les "chroniques vélo"
de Paul Roy

30 juin 1997

Vitesses 101

Oh, le beau vélo ! Combien de vitesses ?
- Quatorze.
- Juste 14? Ah...

Toujours la même question, toujours cette déception palpable en entendant la réponse.

Comme s'il n'y avait que les vitesses ! A-t-on vraiment besoin de 21 ou de 24 vitesses - ou même de 14 - pour écumer les pistes cyclables, comme se contentent de faire la majorité des cyclistes ?

Il y a quelques années, Ghislaine avait étrenné son nouveau vélo avec quelques amis dont j'étais. Petite balade relaxe, terrain plat. Constatant qu'elle avançait à peine en moulinant comme un moteur de Williams-Renault - genre 15 000 tours/minute -, je lui ai signalé qu'elle utilisait le mauvais plateau : le petit, alors qu'elle avait intérêt à utiliser le moyen, celui du milieu.

- Un plateau ? Où ça ?

Ghislaine avait acheté un vélo à 18 vitesses, mais n'en utilisait que six. Et les mauvaises ! Elle avait bien remarqué la manette de droite, celle qui fait passer la chaîne d'un pignon à l'autre (les pignons sont ces petites rondelles dentelées fixées au moyeu de la roue arrière). Mais la manette de gauche, celle qui fait passer la chaîne d'un plateau à l'autre (les plateaux sont ces grandes rondelles dentelées fixées au pédalier), ni vu ni connu.

Carmel me confiait l'autre jour : «Les plateaux ? Ah, moi j'touche pas à ça, j'trouve ça assez stressant !»

Les côtes, le vent
Commençons donc par le commencement : à quoi servent les vitesses sur un vélo ? Les petites vitesses (les plus faciles) aident à monter les côtes ou à affronter le vent ; les moyennes sont celles qu'on utilise généralement sur le plat dans des conditions normales ; et les grosses (les plus difficiles) nous aident à accroître notre vitesse dans les descentes ou avec un vent de dos. Le plus petit plateau combiné au plus grand pignon donne la vitesse la plus facile ; le plus grand plateau combiné au plus petit pignon donne la vitesse la plus difficile.

En ville ou sur le plat, le plateau du milieu est celui qu'on utilise le plus. On se contente alors de changer de pignon (à l'arrière) selon l'effort requis. En fait, on a très rarement besoin de plus de trois vitesses en ville - une seule suffit même souvent amplement. Le problème, c'est que depuis quelques années, la plupart des vélos arrivent déjà équipés de trois plateaux qui donnent 18 (3 X 6), 21 (3 X 7) au 24 (3 X 8) vitesses.

Vitesses à rabais A-t-on besoin de toutes ces vitesses ? Des fois oui, souvent non. Mais souvent également, on n'a pas le choix. Suzanne Lareau, PDG du Tour de l'île, dit avoir entendu un marchand vanter ainsi un vélo qu'il tentait de vendre à un client : «C'est un 21 vitesses au prix d'un 3 vitesses !»

«En achetant des vitesses à rabais, les gens ont l'impression de faire un deal», commente-t-elle.

Mme Lareau a donné moult sessions de formation en mécanique vélo en plus de publier, dans les années 80, un ouvrage intitulé Les hicks dee la mécanique. Son vélo, qui l'a menée sur quelques continents, elle l'a monté elle-même à partir d'un cadre fabriqué selon ses spécifications. Les vitesses, elle connaît.

«Les vitesses, pour les gens, c'est mystérieux. Pourtant, quand tu commences à comprendre, tu viens de te faciliter la vie.»

Pour rouler longtemps sans trop se fatiguer, explique-t-elle, il faut mouliner au rythme dé 60 à 80 révolution par minute. Comment calculer ? Comptez le nombre de fois que votre genou (n'importe lequel) se retrouve à la position élevée. Faites l'exercice durant 15 secondes et multipliez par quatre. Si le résultat se situe entre 60 et 80, continuez, vous êtes sur la bonne voie. Par contre, si vous moulinez à 40 révolutions/minute, vous utilisez une vitesse trop dure. Changez de braquet ! Descendez de votre grand plateau ou utilisez un plus grand pignon.

Une côte ? Pas de panique ! Attaquez-la ! Mais attendez que ça monte avant de changer de vitesse. Et allez-y progressivement, descendez d'une vitesse à la fois. Ne sautez pas tout de suite sur votre petit plateau.

Oups ! Une descente : c'est peut-être le temps d'essayer votre grand plateau. Mais, encore une fois, pas tout d'un coup. Explorez d'abord les possibilités que vous offrent vos pignons à l'arrière.

Pour être à l'aise avec vos vitesses, Suzanne Lareau vous suggère de les explorer, d'apprendre à les connaître. «Quand on sait s'en servir, dit-elle, les vitesses, c'est miraculeux !»

Développement
Développement : distance développée par un tour de pédale d'une bicyclette - Petit Robert 1
Le développement varie en fonction du braquet que vous choisissez - La Presse.

Exemple : avec des roues de 700 centimètres de diamètre et des plateaux de 28, 38 et 48 dents, votre petit pignon de 14 dents va vous faire parcourir respectivement 4,20 mètres, 5,70 mètres et 7,20 mètres à chaque tour de pédale. Votre grand pignon de 30 dents, lui, va vous faire parcourir 1,96 mètre, 2,66 mètres et 3,36 mètres.

Ce qu'il faut savoir, c'est que plus la distance parcourue est grande, plus l'effort est intense. Ainsi, si vous attaquez le mont Mégantic, à moins d'être un cycliste chevronné, vous risquez de devoir utiliser le braquet 28 X 30, c'est-à-dire votre plus petit plateau, celui de 28 dents, et votre plus grand pignon, celui de 30 dents.

Chaque tour de pédale vous fera alors parcourir 1,96 mètre. C'est lent, mais c'est moins forçant. Pour descendre, utilisez votre braquet 48 X 14, qui vous fera progresser de 7,20 mètres par coup de pédale. En fait, pour descendre le mont Mégàntic, oubliez de pédaler. Et serrez bien vos freins !


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