de Paris Denis Baupin, chargé des transports et de la voirie, a été élu, mercredi 5 mai, président du Club des villes cyclables, qui regroupe 731 collectivités et se définit comme "un lieu d'échange et de propositions" sur la pratique urbaine du vélo. Les vice-présidents sont Johanna Bougon (div. droite), vice-présidente d'Amiens-Métropole, Annick de Montgolfier, conseillère (UMP) de la communauté urbaine de Strasbourg, et Serge Morin, adjoint (PCF) au maire de Lorient. Le club organisera, les 5 et 6 juin, la Fête annuelle du vélo, créée en 1995, qui a lieu, simultanément, dans différentes villes d'Europe. Ces élus réclament la création de la "délégation interministérielle vélo", proposée par Brigitte Le Brethon, maire (UMP) de Caen, dans un rapport remis au premier ministre (Le Monde du 15 mars). Elle préconisait aussi l'instauration d'une indemnisation, par les entreprises, pour les employés venant travailler à vélo ainsi que la création d'un système de marquage censé limiter les vols (400 000 chaque année).

Des ventes très liées aux variations météo
La canicule de l'été 2003 et le beau temps qui l'a précédée a, au moins, profité aux fabricants de vélos. Selon le Conseil national des professions du cycle (CNPC), en 2003, les ventes en France ont augmenté de 9 %, soit 3,3 millions d'unités. C'est la deuxième année consécutive qu'est enregistrée une progression des ventes (+ 2 % en 2002 après une baisse de 14 % en 2001). Fabricants et distributeurs, regroupés au sein du CNPC, jugent, toutefois, l'évolution du marché incertaine, pour 2004. Conséquence d'une météo pluvieuse, les ventes ont été mauvaises en avril qui est traditionnellement le mois de l'année où elles reprennent. Avec un ratio de 5,6 bicyclettes pour 100 habitants, la France se place en cinquième position dans le classement des pays utilisateurs, devant le Canada et la Grande-Bretagne. Le Japon arrive en tête avec un ratio de 8,7 pour 100 habitants, suivi par les Pays-Bas, les Etats-Unis et l'Allemagne. Sur le marché français, près d'un tiers des ventes concerne le VTT pour adultes (+ 13 % en 2004).


page mise en ligne le 15 mai 2004 par SVP

Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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