les "chroniques vélo"
de Paul Roy

27 juin 1997

Circuit «pépère»

C'est le circuit le plus «pépère» en ville : quatre bouts de rues avec un parc au milieu. Distance : 1,6 kilomètre - un mille si vous le parcourez en Chevrolet 76. C'est large, asphalté et plat comme FaSiLa Chanter. Et le mardi soir, l'été, c'est fermé aux autos. Juste des bicycles !

Vous avez 103 ans, un souffle au coeur, et vous brûlez de connaître ce parcours que vous imaginez découpé exprès pour vous? Eh bien, voici : c'est le quadrilatère formé par la l0e Avenue, la rue Saint-Antoine, la 16e Avenue et la rue Victoria, à Lachine. Au milieu, c'est le parc LaSalle.

De Montréal, vous pouvez prendre la piste cyclable du canal de Lachine jusqu'au boulevard Saint-Joseph, puis à droite sur la l0e Avenue. En passant, n'oubliez pas votre licence de coureur... Parce que le circuit «pépère» que je vous propose aujourd'hui, c'est celui des Mardis cyclistes de Lachine, qu'empruntent dix fois par été les meilleurs coureurs cyclistes du Québec. Un critérium que ça s'appelle. Lors de la course principale de la soirée, un peloton de 90 coureurs fait ainsi le tour du parc LaSalle 25 fois (distance totale : 40 kilomètres) à une vitesse moyenne frisant les 50 km/h !

Les 100 virages à 90 degrés arrivent vite. Et les coureurs s'y précipitent roue dans roue, épaule contre épaule.

«Ça frotte beaucoup à l'intérieur du peloton, nous dit Fabien Bergeron, 25 ans, membre de l'équipe Everfresh Radio-Énergie. Les premières fois, quand je suis débarqué de Chicoutimi, je trouvais ça pas mal stressant.»

Les premières fois ... et encore aujourd'hui. Plusieurs coureurs, certains comptant 10 ou 12 ans d'expérience, avouent avoir peur à Lachine.

Sylvain Beauchamp, 24 ans, lui aussi coureur pour Everfresh Radio-Énergie, dit la ressentir, cette peur, quand il entend la cloche annonçant un sprint. «Il faut éviter de penser, dit-il. C'est comme à un feu jaune, tu y vas ou tu y vas pas ; si tu hésites, c'est là que ça devient dangereux.»

Les coureurs des Mardis de Lachine sont des amateurs. Mais plusieurs d'entre eux courent en Europe tout l'hiver et roulent entre 24 000 et 26 000 kilomètres par an. Ce sont des athlètes de haut niveau... qui se rasent les jambes comme des demoiselles.

«On se rase pour trois raisons, explique Sylvain Beauchamp : ça facilite les massages, ça prévient les infections en cas de chute, et ça facilite la dépose de bandages.»

- Tombez-vous souvent ?
- On dit qu'un coureur tombe deux fois par an. Plus que ça, tu peux commencer à te poser des questions.

Les cyclistes redoutent avant tout les fractures. Fabien Bergeron : «On peut se brûler (en glissant sur l'asphalte), mais une fracture et c'est ta saison qui est compromise.»

François Thibodeau, 22 ans, un coureur «sénior 2», en est à sa première année à Lachine. «C'est la grosse course, à Montréal. Je me rends compte que j'ai encore beaucoup d'expérience à prendre.»

- Stressant ?
- Pour moi, oui.
- As-tu peur ?
- C'est sûr. Quand tu te pointes sur la ligne de départ et que ça décolle ...
- Et les virages ?
- Faut pas que tu y penses, tu suis le peloton.

Les Mardis sont une institution à Lachine. Fondés en 1978 par Joseph Tino Rossi - il en est toujours le PDG -, ils attirent chaque semaine quelques centaines de spectateurs.

Des connaisseurs, mais aussi des familles du coin, qui donnent à l'événement des airs de fête de village. Il y a un annonceur maison, un clown, des tirages, un podium et des personnalités invitées qui viennent remettre leurs prix aux vainqueurs. Cette année, le total des bourses atteint 20 000$.

- Donc, récapitulons : si vous avez un souffle au coeur, le circuit «pépère» décrit ci-haut n'est pas pour vous. Pas le mardi soir, en tout cas !

Par contre, installez-vous le long du parcours - c'est gratis - et sentez sur votre peau la brise que produisent 90 coureurs filant en peloton serré. Écoutez le sifflement que font 180 pneus roulant à 47, 48 km/h. Admirez l'habileté de ces athlètes qui se frôlent sans tomber (la plupart du temps ... ) virage après virage.

Et une fois parti, allez-y en vélo - du Vieux-Port, ça donne une quinzaine de kilomètres. Sans vous presser, pépère.


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