Antoine Bedwani |
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27 août 2000
François Béliveau
Un conte de fées à 68 ans. Antoine Bedwani, homme de sentiment, ne cessera jamais d'étonner. L'Égyptien d'origine, fondateur du réputé club cycliste les Espoirs Laval (Naya) il y a 33 ans, sort d'un cauchemar... et vit... une deuxième lune de miel.
Elle se nomme Svetlana Mintianskaia, deux fois plus jeune, venue dUkraine. Elle a touché la corde sensible d'Antoine, et sa qualité de grande cycliste - de bons résultats au Tour de France en 1990 et 1992, et au Championnat du monde- n'a fait qu'attendrir Bedwani. Il l'a donc mariée, presque en cachette, le 9 octobre 1999. Mélange d'amour et de tendresse saupoudré de générosité. Antoine voulait l'aider à acquérir la nationalité canadienne.
Il se présente comme «l'homme à tout faire» qui, veuf depuis sept ans, s'investissait totalement et aveuglément dans son club de jeunes cyclistes, garçons et filles. Parmi eux, Geneviève Jeanson, Czeslaw Lukaszewicz, prochains olympiens à Sydney, les frères Cojan, Dominique Rollin, Alexandre Lavallée, etc.
Or, l'orage a éclaté et a duré plus de sept mois. Noirceurs remplies de tonnerre et d'éclairs, de pointes de désespoir. Deux mois après le mariage, Ottawa refusait le statut de réfugiée à la jolie dame, et la lutte s'engagea, Bedwani aux avant-postes.
Il a mené la charge, enclenchant les formalités avec le ministère de l'immigration, les «agents du fédéral», conune il les nommait, et demandant le parrainage de sa jeune épouse.
Mais rien n'y fit, les délais fondaient, Damoclès brandissant son épée, le découragement s'immiscant encore plus. «C'était l'enfer !» s'exclame Antoine, que d'aucuns trouvaient naïf.
Elle devait quitter le pays le ler mai dernier. Mais le maire de Laval et le député Denis Coderre, Secrétaire d'État au sport amateur, entrèrent dans la danse et contribuèrent à repousser la date. Quand la médaille de l'Ordre du Canada remise en 1993 à Antoine par le premier ministre Jean Chrétien, pour 25 années de bénévolat, s'ajouta au dossier, le ministère parut ébranlé.
Mais pour y voir clair, Bedwani envisagea d'abandonner quelques mois ce qu'il avait construit au Québec pour partir avec Svetlana, en Égypte, pays qui acceptait, 36 ans après qu'il l'eut quitté, dhéberger la jeune épouse le temps des requêtes.
«Les billets d'avion étaient achetés et nous devions partir le 12 septembre prochain, mais le 21 août dernier, les deux agents fédéraux chargés du dossier, très professionnels et compréhensifs affirme le gentil Bedwani, annulèrent l'ordre d'expulsion de Svetlana en constatant notre bonne foi et en voyant nos billets d'avion.»
C'est maintenant l'euphorie chez Antoine et dans son club cycliste. «Autant c'était dramatique hier, autant l'avenir nous paraît radieux et grandiose. Elle va rouler tout l'hiver, apprendre le français, et en 2001, Svetlana va courir au Québec au niveau des maîtres, et m'aider au club comme masso-thérapeute...»
Que de beaux projets pour des nouveaux mariés, n'est-ce pas pas ?
9 juillet 99
François Béliveau
On sait tous qu'il y a beaucoup d'italiens, d'Espagnols, de Grecs, de Libanais, de Haïtiens et autres, dans la région de Montréal. Mais on ignore combien des Égyptiens d'origine ont pu avoir d'influence dans notre sport.
Henri Sassine, à lui seul, a fait revivre le sabre. Il avait même créé le meilleur club canadien à... Chibougamau, avant de revenir s'installer à Laval. Dans le cyclisme, personne n'ignore l'oeuvre de l'incomparable Antoine Bedwani, père des Espoirs Laval Naya, l'un des principaux clubs au pays avec 90 membres.
« Nous avons des cyclistes de 9 à 70 ans, toutes catégories, jusqu'à l'élite, et tout tourne autour de M. Bedwani, l'âme du club », explique avec un respect tout filial le champion Yannick Cojan, 29 ans, tête de proue de cette organisation quasi familiale, directeur et nouvel entraîneur-chef du groupe.
Cojan, encore champion canadien sur piste, cinq fois champion des Mardis de Lachine, est justement l'un des six qu'on a fêtés, hier, à la Maison des arts de Laval. Les Espoirs Laval comptent en effet six champions canadiens dans leurs rangs, une fierté non dissimulée pour Bedwani, un veuf qui y consacre toute sa vie.
Bedwani, 66 ans, fut champion junior et senior sur route en Égypte, et entraîneur national de l'équipe féminine de basket, avant d'émigrer au Canada à l'âge de 32 ans. Deux ans plus tard, il y a 31 ans, il fondait les Espoirs Laval qui, depuis, ont cumulé au moins 150 titres nationaux, une quinzaine par Cojan.
« C'est devenu la raison de mon existence, j'en suis le bénévole à plein temps, dit Bedwani de son air sévère - mais sympathique - habituel. Ce sont tous mes enfants... »
Outre Cojan, le Polonais d'origine Czeslaw Lukaszewiez, 35 ans, pour une troisième fois champion canadien sur route ; Geneviève Jeanson, 17 ans, championne canadienne junior sur route pour une troisième année consécutive, en plus du contre-la-montre individuel ; Jonathan Tremblay, champion espoir sur route ; Éric Dubé, champion sur route junior, et enfin Dominique Rollin, champion junior du critérium, complètent le bouquet Bedwani.
« Il faut nous voir chez M. Bedwani, le soir, dans son salon et son garage, parler cyclisme, insiste Cojan. Charmant et débile ! »
Les Gianni Vignaduzzi et Steve Rover sont passés par ce moule avant de devenir professionnels. Un refuge du vélo.
« M. Bedwani est essentiellement bon avec nous. Nous l'aimons tous parce qu'il est vrai », commente Geneviève Jeanson, troisième au monde, sur les traces de « sa copine » Lyne Bessette, et dont le grand objectif est le prochain championnat du monde en Italie.
Autant Geneviève que Czeslaw ont le don d'arracher de rares sourires à Antoine. Mais l'homme de confiance, c'est Cojan, membre du club depuis 21 ans, un bâtisseur de sa renommée.
Luka, qui a marié une Québécoise d'origine marocaine (deux enfants), ainsi que la juge de course Lucette Bergeron (depuis 21 ans), ont le même mot en bouche quand ils parlent de Geneviève : « Incroyable ! Un talent et une volonté qui nous étonnent toujours. »
Tant qu'il y aura un Bedwani avec les Espoirs Laval Naya...
15 août 1994
Mathias Brunet
Antoine Bedwani est probablement l'une des figures les plus pittoresques du cyclisme québécois, et sûrement l'un des hommes les plus dévoués à la cause du vélo au Québec. Ce monsieur dans la soixantaine dirige depuis 25 ans le club Espoirs Laval, le plus important de la province, et probablement du pays, avec la formation Seldane Radiomutuel.
Un passionné comme il s'en fait rarement. Intense, stressé, stressant, papa gâteau, complètement dédié à ses protégés. Prêt à négliger sa santé parfois plus fragile pour la cause de son club. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a quelques années, il a dormi par terre dans le corridor de l'hôtel pour ne pas réveiller les coureurs avec ses ronflements ...
Depuis sa retraite d'un poste de direction d'une succursale de la Banque nationale de Grèce, et surtout depuis le décès de son épouse, l'hiver dernier, le vélo prend toute la place dans sa vie. «La perte de ma femme est difficile, très difficile à vivre. Le cyclisme me garde actif. Je me dévoue à mes coureurs, ils me le rendent bien. Avant, mon épouse prenait soin de moi. Maintenant, je vis seul. Les seniors me rendent des services manuels à la maison, ils surveillent mon alimentation, insistent pour que je prenne du repos.»
M. Bedwani n'a jamais eu d'enfants. Ses coureurs compensent ...
Sans l'appui de ses six entraîneurs et directeurs de club, M. Bedwani, immigré d'Egypte en 1959, n'arriverait sans doute pas à tenir le fort. Mais sans lui, les Espoirs Laval n'auraient pas le succès qu'ils connaissent. Inscription des cyclistes aux courses, planification des transports, recherche de commanditaires, préparation de la bouffe et buanderie lors des compétitions à l'extérieur, M. Bedwani touche à tout. Sans jamais gagner un sou. Il vit de ses régimes de retraite.
Parfois, certains dossiers exceptionnels viennent s'ajouter, comme la menace d'expulsion de Nicolai Razuvayev par Immigration Canada. M. Bedwani a alors joint des fonctionnaires de trois paliers de gouvernement pour régler le problème. Razuvayev devait quitter en mai. Il est toujours en sursis.
M. Bedwani a le sourire plus facile ces temps-ci. Son club connaît une saison exceptionnelle : victoire au classement par équipe au Grand Prix cycliste de Beauce, première place individuelle au Tour du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec Peter Wedge, victoire de Yannick Cojan à la classique Québec-Montréal, gain de Czeslaw Luckaszewick aux Championnats canadiens sur route, premier rang au classement de la Coupe du Québec de Razuvayev à ce jour, idem pour Cojan aux mardis cyclistes de Lachine.
Et si on vous enlevait le vélo M. Bedwani ? Il fait la moue, se passe la main dans les cheveux, fixe le sol, réfléchit, puis lance : «Si on m'enlevait le vélo, je retomberais probablement malade ...»
M. Bedwani est décédé le 16 septembre 2003. Plusieurs personnages lui ont alors rendu hommage sur le FORUM de The Canadian Cyclist. Lisez également Antoine Bedwani Remembered by Roland Green, Michael Barry, Dominique Perras, Eric Wohlberg, etc.
une page mise à jour le 3 octobre 2003 par