Revoilà Jeanson dans de beaux draps
Au cours de la dernière année, Geneviève Jeanson aura dépensé plus d'énergie à se défendre devant les instances autoritaires de son sport qu'à rouler sur son vélo.
Sujette à une suspension pour avoir omis de se présenter à un test antidopage au terme de la Flèche Wallonne, Jeanson se débat face à des suspicions de dopage depuis que son nom a été associé à celui du Dr Maurice Duquette, cet orthopédiste montréalais dont la cause est toujours pendante devant le comité de discipline du Collège des médecins.
Voici un bref rappel des événements « non sportifs » qui ont touché la cycliste de 22 ans au cours des derniers mois.
Affaire Duquette : Maurice Duquette est un ancien médecin de Jeanson. En février 2003, les médias révèlent que le Dr Duquette fait l'objet d'une plainte au comité de discipline de son ordre professionnel. On lui reproche entre autres d'avoir prescrit et administré de manière inappropriée de l'érythropoïétine (EPO), une substance dopante interdite.
Les noms des patients impliqués, dont Jeanson, font l'objet d'une ordonnance de non-publication, mais la cycliste de Lachine se démasque elle-même lors d'une conférence de presse en novembre 2003. Elle nie avec véhémence avoir été en contact de quelque façon que ce soit avec de l'EPO. Une semaine plus tôt, le Dr Duquette a plaidé coupable à 14 chefs d'accusation, incluant celui d'avoir prescrit et administré de l'EPO à Jeanson. Il se dédie cependant le lendemain dans une lettre envoyée à Jeanson.
En mars dernier, le Dr Duquette se présente devant le comité de discipline pour demander un retrait de plaidoyer sur quatre des 14 chefs, dont ceux concernant Jeanson. Au début du mois, le comité de discipline annonce qu'il accepte la requête. Le syndic du comité de discipline dispose de 30 jours pour interjeter appel devant le Tribunal des professions. S'il ne le fait pas, des audiences sur le fond de la cause du Dr Duquette se tiendront au plus tôt à l'automne.
Exclusion des mondiaux : Avant même que son nom ne soit publiquement associé à l'affaire du Dr Duquette, Jeanson est mêlée à une autre histoire accablante. Le 11 octobre 2003, elle est exclue de la course sur route des mondiaux de Hamilton à la suite de tests sanguins ayant révélé un taux d'hématocrite supérieur à la limite de 47 % fixée par l'Union cycliste internationale (UCI). Le taux d'hématocrite est le volume occupé par les globules rouges par rapport à la quantité de sang total.
En plus de son exclusion de la course pour des raisons de santé, Jeanson doit se soumettre à un test urinaire visant à déceler la présence d'EPO. Le test s'avérera négatif.
Pas de licence : Ce test négatif n'est cependant pas suffisant aux yeux de l'Association cycliste canadienne (ACC) et de la Fédération québécoise des sports cyclistes (FQSC). En décembre 2003, Jeanson accepte donc de parader devant un comité scientifique mis sur pied par l'ACC et auquel la FQSC participe. Ce comité cherche à faire la lumière sur son exclusion des mondiaux de Hamilton. Se disant insatisfaite des informations fournies par Jeanson, la FQSC refuse de lui émettre une licence de coureuse pour la saison 2004.
Après une partie de bras de fer avec la FQSC, Jeanson se tourne vers la fédération américaine de cyclisme (USA Cycling), qui accepte de lui émettre une licence puisqu'elle réside en Arizona une bonne partie de l'année.
Flèche Wallonne : Le 21 avril, Jeanson omet de se soumettre à un test antidopage urinaire dans les minutes suivant la fin de la Flèche Wallonne, une épreuve de Coupe du monde qui se tient en Belgique. L'UCI le signale à USA Cycling et non à l'Association cycliste canadienne puisque Jeanson lève licence aux Etats-Unis. USA Cycling remet le dossier entre les mains de la United States Anti-Doping Agency. (USADA), qui demande des explications à Jeanson.
Cette dernière s'exécute dans une lettre de trois pages dont La Presse a obtenu copie. La USADA a donné jusqu'au 4 juin à Jeanson pour fournir des explications supplémentaires. Après cette date, la USADA recommandera une sanction à l'UCI. Selon le règlement du contrôle antidopage de l'UCI, Jeanson s'expose à une suspension d'un à six mois et à une amende. Elle peut aussi recevoir un simple avertissement. Si l'UCI avait signé le code de l'Agence mondiale antidopage, elle aurait été passible d'une suspension automatique de deux ans.
Dans sa lettre à l'USADA, Jeanson évoque l'état d'esprit dans lequel elle se trouvait lors de la Flèche Wallonne. Avant la course, elle a appris, catastrophée, qu'un échantillon sanguin prélevé en matinée révélait un taux d'hématocrite de 49,5 %, soit 2,5 % de plus que la limite permise. L'analyse d'un échantillon B a toutefois permis d'établir que le taux d'hématocrite de Jeanson était, plutôt de 44,9 %. Entre-temps, elle a dû se soumettre à un test urinaire, test qui s'est avéré négatif.
Que Jeanson soit talonnée de la sorte n'est pas surprenant. La cycliste québécoise figure en effet sur la « liste rouge » de l'UCI, établie depuis cette année. Cette liste cible les coureurs qui réussissent des performances extraordinaires, ont des antécédents en matière de dopage, montrent des résultats urinaires-sanguins suspects ou bénéficient d'une attestation d'hématocrite naturellement élevée. Les cyclistes sur cette liste sont évidemment sujets à des contrôles antidopage des plus serrés.
Malgré l'épée de Damoclès qui lui pend au-dessus de la tête, Jeanson devrait être du départ de l'épreuve de Coupe du monde qui se déroulera sur le mont Royal samedi. Elle cherchera à satisfaire au dernier critère du Comité olympique canadien pour une participation aux Jeux d'Athènes (top huit).
page mise en ligne le 26 mai 2004 par SVP