12 mars 2005
Dans l'industrie du textile, combien de compagnies québécoises osent encore défier la concurrence asiatique ? De moins en moins, si l'on se fie aux statistiques du ministère du Développement économique et régional. Il en restait 1660 l'an dernier contre 5000 dans les années 1970. Et la chute ne fait que commencer, selon les experts, puisque l'abolition des quotas d'importations en provenance d'Asie devrait sonner le glas de centaines d'autres. Eexemple de Huntingdon, en janvier, n'est qu'un parmi d'autres.
Lise Fournier
Néanmoins, certains résistent. Parmi eux, Louis Garneau Sports, qui, malgré la mondialisation des marchés, continue de fabriquer des vêtements et articles de sport dans ses usines du Québec.
Les Chinois ont beau habiller la moitié de la planète, avoir une main-d'muvre bon marché et en quantité, l'homme d'affaires tient à garder le maximum d'emplois à Saint-Augustin. La raison ? Il croit au patrimoine québécois et en l'avenir.
Mais la tâche est ardue, avoue M. Garneau. L'abolition récente des quotas d'importations sur les vêtements asiatiques a entraîné, en début d'année, la fermeture de plusieurs PME du textile qui ne s'étaient pas ropositionnées.
Or, selon Louis Garneau, il n'y a pas 36 façons pour les Québécois de rester compétitifs. « Nous sommes condamnés à innover », dit-il. C'est d'ailleurs une phrase qu'il se plaît à répéter sur toutes les tribunes où on l'invite. D'après lui, pour rester dans le coup, nos entreprises doivent cibler ce qui est réalisable au Québec, introduire de nouvelles technologies et développer leur propre marque.
Aujourd'hui, la valeur ajoutée est l'une des conditions pour demeurer en vie, résume Louis Garneau. Il s'est donc ajusté à cette réalité, même si pour ce faire une partie de sa production est partie en Asie. À Saint-Augustin, l'entreprise se concentre principalement sur le design, les collections personnalisées, le service, le juste à temps.
L'entrepreneur a déjà expliqué que leur réussite se résume en une phrase : « Notre marché, dit-il, est trop petit pour les grands et trop grand pour les petits. Les gros ne nous voient pas. Mais en contre-partie, ça nous oblige à rentabiliser des petits volumes, à gérer des petites séries. » Un véritable casse-tête ! Songez qu'avec 2000 produits, Louis Garneau Sports effectue, chaque année, 40 000 permutations (couleurs, grandeurs, motifs). Ce qui fait qu'il n'a jamais atteint les 100 exemplaires de cuissards ou maillots dans les tailles P-M-G.
Et sans le crier sur les toits, Louis Garneau rêve aussi d'avenir. Il espère que ses enfants prendront la relève. « C'est un de mes buts, a-t-il mentionné. Je suis un gars de patrimoine. La transmission des affaires me tient à coeur. » Toutefois, les statistiques révèlent que seulement 30 % de nos compagnies se rendent à la deuxième génération.
L'homme d'affaires se désole que tant d'entreprises passent aux mains des étrangers. Il trouve déchirant que des gens soient obligés de vendre leur business après s'y être investis pendant 20 ou 30 ans faute d'avoir trouvé quelqu'un pour prendre les rênes.
Lui-même a failli faire le « saut » en 1997. La société américaine Bell Sports l'avait courtisé à coups de millions$. « Je me serais retrouvé à 37 ans, dit-il, avec suffisamment d'argent pour être tranquille pendant deux ou trois générations, mais je voulais léguer quelque chose de plus à mes enfants. » Une décision qu'il ne regrette pas puisque ses enfants s'intéressent à ce qu'il fait.
L'ancien champion cycliste qui a participé aux Jeux olympiques de Los Angeles se trouve chanceux d'avoir fait du sport de compétition. Il guide ses enfants dans le même chemin. « C'est là-dedans que j'ai développé le goût du risque, de l'organisation. Dans le cyclisme, il y avait des victoires, des défaites. Quand on perdait, il fallait apprendre à se relever. Ton entraîneur est là pour te dire quoi faire, mais le reste dépend de toi. Dans une compagnie, c'est la même chose. Il y a des hauts et des bas. Rien n'est jamais fixe dans le temps. »
Louis Garneau constate malgré tout que c'est au Québec qu'on démarre le moins d'entreprises. « Ça demande trop d'argent», glisse-t-il. « Il y a 23 ans, on ne parlait pas mondialisation des marchés, de commerce électronique. C'était plus facile de partir en affaires. Quand ma femme Monique et moi avons lancé notre première collection de vêtements cyclistes, il suffisait d'avoir une bonne idée et de la réaliser. Nous, on a démarré dans le garage de mes parents avec un minimum d'argent. Chose impensable de nos jours, précise-t-il, parce qu'en partant, vous avez besoin d'un ordinateur, du cellulaire, d'Internet haute vitesse. Et sans capital de risque, c'est quasi impossible d'y penser. »
La petite histoire
Louis Garneau Sports a profité d'un bon contexte de démarrage dans les années 1980. Le marché du vêtement de sport se développait. En quelques années, la PME connaît du succès. Mais en 1989, elle traverse une période creuse. C'est alors que l'homme d'affaires introduit le casque de vélo à sa gamme de produits. Dix ans plus tard, il occupera près 40 % de ce marché.
Toujours dans un esprit d'innovation, Louis Garneau a été le premier à introduire en Amérique du Nord le procédé par sublimation ou impression par thermo-transfert sur ses gilets.
Et pour le confort des sportifs, son équipe développera au cours des années 1990 une coupe de vêtement qui moule le corps. Plus récemment, la ligne Ergo Air a fait son entrée. En plus de modeler parfaitement la silhouette, elle procure une ventilation maximale.
Enfin au mois de juin 2003, Louis Garneau a fait l'acquisition de Chlorophylle, compagnie spécialisée dans la fabrication de vêtements techniques pour l'escalade, la montagne, le nautisme et le kayak. Là comme ailleurs, il y a fort à parier que le mot d'ordre sera : innover.
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