les "chroniques vélo" |
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18 juillet 1997
«Beau chien ! Beau chien ! Regarde la pompe !»
Je roule à la campagne. Le plus sympathique petit rang. Avec des vaches, des marguerites et tout. Mais là, à 200 mètres, une maison m'inquiète. Une maison ? Non. Une forme sombre devant une maison. Un baril vide, une roche ... un chien ?
Cent mètres, la forme a bougé ! Me semble ... Je la fixe, elle ne bouge plus. Cinquante mètres, vingt mètres ... Ouf ! C'était une poubelle vide.
Je respire ... Mais qu'est-ce que je vois, là, devant ? Une boîte aux lettres ... un chien ? Ce qu'on s'amuse à vélo !
Avez-vous peur des chiens ? Moi non plus. Sauf à vélo.
Combien de fois me suis-je fait poursuivre ? Huit, dix, douze fois ? Gros max ! Mais combien de fois ai-je pensé apercevoir un chien au haut d'une côte ? Combien de fois me suis-je demandé si le toutou devant la maison rose était attaché ?
Pas plus souvent qu'Anne-Marie Brault, une biologiste de 33 ans qui a quadrillé le Québec et des grands pans du Canada à vélo. «Les chiens, me dit-elle, ça gâte mon plaisir, c'est rendu que j'aime mieux côtoyer les autos !»
Il y a quelques années, un chien qui la poursuivait l'a fait chuter. Un camion l'a évitée de justesse ...
«J'ai un peu moins peur qu'avant, dit-elle tout de même. Mais j'hésite encore à emprunter les petites routes peu fréquentées. Et si j'ai rencontré un chien à l'aller, je ne veux plus revenir par le même chemin.»
Son copain, Yves Du Sablon, proprio de la boutique Vel'Aube, avenue de Lorimier, comprend cette peur, mais ne la partage pas. «C'est très, très rare qu'un chien va te mordre», dit-il.
- Que fais-tu quand tu es poursuivi ?
- En général, j'accélère. Si le chien me rattrape, je lâche un méchant WAC. Ça le fait s'arrêter. D'autres fois je m'amuse : je laisse le chien s'approcher, j'accélère, je ralentis ... D'autres fois je lui lance de l'eau sur le museau. Et s'il est vraiment agressif, je descend, j'installe mon vélo entre lui et moi et je m'éloigne.
Une machette
Michel Labrecque, président du Groupe Vélo et grand cyclotoureur - il a cyclé un peu partout sur la planète - ne freake pas lui non plus sur les chiens.
«Surtout, dit-il, ne pas décamper. Parce que si le chien se met entre toi et ta roue ... Un doberman ? Un malamute ? Tu roules au pas, pour voir s'il va ou non te sauter dessus. Ça te permet d'évaluer la situation, de voir si le maître du chien est autour. Et si c'est vraiment à tes mollets que le chien en veut, tu débarques et tu te sers de ton vélo comme d'un bouclier.»
- Un coup de pompe sur le museau ?
- Ou du poivre de Cayenne, ça marche. J'ai même connu un type qui transportait une machette dans un étui fixé à son vélo ...
En famille - parce que Michel Labrecque fait beaucoup de vélo avec sa blonde et ses enfants -, c'est autre chose. «Au Vermont, l'autre fois, j'ai dû me placer entre les enfants et un chien. Aux enfants, je disais : «Continuez de rouler !» Et au chien : «Beau chien! T'es un beau chien !»
Il rit. «La joke, c'est des cyclistes qui passent devant un gros chien et qui commencent par lui dire : «Beau chien ! T'es un beau chien... Pis t'es attaché mon crisse !»
S'il n'a pas peur des chiens, Michel Labrecque dit s'être senti mal à l'aise en présence de chiens dans l'ex-Europe de l'Est. «À l'entrée des villes, il y avait souvent des grands champs de vidanges où rôdaient des chiens sauvages. Je me demandais toujours s'ils avaient la rage.»
Instinct territorial
Pourquoi les chiens poursuivent-ils les cyclistes ?
«Ça correspond à leur instinct territorial», répond le Dr André Dallaire, prof à la faculté de médecine vétérinaire de l'UdM, à Saint-Hyacinthe, et spécialiste en comportements animaux.
«La plupart des chiens ne sont pas agressifs», dit-il. Ils se contentent de marquer votre intrusion dans leur territoire en aboyant.»
Pour le Dr Dallaire, la meilleure façon d'aborder un chien qui jappe ou qui s'approche, c'est de l'ignorer. «Généralement, ça le calme.» Mais il admet que pour un cycliste qui a peur des chiens, ignorer Brutus, c'est plus facile à dire qu'à faire ...
À éviter : fixer la bête dans les yeux. «Regarder un chien dans les yeux, c'est comme le défier. Entre chiens, le regard a beaucoup d'importance, c'est une façon d'exprimer sa domination.»
- N'est-ce pas alors une façon d'intimider le chien, de le faire reculer ?
- S'il accepte d'être dominé ... Mais ça peut aussi l'inciter à affirmer sa domination sur vous.
Essayer de repousser le molosse avec la jambe ? Pas génial selon le Dr Dallaire. «Ça peut déclencher une réaction agressive chez le chien.»
Crier ? Utiliser un appareil à ultrasons ? «Ça peut comporter un effet de surprise, le chien s'arrête pour s'interroger... Mais l'effet est limité dans le temps.»
Se servir de son vélo comme d'un bouclier ? «Oui, mais en restant calme.»
Le chien qui aboie beaucoup est généralement moins dangereux, il maintient une certaine distance. S'il vous court après en silence, c'est plus inquiétant. Mais encore là, selon le Dr Dallaire, il faut distinguer entre une course ludique et une course agressive.
«Quand il veut jouer, le chien court de manière bondissante ; quand il est agressif, sa course est beaucoup plus franche.»
- Beau chien! Beau chien! Regarde la belle pompe : PAF !
- Kai ! Kai ! Kai ! Kai...
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