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25 juillet 2005

À vélo sur la Cabot Trail

Qui n'a jamais vu de photos de cette route qui serpente au flanc de caps aux formes rebondies et dont les clichés servent d'image de marque à la Cabot Trail dans tous les dépliants touristiques ?

André Désiront

Cette « piste de Cabot », qui ceinture le parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, est aussi considérée comme un des plus beaux circuits de cyclotourisme de l'est du Canada. Notre collaborateur l'a parcourue à vélo l'été dernier.

JOUR 1 : 90 km : de Baddeck à Chéticamp
J'ai choisi la petite ville touristique de Baddeck comme point de départ de ma tournée en vélo de la Cabot Trail pour trois raisons. La première, c'est qu'à partir de ce centre de villégiature, la route incise l'appendice nord de l'île du Cap-Breton sur une soixantaine de kilomètres. Les deux tiers du parcours se déroulent donc loin de la mer. Or, je préfère me farcir la partie que je considère la moins emballante de l'itinéraire au début. La seconde, c'est que Chéticamp est le village d'étape le plus intéressant de ce circuit et que j'estimais que cela ferait un bon dessert après un trajet un peu monotone. Troisième raison : une première journée sur un parcours relativement facile constituerait une mise en forme appropriée avant d'attaquer le segment le plus exigeant pour les mollets, celui qui relie Chéticamp à Cape North.

Je suis donc parti de Baddeck, par un matin ensoleillé. Une dizaine de kilomètres après avoir quitté la ville, la route s'enfonce dans les terres et s'élance à l'assaut de Hunters Mountain, la montagne des chasseurs. Un dénivelé d'environ 200 mètres qui se grimpe sans trop d'efforts. Ce sera la seule côte un peu abrupte de la journée. Après, le parcours serpente entre champs et bois sur une quarantaine de kilomètres. Il traverse quelques localités qui n'ont rien de remarquable, avant de rejoindre la côte du Golfe à Margaree Harbour. Sur le reste du trajet, les drapeaux acadiens pavoisent les maisons caparaçonnées de clins d'aluminium. Et les villages arborent des noms qui chantent plus que l'architecture : Belle Côte, Saint-Joseph-du-Moine, Grand Étang... J'arrive à Chéticamp, au début de l'après-midi.

Arrêt : Chéticamp, bastion acadien
«Nous sommes 3500 et francophones à 98 %», me lance la préposée à la billetterie du musée des pêcheries de Chéticamp. Mais on peut y passer plusieurs heures sans s'en apercevoir. C'est que deux enseignes sur trois ne font aucune place au français et les habitants du cru s'adressent systématiquement au visiteur en anglais. «On ne veut pas effaroucher les touristes qui sont, pour la plupart, anglophones!», explique mon interlocutrice. Une fois la glace linguistique brisée, le contact est bien sympathique. Outre ce musée des pêcheries (le musée La Pirogue, de son véritable nom) et la balade sur le vieux quai récemment réaménagé, on visite le centre culturel des Trois Pignons, qui retrace l'histoire de ce coin d'Acadie et qui abrite «la plus grande collection mondiale de tapis hookés». De quoi? Le tapis hooké est, en fait, un tapis de laine crocheté sur un canevas de jute. À l'origine, les Acadiens de Chéticamp, qui vivaient en autarcie, ne gaspillaient rien. Ils découpaient les vêtements trop usés pour être ravaudés en fines lanières et les reconvertissaient en tapis, ce qui était bien pratique dans les chambres mal chauffées de l'étage. Pendant les années 20, une riche Américaine qui séjournait régulièrement à Baddeck s'est entichée de cette technique et a organisé un circuit de vente. Pendant deux décennies, le crochetage de tapis est devenu la seconde industrie du village, après la pêche. Après une longue période de désuétude, la technique reprend vie, exaltée comme fleuron du patrimoine local et Chéticamp s'est intronisée « capitale mondiale du tapis hooké ».

Jour 2 : 74 km : de Chéticamp à Cape North
La pluie viendra-t-elle brouiller les superbes panoramas de cette partie du trajet - la plus difficile, mais aussi la plus belle ?

La vue reste dégagée malgré les nuages alors que, 10 km après Chéticamp, j'entre dans le parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, où la route serpente entre le golfe du Saint-Laurent et la falaise. La lumière ambiante reste assez vive pour qu'on distingue des couleurs qui tapissent les falaises : le vert tendre de la forêt acadienne, au bas des pentes, celui plus foncé de la forêt boréale, qui tend une lisière de sapins baumiers et de bouleaux à papier entre 300 et 400 mètres d'altitude, et, enfin, au seuil du plateau, le mince cordon noir d'épinettes qui annonce la taïga.

Les côtes se succèdent, mais les dénivellations n'excèdent pas une centaine de mètres. Les véritables festivités commencent une quinzaine de kilomètres après l'entrée du parc. La route quitte alors le bord de l'eau pour s'élancer à l'assaut de la French Mountain, qui s'élève à 455 mètres au-dessus du niveau de la mer. Parcs Canada a bien pris soin de traduire le nom de l'éminence - La montagne du Français - sans indiquer le degré d'inclinaison. Néanmoins, si la côte est longue - 6 km - elle se grimpe bien assis. J'évalue qu'elle fait dans les 8%. À mi-chemin, une halte offre un point de vue superbe sur le canyon creusé par une petite rivière et sur la mer. Après le sommet, c'est le plateau, une succession de landes, de tourbières et de bouquets d'épinettes hirsutes, brusquement interrompue par la descente vertigineuse vers la mer et le petit village de Pleasant Bay. Entre-temps, j'aurai fait une halte au point de vue qui surplombe les gorges de la rivière McKenzie: une entaille de 16 km et 300 mètres de profondeur dans le plateau des Hautes-Terres-du-Cap-Breton.

Lorsque je sors du restaurant de Pleasant Bay, il pleut. La montée vers le sommet du mont North, le deuxième de la journée, débute 2 km après la sortie du village. Ici, c'est du sérieux. Le dénivelé est à peu près le même que pour la French Mountain, mais il se négocie sur 4 km. Le degré d'inclinaison moyen fait environ 14%. La circulation, relativement dense dans les deux sens, m'empêche de grimper en zigzag. Comme je manque d'entraînement, je suis obligé de mettre pied à terre aux trois quarts de la montée. Humiliation garantie. Je dois encore m'arrêter une fois dans le dernier kilomètre. Lorsque j'arrive enfin sur le plateau, je suis trempé comme une éponge.

La pluie cesse alors que j'arrive au motel à Cape North. Une demi-heure plus tard, le ciel est complètement dégagé.

Arrêt : les villages du Cap nord du Cap-Breton
Cape North et les autres villages du nord de la péninsule - une dizaine en tout - sont situés à l'extérieur des limites du parc national. Contrairement à ce que son nom laisse entendre, Cape North - qui est davantage un carrefour de services qu'un vrai village - ne se trouve pas au bout de la péninsule ni au bord de la mer. Cet honneur revient à Bay St. Lawrence, à une vingtaine de kilomètres de là, que l'on rejoint par une petite route au parcours accidenté. Néanmoins, on trouvera à Cape North, outre deux ou trois fast food, un excellent restaurant: Morrison's. De là, une petite route d'une dizaine de kilomètres mène à Dingwall, un village de pêcheurs installé le long d'une baie étroite. Au bord de la plage, un excellent hôtel de villégiature - le Markland Coastal Resort - est flanqué d'un restaurant gastronomique.

Jour 3 : 60 km : de Cape North à Ingonish
Il y a deux itinéraires pour aller de Cape North à Ingonish. Le premier et le plus court consiste à rester sur la route principale qui ceinture le parc national. Ce qui donne 45 km sur un parcours relativement plat. L'autre, présenté comme la «route panoramique alternative», est beaucoup plus accidenté. Il épouse le pourtour sinueux du littoral, ce qui allonge le trajet d'une quinzaine de kilomètres. La petite route peu fréquentée traverse une pinède et ménage de superbes fenêtres sur les baies sablonneuses qui se succèdent sur cette partie de la côte. Elle effleure ou traverse quelques villages de pêcheurs qui, comme Pleasant Bay, Dingwall et les autres agglomérations nichées dans les replis de la péninsule nord du Cap-Breton, vivaient en autarcie jusqu'à la construction de la route, dans les années 50 : Smelt Brook, hameau lové autour d'un havre de pêche, White Point où on trouve un restaurant près d'un phare juché sur un promontoire, New Haven et New Harbour, où la vie semble s'être arrêtée voici un demi-siècle. À l'intersection de la route principale et de la route panoramique, je tombe sur un groupe de cyclotouristes ontariens. Ils sont une vingtaine, encadrés par deux guides-accompagnateurs, et leurs bagages sont transportés dans un camion.

Pendant les deux prochaines journées, je cheminerai en leur compagnie, dépassant les traînards ou dépassé par les plus pressés. Car leur groupe est clairement divisé en deux contingents: les rouleurs, qui filent en peloton à une allure que je suis incapable de soutenir longtemps, et les autres, qui musardent en s'arrêtant un peu partout. À la faveur d'une halte au phare de White Point, j'apprends que la veille, ils ont gravi les pentes de North Mountain environ deux heures avant moi, ce qui leur a évité de se faire surprendre par la pluie. Certains d'entre eux me disent qu'ils attendaient depuis plusieurs années l'occasion de boucler cette Cabot Trail, qui bénéficie d'une enviable notoriété dans les milieux du cyclotourisme.

Après cette incursion de 25 km sur la route panoramique, on réintègre le périmètre du parc et la route principale qui longe presque continuellement la mer jusqu'à Ingonish sur un parcours à peine accidenté. Sans être spectaculaires les paysages ne manquent pas de charme.

Arrêt : Ingonish et le Keltic Lodge
Enclavée dans le parc national, Ingonish est la station balnéaire la plus fréquentée de l'île du Cap-Breton. Le nom sert à désigner quatre petites localités installées autour d'une grande baie : Ingonish, Ingonish Centre, Ingonish Beach et South Ingonish Harbour. Mais c'est sur l'étroite péninsule de 5 km de long, qui scinde la baie en deux parties (North Bay Ingonish et South Bay Ingonish) qu'on trouvera les plus belles plages et les paysages les plus charmants. Là, jouxtant un superbe terrain de golf public, se dresse le Keltic Lodge, un des établissements les plus luxueux de Nouvelle-Écosse. On prend l'apéritif dans les grands salons meublés à l'ancienne ou sur les pelouses d'où on bénéficie d'une vue merveilleuse sur le côté nord de la baie. Le restaurant principal - le Purple Thistle dining-room - sert une véritable cuisine gastronomique.

Jour 4 : 90 km : d'Ingonish à Baddeck
Peu après avoir dépassé l'étroite péninsule qui coupe la baie d'Ingonish en deux, la route quitte définitivement le parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton pour contourner le très long estuaire de la rivière Ingonish. Dès qu'elle rejoint la côte, elle s'élance à l'assaut de la Smokey Mountain, un énorme promontoire qui domine la mer du haut de ses 370 mètres. Mais on passe le col à une altitude de 275 mètres et le degré d'inclinaison de la pente ne dépasse pas 8%, ce qui rend la montée assez aisée. Sur l'autre versant, par contre, la pente est beaucoup plus accentuée. Les cyclistes qui font le trajet en sens inverse doivent peiner davantage. Les paysages sont superbes jusqu'à l'arrivée au bas des pentes, mais la route file ensuite en ligne droite dans un décor qui évoque une banlieue sans âme. Même si la mer n'est pas loin, on la perd de vue pendant 50 km. Pour renforcer cette impression d'ennui, la pluie se met de la partie, fine, mais persistante. Peu après Indian Brooks, la route se scinde en deux. Pour rejoindre Baddeck, on a le choix entre le chemin le plus long (7 km de plus) et le plus vallonné, qui s'enfonce dans les collines de l'intérieur, ou la bretelle qui rejoint un bras de mer, la baie Sainte-Anne. Je choisis cette seconde option, parce que la pluie devient plus drue et que j'ai hâte d'arriver à Baddeck. Un petit ferry m'emmène de l'autre côté du bras de mer où je tombe sur la route 105 qui relie Halifax à Sydney. Avec ses quatre voies, elle a tout d'une autoroute et les 25 km qui restent à parcourir jusqu'à Baddeck ne présentent aucun intérêt particulier.

Arrêt : Baddeck et les lacs Bras d'Or
Baddeck est une petite ville touristique lovée au bord d'un des lacs Bras d'Or. En fait, ces lacs sont plutôt les ramifications d'un bras de mer qui s'enfonce profondément dans le flanc est de l'île du Cap-Breton. L'endroit est connu parce que l'inventeur du téléphone, Alexander Graham Bell, y avait fait construire une superbe résidence secondaire, Beinn Bhreagh, aujourd'hui transformée en musée par Parcs Canada. C'est une petite station de villégiature très prisée par les habitants des Maritimes, notamment parce que les eaux tièdes sont plus propices à la baignade que celles de l'Atlantique ou du Golfe. Outre le «Lieu historique national du Canada Alexander Graham Bell», on visite le centre d'interprétation des lacs Bras d'Or, aménagé dans l'ancien bureau de poste, où on en apprendra un peu plus sur l'écosystème de ces bras de mer.


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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