20 mars 2005

Paul Roy

Si vous planifiez l'achat d'un vélo de route haut de gamme, préparez-vous à entendre parler « carbone » dans les boutiques que vous visiterez. Parce que si, ces dernières années, le monde cycliste à assisté à une progression impressionnante de ce matériau réputé pour sa légèreté et sa rigidité, 2005 peut résolument être considérée comme l'année carbone.

« Carbone ! Carbone ! Carbone ! » nous a d'ailleurs répondu spontanément Mario Spadafora, de la boutique 0-de-Gam, de Laval, quand on lui a demandé quelle était la plus grande tendance dans le vélo, cette année. Tout le monde se met au carbone. Jusqu'à Devinci, un fabricant dont l'usine est située au coeur de la planète aluminium, au Saguenay, qui propose un cadre monocoque carbone pour la première fois dans son catalogue 2005.

Il a pour nom « CX » et peut recevoir des périphériques Campagnolo ou Shimano. Équipé du groupe Campagnolo Record, il coûte 6000 $. Mais en l'habillant plus modestement, de Shimano 105, par exemple, on peut s'en tirer pour 2699 $, nous dit Éric Auger, directeur du marketing chez Devinci.

C'est d'ailleurs ce qui frappe cette année : des manufacturiers reconnus comme Trek, Specialized, Giant et autres qui proposent des vélos tout carbone pour des centaines de dollars de moins que 3000 $. « Le vélo tout carbone le moins cher, cette année, c'est un Giant qui coûte 2399 $ », signale Jacques Sennéchael, rédacteur en chef de Vélo Mag, dont le Guide d'achat 2005 de vélos de route doit paraître ces prochaines semaines (le Guide d'achat de vélos de montagne est déjà en kiosques).

« Giant a rabaissé la barre, admet Éric Auger, de Devinci. Pour y arriver, par contre, ils ont utilisé du Tiagra (un des groupes plus économiques de la famille Shihiano). »

Pour Gervais Rioux, proprio de la boutique Cycles Gervais Rioux et fabricant des vélos Argon 18, cette démocratisation du carbone, on y assistait tranquillement depuis quatre ou cinq ans.

« C'est le matériau de l'heure », affirme pour sa part Gilles Cantin, représentant pour Argon 18 et co-concepteur, avec Philippe Juteau, des appareils Juteau/Cantin utilisés dans la conception de vélos sur mesure. Avec le carbone, on peut jouer sur les formes (avec le procédé de moulage), c'est le matériau qui nous libère le plus des contraintes, qui nous donne les meilleures possibilités. »

Il y a deux grands types de cadres de carbone : le monobloc, où le cadre sort littéralement d'un moule; le tubulaire, avec des tubes collés, semblables à des tubes d'aluminium ou d'acier. Tous ces cadres viennent d'ailleurs exclusivement d'Asie, de la Chine et de Taïwan plus spécifiquement, pour des raisons de coûts de main d'oeuvre. La production de carbone nécessite en effet plusieurs étapes de polissage à la main.

Comme les humains, incidemment, les carbonnes ne naissent pas tous égaux. Il y en a de plus performants et de moins performants. Comment faire la différence ? » À l'oeil, on ne peut pas voir, déplore Jacques Sennéchael, de Vélo Mag. Le seul moyen, c'est de se fier à la réputation de la compagnie. Trek, par exemple, ça fait 12, 13 ans qu'ils font des vélos en carbone. »

Éric Auger, de Devinci, s'attend à ce que d'ici quelques années, il y ait des dénominations de carbone comme il y a des dénominations d'acier ou d'aluminium. « Comme pour tout matériau, il va devoir y avoir une échelle. »

En attendant, est-ce à dire que les autres matériaux, dont l'aluminium, incontournable jusqu'à tout récemment, sont mûrs pour la retraite ?

Gilles Cantin, représentant pour Argon 18, ne le croit pas : « Dans le haut de gamme, il y a toujours de très bons vélos en aluminium, légers, rigides et résistants. Et même le type qui s'achète un vélo en alu pour 1000 $, il ne se fait pas fourrer. »

« Nous, on fait beaucoup de recherche avec l'aluminium précise Éric Auger, de Devinci. On travaille sur de nouveaux alliages qui ont des propriétés mécaniques exceptionnelles, qui pourraient même supplanter le carbone à certains niveaux. »

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