VÉLOPTIMUM |
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29 août 2000
MONTRÉAL, 29 août 2000 - Tout de go je vous l’avoue : je viens de me faire un nouveau chouchou. Nicolas Macrozonaris, coureur de 100 mètres. Il est arrivé quatrième aux Championnats canadiens d’athlétisme, qui se tenaient à Victoria, il y a deux semaines, et il a décroché sa place au sein de l’équipe qui ira aux Jeux olympiques de Sydney aux côtés de Bruny Surin et de Donovan Bailey.
Certains sourcilleront : une journaliste doit rester neutre et ne pas avoir de préférences. M’en fous ! Geneviève Jeanson est la chouchoute de combien de journalistes, pensez-vous ? Et Alexandre Despaties ?
Personnellement, j’ai plusieurs chouchous. Quelques-uns en patinage de vitesse, deux en natation, un gymnastique et un autre rencontré au Défi sportif des athlètes handicapés. Entendons-nous : j’ai le plus grand respect pour tous les autres athlètes que j’interviewe. Très souvent, j’éprouve beaucoup de sympathie et je sens que l’amitié serait facile et agréable avec eux. Ne partageons-nous pas la même passion ! Mais… ce ne sont pas des chouchous.
J’irais n’importe quand sur une terrasse déguster une bonne salade avec Caroline Brunet. On pourrait continuer notre conversation entamée à propos de son chum qui a des bras tellement grands que ça lui donne une démarche de ??? Je n’ai jamais su à quoi ressemblait cette démarche parce qu’elle l’a dit en riant et qu’il y avait une queue de journalistes qui attendaient qu’on en finisse de notre rigolade pour avoir eux aussi leur petite entrevue exclusive. Je n’ai pas osé la faire répéter.
Je reprendrais volontiers un café avec les parents de Lyne Bessette, comme la fois où nous l’avons attendue ensemble à Dorval pendant des heures, au lendemain de sa victoire dans l’Aude. N’importe quand j’irais caresser les oreilles et rire des finesses de Jack, le petit chien de Lyne. J’aimerais surtout parler plus longuement avec la cycliste, car, cette fois-là, elle était épuisée par le voyage. Vannée. L’entrevue s’est faite en un temps record : les larmes et les sanglots en raison de la fatigue allaient éclater. Je n’ai pas eu ma ration de Lyne, j’aimerais la connaître plus.
J’irais encore parler de peinture avec Jean Quévillon, ce cycliste paralympique qui gagne les sous nécessaires à son entraînement en vendant les tableaux qu’il peint à Sainte-Adèle. Ce qu’il en a bavé, ce Jean, pour enfin aller à Sydney !
Tout ce beau monde-là, je les aime. Mais… ce ne sont pas des chouchous.
Qu’est-ce qui fait le chouchou ? Aucune idée. Le côté bum de l’un ; le sourire aux dents croches de l’autre ; le rire de l’une et la lueur dans l’œil de la suivante ; la fraîcheur, l’intelligence, la spontanéité, la gentillesse et le talent bien sûr. Brunet, Bessette, Quévillon ont beaucoup de tout ça, mais cela n’en fait pas des chouchous.
Un bec sur le front ! C’est peut-être ça ? L’envie de donner un bec sur le front ferait-il le chouchou ?
Alors là, Nicolas Macrozonaris est un superchouchou ! Je lui donnerais deux becs sur le front. Le premier parce que je l’ai vu anxieux, attendant le résultat de la finale de son 100 mètres à Victoria. Si vous aviez pu voir le regard qu’il jetait au tableau indicateur, tout l’espoir et la crainte qui passaient dans ses yeux vifs, et sa joie quand il a compris qu’il remplissait tous les exigences pour aller à Sydney. Vous auriez fondu, vous aussi. Comme moi. Quel moment que la naissance d’un olympien !
Le deuxième bec, il l’aurait parce que, quand je lui ai demandé s’il restera gentil une fois qu’il sera devenu un grand champion, il n’a pas tiqué sur l’emploi du futur ou du conditionnel de mes verbes. Dans sa tête, il allait être un grand champion. Peut-être pas à Sydney, mais aux Jeux d’Athènes sûrement, dans le pays de ses ancêtres paternels. Quant à la gentillesse, il n’a pas hésité à répondre : «J’ai dit à mon entraîneur, Sylvain Desmarais, de toujours m’avertir si je faisais quelque chose de pas correct. Je veux rester moi.»
Nicolas, c’est comme de la fleur de sel que l’on saupoudre sur une salade de tomate et basilic ; c’est comme un fin vinaigre balsamique que l’on rajoute à la fin de la cuisson des champignons portobellos ; c’est comme du beurre à la sauge fraîche sur des asperges de printemps ; c’est comme de la crème et du sirop d’érable sur des bleuets du lac Saint-Jean...C’est bon et ça fait du bien.
C’est pour ça les deux becs sur le front.
une page mise en ligne le 31 août 2000 par SVP