les "chroniques vélo" |
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4 août 1997
Essuyez-vous les pieds
Si Claude Lajoie vous voyait pédaler, des fois, il vous dirait : «Essuyez-vous les pieds !»
Et ce n'est pas à son tapis qu'il penserait. Il n'en a d'ailleurs pas, de tapis, dans sa microboutique de la rue Notre-Dame, à Nicolet. Juste des vélos (des beaux !) et tout ce qui va avec : jantes profilées, fourches ... Ça s'appelle Vélozone.
Pourquoi s'essuyer les pieds alors ? Pour avoir un plus beau «coup de pédale». Plus beau et, vous l'aurez compris, plus efficace.
«Beaucoup de monde pédale en triangle, explique-t-il. Ils poussent, puis ils tirent. Mais quand la pédale arrive au bas de sa course, ils négligent de continuer le mouvement, de "s'essuyer les pieds".»
Peut-être leur selle est-elle trop haute. Comment savoir ? Facile : on mesure l'entrejambes (pieds nus) et on multiplie par 107%. Si vous avez 80 centimètres d'entrejambes, le dessus de votre selle devrait se trouver à 85,6 centimètres du centre de l'axe de votre pédale, la manivelle placée parallèlement au tube de selle.
Cette règle n'est pas absolue. «Il faut aussi tenir compte de variations dans les charpentes, d'un individu à l'autre.»
Également, un coureur de critérium, qui doit travailler davantage en puissance qu'en souplesse, va chercher à positionner sa selle plus haut. Il pourra alors calculer 109% de son entrejambe.
Aérobie-anaérobie
Claude Lajoie, 34 ans, est plus qu'un marchand de bicycles. Coureur sénior, sur route et en montagne, il prépare une maîtrise en activité physique à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Son sujet : le «seuil anaérobie, plus précisément, le passage de la zone aérobie à la zone anaérobie.
«Mon objectif est d'augmenter la puissance d'un athlète. Je travaille donc à découvrir une puissance critique à laquelle il n'accumule pas d'acide lactique dans son organisme.»
Vingt fois sur le métier, donc, Claude Lajoie mesure l'acide lactique dans le sang de ses sujets d'étude. Entraîneur privé, il élabore également des programmes d'entraînement et fait le suivi à l'année pour une quinzaine de clients.
- Des coureurs ?
- Et aussi des cyclosportifs qui veulent s'améliorer.
À l'aide de son «computrainer», il mesure le «wattage» ou, si vous préférez, la puissance produite par un cycliste dans différentes situations d'effort. Objectif : le rendre plus économique, le faire produire davantage avec ses qualités physiologiques propres.
On lisait, dans La Presse de lundi dernier, que Jan Ulrich, vainqueur du Tour de France cette année, produisait 490 watts à l'effort. Selon Claude Lajoie, un simple mortel bien entraîné en produit de 250 à 300 en une heure.
Et la position sur le vélo ? Capitale, selon notre expert, qui est un adepte du «Fit Kit», un système servant, à l'aide d'instruments et de tableaux, à déterminer la position idéale d'un cycliste sur son vélo.
«Le Fit Kit, pour moi, c'est une base. Je ne peux pas m'en passer. Mais je complète servant de mes connaissances et de mon expérience, parce qu'il faut respecter les particularités propres à chaque cycliste.»
Et ses priorités : on n'ajustera pas le vélo de la même façon, par exemple, si le client est «un sportif» ou un «compétiteur».
Blessures
Mais dans un cas comme dans l'autre, une bonne position, sur un vélo à sa taille, permet une meilleure efficacité mécanique en plus de prévenir les douleurs - et parfois les blessures - au cou, au dos, aux genoux, aux tendons ...
Ainsi, une selle trop basse peut entraîner une douleur sur le devant du genou ; une selle trop haute peut entraîner une douleur derrière le genou, là où ça plie.
L'an dernier, j'ai ainsi dû, à tâtons, déplacer verticalement ma selle à plusieurs reprises avant d'en trouver la position idéale. Résultat, mesuré cette semaine par Claude Lajoie : je l'avais fixée à 82,8 centimètres de hauteur, soit ... 107% (et quelques poussières) de la longueur de mon entrejambes, qui est de 77 centimètres.
Les autres paramètres sont l'avance ou le recul de la selle - selon la longueur du fémur -, la hauteur et la largeur du guidon - selon la longueur du torse, des bras, et la largeur des épaules -, la longueur de la potence et de la manivelle et le positionnement des pieds sur les pédales.
Selon Claude Lajoie, beaucoup de blessures aux genoux sont occasionnées par une mauvaise position des pieds sur les pédales. «Si l'angle est mauvais, le genou n'est plus dans son axe naturel», explique-t-il. Imaginez 80 rotations/minute durant trois heures avec des genoux désaxés !
Le Fit Kit est-il indispensable ? On pourrait croire que non puisque quelques autres commerçants seulement - dont Cycles Gervais Rioux à Montréal et André Cycle et Sports à Longueuil - l'utilisent.
«Il existe diverses autres méthodes, certaines empiriques, répond Claude Lajoie.
Selon Gervais Rioux, une personne d'expérience peut, sans Fit Kit, vous positionner très bien sur votre vélo. «Il s'en est vendu, des vélos, avant le Fit Kit ... Un gars comme Marinoni (le fabricant de vélos) a toujours refusé de s'en servir. Et personne ne l'accusera de ne pas s'y connaître.»
Mais là où Gervais Rioux trouve le système presque indispensable, c'est dans le positionnement des cales des pédales, encore plus avec les pédales automatiques. «Les cales, c'est ça son point fort.»
Une séance de Fit Kit est une affaire d'une à deux heures et coûte dans les 45$, 50$.
Au fait, si vous n'avez mal nulle part et si vous vous sentez bien sur votre vélo, restez-y. «Faut être technique, mais faut pas virer fou», suggère Claude Lajoie.
De même, un bon positionnement ne réglera pas tout. «La condition physique aussi fait une différence. Une grosse bedaine, c'est une recette à maux de dos ...»
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