les "chroniques vélo" |
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11 août 1997
Les vols de vélos
N'écoutez pas les experts ! La meilleure façon de ne pas se faire voler son bicycle, c'est de ne pas le cadenasser.
Je m'en suis fait voler deux, ces dernières années : un beau Cadence TR 200, en 1990 je pense, et un moins beau (pas beau du tout en fait) Supercycle, cet été. Les deux étaient cadenassés.
Le Cadence valait assez cher pour que je signale le vol à la police et que je réclame un petit magot à l'assurance ; le Supercycle valait moins que la franchise (200$) de l'assurance. J'ai encaissé la perte en silence. Snif !
Heureusement, il me reste deux vélos (j'avais des réserves). Mais ceux-là risquent moins de se faire voler puisque, jusqu'ici, j'ai résisté à la tentation de les cadenasser. Ils entrent avec moi, ou je n'entre pas. Ce qui limite évidemment leur utilisation. Et qui me prive du plaisir de faire mes courses à vélo. Résisterai-je encore longtemps ? C'est la question que bien des voleurs de vélos de Montréal doivent se poser.
Passons donc à la deuxième meilleure façon de ne pas se faire voler son bicycle : un ti-bicycle et un gros cadenas. Ou, si vous préférez, un vélo à 10$ avec un cadenas à 75$.
Aucun cadenas n'est invincible, paraît-il. Mais s'acharner sur un cadenas tout en muscles pour une bécane à dix piastres, c'est déjà moins tentant. Cette méthode a aussi ses limites : avez-vous déjà roulé sur un bicycle qui vaut moins cher que son cadenas ?
La troisième meilleure façon ? Un vélo à 400$, 900$, 4000$ si vous voulez ... et une demi-douzaine de cadenas. Lourd ? Ben ou i !
Vélos, tondeuses ...
On rit, mais le vol de vélo est une vraie plaie à Montréal. Combien s'en vole-t-il ? impossible de le savoir de façon précise puisque désormais, pour des raisons d'économie, la police assimile les vols de vélos à des «vols de 5000$ et moins». Avec les tondeuses à gazon et les chaises de parterre.
«Par année, pour toute la Communauté urbaine de Montréal, j'irais vers le 4000-5000», nous dit tout de même Yvon Demers, enquêteur à la section police-jeunesse du SPCUM. Il y a quelques années, quand on tenait des statistiques précises (et qu'il se volait plus de vélos), on a atteint des plateaux de 6000 vols.
Les vols surviennent souvent dans le centre-ville, dans le coin de 1'UQAM, autour des places des différents festivals.
Beaucoup de junkies, selon le policier Demers. «Des types qui vont en voler trois ou quatre dans une journée pour se payer un gramme de coke.»
D'un vélo de 300-400$, par exemple, ils vont tirer 50$. Le receleur, lui, pourra le revendre autour de 175$. Où ? Souvent à la brasserie. «Il y a des brasseries où tu peux acheter n'importe quoi», signale l'enquêteur Demers. Certains brocanteurs et autres prêteurs sur gages ne cracheraient pas, eux non plus, sur les vélos volés.
Mais les junkies ont le dos large. Parce que selon le policier, bon nombre de vols sont, dans les faits, des fraudes d'assurance. D'honnêtes citoyens, qui ont bien, dans leur jeunesse, fumé un joint ou deux - sans respirer, cela va de soi -, se payent ainsi des vélos à 500$, 700 $ et 1000 $ pour le prix de leur franchise d'assurance : 200$
Acide et soucoupes volantes
Comment vole-t-on un vélo ? Dans la majorité des cas, on utilise la force physique, selon la police : coups de marteau, barre à clous, 2X4 ...
Des fois, le voleur va plutôt s'attaquer à l'objet (clôture, poteau) auquel le vélo est attaché. Plusieurs bicycles se font aussi voler dans des cours, des cabanons mal protégés, des casiers d'immeubles d'habitation, sur des balcons, des toits d'autos.
«À part ta chambre à coucher, il n'y a pratiquement aucun endroit sûr», précise l'expert de police-jeunesse.
Et l'acide ? Combien de fois vous êtes-vous fait dire que les voleurs venaient à bout de cadenas avec de l'acide ?
Le policier Demers n'y croit pas. «L'acide, dit-il, c'est un peu comme les soucoupes volantes : beaucoup en parlent, mais peu en ont vu.»
Des fois, les voleurs sont plus audacieux. Ainsi, il y a quelques années, des brigands, avec la complicité d'un employé, s'étaient emparés de vélos très chers dans une boutique réputée de Montréal. Ils s'étaient fait prendre.
Mais la police n'est pas toujours aussi vigilante. En rentrant chez lui, l'an dernier, André trouve un beau vélo - pas jeune, mais monté Shimano 600 - accoté à sa maison. Ne sachant trop quoi faire, il le laisse là. Un jour, deux, trois...
«Le vélo était partiellement caché par des arbustes», explique-t-il.
Au bout de quelques jours, personne n'étant venu le chercher, le brave homme appelle la police de son secteur. «Téléphonez au 911», se fait-il répondre. Aussitôt dit ... «On va vous rappeler», lui dit-on au 911.
Le printemps dernier, André attendait toujours. Il rappelle la police, attend... puis se tanne. Il repeint le vélo, le fait régler et le garde.
«C'est vraiment un très bon vélo», me confiait-il récemment.
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