26 avril 2005
Armstrong et Landis ont préparé le terrain pour le Tour de France
Que ceux qui doutaient de l'intérêt du prochain Tour de France, craignant une autre domination outrageuse de Lance Armstrong, se ravisent.
Le Tour de Géorgie, qui s'est conclu dimanche par la victoire de Tom Danielson, a non seulement démontré la forme ordinaire d'Armstrong, il a aussi cristallisé la guerre l'opposant à Floyd Landis, son ancien dauphin chez U.S. Postal.
Pendant toute la semaine, les deux anciens amis se sont répandu en invectives et ont usé d'ingéniosité pour s'emmerder l'un et l'autre.
Samedi, lors de l'arrivée au sommet de Brasstown Bald, on a eu droit à une illustration patente de cette détestation réciproque. En franchissant le fil, Armstrong a pointé le chrono du doigt, se retournant ensuite vers Landis, qui voyait le maillot jaune lui filer entre les doigts, pour lui crier : « Tu perds ! »
Le sextuple vainqueur du Tour de France a ensuite craché son fiel à Landis, lui disant qu'il ne l'aiderait plus jamais. « Ça, c'est la déclaration de la semaine !» a ironisé Landis dans l'autobus ramenant les coureurs à l'hôtel au terme de la dernière étape. Doit-on rappeler que Landis a été le principal lieutenant d'Armstrong en montagne lors du dernier Tour de France.
Avant l'ascension de Brasstown Bald, Landis a lui aussi fait sa part pour attiser le feu. Alors qu'Armstrong et ses coéquipiers de Discovery traînaient en queue de peloton, il a ordonné au coureur qui donnait le rythme en tête de mettre le gaz au fond, question d'exposer le Texan au vent.
La réplique est venue le lendemain, lors de la dernière étape. Pour protéger le nouveau maillot de leader de Danielson, le train Discovery a imposé un tempo déraisonnable pour ce type d'étape, qui se veut généralement une procession jusqu'au sprint final.
Bref, Armstrong a fait suer un peu tout le monde, incluant les Américains de CSC, Christian Vande Velde et David Zabriskie, deux anciens Postal qui ne portent pas Armstrong dans leur coeur.
Si Armstrong a eu un léger avantage sur Landis lors de l'étape de Brasstown Bald, ce dernier a servi un sérieux avertissement à son rival lors du contre-la-montre de Rome, lui prenant 1 min 46 s sur 30 kilomètres, un écart très significatif. Par ailleurs, Landis aurait sans doute pu résister à Danielson à Brasstown Bald si Phonak avait délégué son équipe A en Géorgie.
Armstrong, lui, n'a pas caché ne pas être au niveau habituel à cette période-ci de l'année.
« Je suis sur la bonne voie, a cependant affirmé le futur retraité après de bonnes prestations en montagne. Je dois continuer à m'entraîner pour essayer d'améliorer ma condition et de perdre du poids. Ce que je n'ai pas encore fait, ce sont des entraînements à super haute intensité, ce qui mène à de mauvais contre-la-montre. Je n'ai pas encore touché à cet aspect de l'entraînement, mais ça commence ici, en course. »
Parmi les gros canons américains, Levi Leipheimer est celui qui s'est fait le plus discret au chapitre des invectives, préférant parler avec son vélo. Au général, le leader de Gerolsteiner- lui aussi un ex-Postal- s'est classé deuxième, à quatre secondes de Danielson. Il a devancé Landis, Armstrong et le gagnant de Paris-Nice, Bobby Julich.
Armstrong considère d'ailleurs Leipheimer comme son plus sérieux rival américain pour le Tour de France.
« Levi a toujours été constant au Tour de France au cours des dernières années. J'ai passé plus que temps que jamais avec lui à l'entraînement. Je suis impressionné à quel point il travaille fort. C'est un dur. Il peut se taper des sorties de cinq, six, sept heures, et il ne se plaint jamais, il ne chigne jamais. Je le vois bien dans le top cinq ou le top trois. »
Pendant que les Américains s'entre-déchiraient en Géorgie, les Européens affûtaient leurs armes de l'autre côté de l'Atlantique. Les Ullrich, Basso, Cunego, Klöden, Voigt et Vinokourov, vainqueur de Liège-Bastogne-Liège dimanche, doivent eux aussi être bien anxieux de se mesurer à Armstrong et sa machine déjà huilée de Discovery.
Roues libres |
L'Après Armstrong
Ça ne fait aucun doute, le Tour de Géorgie a été un immense succès. Que ce soit dans les villes de départ et d'arrivée, ou au long des parcours, les spectateurs ont répondu présents avec un enthousiasme parfois délirant. Seule note discordante, l'intérêt somme toute modéré des grands médias nationaux, qui semblent attendre le Tour de France. L'Europe était néanmoins représentée par la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, entre autres. Maintenant, la grande question : le Tour de Géorgie réussira-t-il à maintenir cet intérêt après la retraite d'Armstrong ?
Salut Wally
Outre les locaux généralement néophytes, le Tour de Géorgie a également attiré des fanas de vélo des quatre coins des États-Unis. De mémoire, on en a croisé de la Californie, de la Floride, de l'Oklahoma, du Minnesota, de l'Alabama, du Colorado, du Vermont, de l'Illinois, de l'Indiana, etc. Walter Jarman faisait partie du groupe. On avait déjà interviewé ce chimiste de Salt Lake City lors d'un voyage de ski en février. On l'a recroisé au sommet de Brasstown Bald. Mi-quarantaine, il est venu en Géorgie avec un groupe de cyclos. En matinée, ils se payaient une sortie dans les montagnes avant d'assister aux arrivées en après-midi. Steve Bauer et son groupe étaient également de la partie.
Du chemin à faire
Lance Armstrong s'est mis au service de son coéquipier Tom Danielson, faisant le ménage dans le peloton lors de l'avant-dernière ascension, samedi. Un journaliste lui a demandé s'il pensait que le public américain comprendrait cette façon de faire. « Probablement pas, mais c'est OK », a répondu le Texan en souriant, disant simplement apprécier l'appui de ses partisans. « Après deux ou trois étapes au Tour de France, quand je suis en 32e place, j'entends encore les gens dire : Oh non, c'est fini, tu ne combleras jamais cet écart. Une année, on avait laissé 35 minutes à un groupe. Là, ils croyaient vraiment que c'était fini. C'est pas grave. »
Pas très conséquent
En déroulant les rubans de nos entrevues, hier matin, on s'est rappelé qu'Armstrong n'est pas toujours cohérent. En début de semaine, l'Américain parlait de Danielson comme d'un espoir à surveiller, mais pas nécessairement pour la Grande Boucle. Six jours plus tard, le discours du leader de Discovery avait un peu changé : « Il a encore des choses à apprendre en Europe, mais de la façon dont il grimpe - et il est bon aussi au contre-la-montre - il pourrait être une menace un jour. » Faut dire que Danielson était assis tout juste à côté.
Les autres articles de Simon Drouin consacrés au Tour de Géorgie:
- Revoici Gooooooord Fraser !, 25 avril
- Perras s'illustre... et passe à la caisse, 25 avril
- Merci, patron, 24 avril
- L'homme en mouvement, 24 avril
- Une marche de la mort dantesque, 23 avril
- Le signal d'alarme, 22 avril
- Armstrong et Il Gladiatore, 21 avril
- Hunter l'a eu facile, 20 avril
- Armstrong a fait le tour, 19 avril
- Le dernier Tour de France de Lance Armstrong ?, 18 avril
page mise en ligne par SVP
Consultez
notre ENCYCLOPÉDIE sportive