8 mai 2005
Enfin, une ligne de conduite !
Vous filez sur la route et apercevez un cycliste qui roule sur le côté droit, dans la même voie que vous. Que devez-vous faire ?
1. Continuer et le doubler sans changer de voie.
2. Ralentir et le doubler en changeant de voie.
3. Klaxonner pour qu'il s'écarte.
C'est la deuxième réponse qui est la bonne et cela n'a rien d'étonnant puisqu'elle relève du simple bon sens. Mais cette réponse comporte une multitude de variantes - un autre véhicule vient en sens inverse, par exemple- et les énumérer serait assez fastidieux. Ce qui compte, c'est que le dépassement soit effectué sans incident, la préoccupation première du cycliste, et celle de l'automobiliste, étant de rester vivant et sain.
Tout cela semble aller de soi, mais comment agir si on sait que la police nous observe ou si on veut se conformer au Code de la sécurité routière ? L'article 326.1 stipule en effet que : « le conducteur d'un véhicule routier ne peut franchir aucune des lignes de démarcation de voie suivantes : une ligne continue simple; une ligne continue double; une ligne double formée d'une ligne discontinue et d'une ligne continue située du côté de la voie où circule le véhicule routier ».
Doit-on quand même faire attention au cycliste et risquer d'avoir une contravention ? À vrai dire, c'est une mauvaise question puisque le Code de la sécurité routière prévoit l'exception et dicte la conduite à suivre.
La majorité des automobilistes appliquent la règle de prudence numéro 2 sans savoir que cela est parfaitement légal.
Nonobstant les dispositions du paragraphe 326.1, deux articles du Code de la sécurité routière concernent cette question :
341. Le conducteur d'un véhicule routier ne peut dépasser une bicyclette à l'intérieur de la même voie de circulation que s'il y a un espace suffisant pour permettre le dépassement sans danger.
344. Le conducteur d'un véhicule routier peut franchir une ligne visée à l'article 326.1, dans la mesure où cette manoeuvre peut être effectuée sans danger, pour dépasser un tracteur de ferme, ou une autre machine agricole, un véhicule routier muni d'un panneau avertisseur de circulation lente, un véhicule à traction animale ou une bicyclette.
Qu'il en soit ainsi ne règle pas la question, encore faut-il que les automobilistes le sachent. C'est pourquoi les clubs cyclistes du Québec ont uni leurs voix pour entamer une campagne de sécurité qui, l'espèrent-ils, se traduira, l'an prochain, par l'insertion d'une brochure dans les envois postaux de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ).
Le flou qui persiste - il n'est pas dans la loi, mais dans l'esprit des automobilistes - coûte des vies humaines. Chaque année au Québec, une vingtaine de cyclistes sont tués sur la route, la vitesse et l'alcool étant en cause dans la moitié des cas.
Le regroupement provincial des clubs cyclistes a convoqué récemment une rencontre de presse afin de diffuser une information somme toute vitale, avec l'appui de l'Association du camionnage du Québec, l'Association québécoise du transport et des routes (AQTR), la Fédération québécoise des sports cyclistes, Louis Garneau et l'école de conduite Tecnic. Cette dernière, détail intéressant, informe depuis 25 ans ses élèves de l'existence des articles 341 et 344 de ce Code si mal connu.
Un dépliant explicatif a été produit à 115 000 exemplaires en français et 15 000 exemplaires en anglais. Le document est distribué par les clubs cyclistes et certains marchands de bicyclettes. C'est un début.
Selon André Primeau, des Bicycologues de Brossard, « les cyclistes sont tous des survivants de la route ». Quel cycliste, en effet, n'a pas été frôlé par des véhicules. Un camion ou une auto qui passe à un mètre d'un cycliste, à plus forte raison si son conducteur y met de la vitesse, est un véhicule qui frôle. Le risque est considérable car à quelques dizaines de mètres de distance, quand l'automobiliste prend l'initiative de frôler, rien ne lui montre que le cycliste ne s'écartera pas subitement de sa trajectoire pour éviter un trou dans la chaussée ou à la suite d'une mauvaise manoeuvre. Il devrait pouvoir profiter de ce que M. Primeau appelle la « loi des tracteurs », l'article 344 tirant de toute évidence son origine de la réalité agricole de nos campagnes.
Léon Thériault, fondateur des Vélomanes de Sainte-Julie, a été un des instigateurs de la campagne du regroupement des clubs cyclistes. Ce survivant des routes majoritairement sans accotement du Québec, blessé sur la Transgaspésienne et dans le rang des 25 par des poids lourds qui l'ont expédié dans le fossé, s'est lancé en croisade, convaincu de la nécessité d'éduquer les utilisateurs de la route. Selon lui, « la situation s'est améliorée au fil des années, mais il y a encore du travail à faire. Il faut être extrêmement prudent. Nous (les cyclistes) avons un rôle de prudence et nous devons veiller à ne pas provoquer les automobilistes ».
L'ancien coureur et olympien Louis Garneau, devenu fabricant d'accessoires pour les cyclistes, s'est senti interpellé par la campagne sur les articles 341 et 344. « J'ai 46 ans, cela fait 43 ans que je fais du vélo, j'ai fait de la compétition, mais je ne connaissais pas cette disposition de la loi. Après la campagne pour le port du casque, nous sommes rendus là. »
Ce matin-là, Lyne a taquiné Jacques comme elle aimait tant le faire et lui a laissé un bon café sur la table avant de partir. « Une promenade en vélo, je reviens dans quelques minutes. »
À 10 h, elle n'était pas rentrée. À midi, Jacques attendait encore et commençait à s'inquiéter. Il attendait, attendait. L'après-midi a passé. Toujours pas de Lyne.
À 18 h, des policiers ont sonné à la porte.
Lyne n'est jamais revenue. Pendant sa randonnée, une voiture l'a frappée. Lyne a eu la tête fracassée sur la chaussée, elle est morte sur le coup.
« Je suis triste, les enfants sont tristes, souligne l'homme, sans colère apparente. Ceux qui l'ont frappée aussi sont tristes. »
Comme de nombreuses routes au Québec, celle où est survenu l'accident n'avait pas d'accotement. Comme dans de nombreux cas, cette tragédie aurait pu être évitée si l'automobiliste avait changé de voie pour doubler Lyne.
Jacques Landry n'a pas abandonné le rêve qu'il caressait avec sa femme. Il a ouvert un gîte du passant, à Venise-en-Québec, et l'a baptisé « Sous les ailes de Lyne ». Bien qu'il ne fasse pas de vélo, il affectionne particulièrement ses clients cyclistes et c'est en allant faire la promotion de son établissement dans un salon du vélo qu'il a rencontré Léon Thériault.
Le fondateur des Vélomanes et les cyclosportifs du Québec ont encore beaucoup à faire pour que les routes du Québec deviennent sécuritaires. Les autres cyclistes, les cyclotouristes autant que les jeunes enfants, ont grand besoin eux aussi d'un terrain plus accueillant pour la pratique du deux roues, mais ils n'ont pas l'organisation ni la structure des clubs pour faire valoir leurs droits.
Richard Chartier
Dans le mémoire soumis au ministre des Transports du Québec pour promouvoir les articles 341 et 344 du Code de la sécurité routière, le regroupement provincial des clubs cyclistes souligne qu'il y a des trous dans la loi et des dangers à certaines règles. Des questions plus pointues qui n'ont pas été abordées lors de la rencontre de presse afin de laisser toute la place à l'argumentaire principal.
Le regroupement réclame l'abrogation de l'article 486, qui stipule : « Les conducteurs de bicyclettes qui circulent en groupe de deux ou plus doivent le faire à la file. En aucun cas, la file ne peut comporter plus de 15 cyclistes. »
Le mémoire souligne ici une contradiction : « Ce type de formation est quasi universellement utilisé par les clubs cyclistes et les compétiteurs et est toléré par les autorités policières. La raison sous-jacente de cette pratique en est essentiellement une de sécurité. En effet, ce type de formation oblige les automobilistes à traverser la ligne centrale lors du dépassement d'un peloton ce qui est conforme aux articles 341 et 344 du Code de la sécurité routière. »
Le document soumis au ministre précise cependant que cette pratique a cours principalement dans les chemins municipaux secondaires à faible circulation. « Lorsqu'ils circulent en milieu urbain et sur les routes provinciales, les groupes de cyclistes circulent à la file indienne », rappelle- t-il. On se comprend.
Le problème découle de l'absence généralisée d'accotements asphaltés sur les routes du Québec, un anachronisme perpétué par plusieurs générations de politiciens des deux tendances - péquiste autant que libérale - qui économisaient les bouts de chandelle en ne recouvrant que la stricte voie empruntée par les véhicules motorisés. Mauvais comptables, ils oubliaient le coût social des blessés et des morts résultant de leur incurie.
Et que dire de l'article 492 qui oblige les cyclistes à « emprunter la voie cyclable, lorsqu'il existe une telle voie en bordure d'une route ».
Ici, encore une fois, on constate que le regroupement n'est pas une réunion de rêvasseurs endormis et qu'il mérite d'être entendu : « Une telle obligation met indûment en danger la vie et la sécurité des cyclistes. En effet, il est souvent plus dangereux de circuler sur la voie cyclable que de circuler sur la route même. Les voies cyclables ne font l'objet d'aucune norme obligatoire quant à leur aménagement. Elles sont souvent à double sens, ce qui signifie que dans au moins une des deux directions, le cycliste qui l'emprunte doit circuler sur une bande étroite, entre le trafic automobile et les cyclistes venant à contresens. Ces voies cyclables sont également empruntées par les marcheurs, patineurs, planchistes et autres promeneurs, qui constituent autant d'obstacles et de dangers potentiels pour les cyclistes. Au surplus, la présence fréquente de poteaux délimitant la voie cyclable en gêne l'entretien et favorise l'accumulation de gravier, de verre cassé et autres débris, rendant la circulation à bicyclette d'autant plus risquée. Par ailleurs, la vitesse sur les pistes et voies cyclables est limitée par la loi à 20 km/h... Les cyclosportifs roulent en général à une vitesse de l'ordre de 25 à 40 km/h sur le plat, et les compétiteurs vont souvent plus vite... Les voies cyclables ont pour but de protéger les cyclistes des automobilistes, et non pas le contraire... Il n'existe donc aucune raison valable pour rendre leur utilisation obligatoire par les cyclistes. »
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