À vélo au coeur de la Grosse Pomme
Marie Tison
Wall Street, dimanche, 7 h du matin. Pas un seul complet-cravate en vue. Et pourtant, une intense activité règne dans le quartier des affaires. En ce premier dimanche de mai, des milliers et des milliers de cyclistes convergent et se préparent à participer à une véritable tradition printanière, le célèbre Five Boro Bike Tour de New York.
C'est un peu l'équivalent du Tour de l'île de Montréal. L'idée, c'est de traverser les cinq arrondissements de la ville de New York, Manhattan, le Bronx, Queens, Brooklyn et Staten Island, à vélo, dans des rues libres de toute circulation.
Les automobilistes new-yorkais détestent. Les cyclistes, eux, aiment beaucoup et ce, en grand nombre. Habituellement, ils sont plus de 30 000 à se coiffer d'un casque et à enfourcher leur vélo. Évidemment, ceux qui préfèrent les balades bucoliques dans la campagne devraient s'abstenir. Ceux qui rêvent de voir la Big Apple, la Grosse Pomme, d'un autre point de vue, et qui ne craignent pas les foules et les bouchons de circulation, ont de quoi se délecter.
Le départ du tour se fait à l'extrême sud de Manhattan, au beau milieu des gratte-ciels du centre financier de l'Amérique. Il y a quelques années, les tours jumelles du World Trade Center dominaient la scène. Maintenant, les cyclistes jettent un coup d'oeil au fond du grand trou qui porte le nom de Ground Zero. Certains édifices des alentours portent encore les cicatrices du 11 septembre 2001.
Central Park
La colonne finit par s'ébranler un peu après 8h pour traverser Soho et Greenwich Village, des quartiers plutôt tranquilles en cette heure matinale. Les cyclistes retrouvent les gratte-ciels dans Midtown, à commencer par l'Empire State Building, toujours fidèle au poste. La circulation cycliste ralentit pour s'arrêter tout à fait. Embouteillage ! C'est qu'en avant, au bout de l'avenue des Amériques, se profile Central Park et qu'il faut maintenant emprunter une voie un peu plus étroite. La promenade dans Central Park constitue un des moments favoris des habitués du tour : un chemin qui se contorsionne doucement au milieu des arbres en fleurs. Un moment qui serait magique, s'il n'y avait pas cette petite pluie fine qui s'immisce dans le dos.
Les cyclistes émergent de Central Park pour traverser Harlem. Ce n'est plus le quartier mal famé d'antan. En ce dimanche matin, on voit surtout des dames élégantes et des messieurs en veston noir se presser sur le bord du trottoir, cherchant désespérément une petite accalmie dans le flot de cyclistes pour traverser le boulevard Malcom X et arriver à l'heure à l'église.
Saucette dans le Bronx
Le Bronx, lui, demeure mal famé. C'est pour cela que le trajet officiel du Five Boro n'ose qu'une petite saucette d'une quinzaine de minutes avant de reprendre un pont pour revenir sur Manhattan. Pendant mon bref séjour, j'entends bien un pow retentissant. Un coup de feu ? Non, c'est tout simplement un malheureux cycliste qui vient d'avoir une crevaison. Et qui va probablement tenter de battre son record personnel de vitesse de réparation.
À Manhattan, il faut subir un nouvel embouteillage avant d'emprunter le majestueux pont Queensboro pour passer du côté de Queens. Ici, les rues résidentielles sympathiques alternent avec les quartiers industriels plutôt grisâtres. Mais le soleil semble vouloir revenir à la vie et mettre un peu de couleur là-dedans.
Le passage à Brooklyn donne lieu à des vues spectaculaires sur Manhattan. Le trajet emprunte une voie rapide qui rappelle successivement l'autoroute Décarie et le boulevard Métropolitain. Nous sommes tentés de faire de la vitesse, mais ce serait manquer les petites rues tranquilles qui s'étalent en contrebas.
Un autre favori des cyclistes se profile à l'horizon, le fameux pont Verrazano, d'une hauteur impressionnante, long de plus de quatre kilomètes, qui relie Brooklyn à Staten Island. Aujourd'hui, il se perd littéralement dans les nuages. Heureusement, la montée est très graduelle. Malheureusement, il faut faire face à un autre embouteillage avant de pouvoir y mettre la roue. En haut, nous sommes enveloppés dans la brume et l'air salin. C'est un rappel de la proximité de l'océan Atlantique.
Le tour de 67 kilomètres prend officiellement fin sur Staten Island, mais il reste encore un petit plaisir : le traversier qui nous ramène vers Manhattan. Et qui nous offre, en passant, d'excellentes vues sur la statue de la Liberté et sur la forêt de gratte-ciels du quartier financier. Les habitués savent qu'il est préférable de se tenir à l'extrême droite ou à l'extrême gauche en embarquant sur le traversier pour pouvoir emprunter les escaliers qui mènent sur le pont et ainsi s'assurer d'une vue imprenable Sinon, on se retrouve dans la cale...
Le retour sur la terre ferme est plus difficile. Toutes les rues sont maintenant ouvertes à la circulation automobile et il faut risquer sa vie pour retourner à sa voiture ou à son hôtel. Mais après avoir partagé la voie toute la journée avec 29 999 autres cyclistes, on a les nerfs solides et on est capable de rivaliser avec n'importe quel chauffeur de taxi new-yorkais.
Site Internet du Five Boro : www.bikenewyork.org
page mise en ligne le 8 mai 2004 par SVP