les "chroniques vélo"
de Paul Roy

4 juillet 1997

Pieds devant

J'appréhendais le jour où je partirais les pieds devant. J'imaginais le corbillard, les fleurs, les limousines, les dignitaires, la foule ...

Tout compte fait, ça s'est assez bien passé. C'était vendredi dernier et, non, je n'étais pas étendu dans un cercueil à 100 $, mais bien sur un Quetzal à 2000$, un vélo à position allongé, que certains appellent aussi «réclinant», et que les Anglais appellent «recumbant.»

Le Quetzal, du nom d'un oiseau du Mexique et d'Amérique centrale - c'est aussi le nom de l'unité monétaire principale du Guatemala -, a été conçu il y a quelques années chez Marseille Bicycle, une boutique de vélo de l'est de Montréal. Il est fabriqué depuis deux ans chez Procycle, à Saint-Georges-de-Beauce.

Long cadre en aluminium, siège inclinable et ajustable muni de coussins d'air, pneus d'un pouce et demi de largeur sur des roues de 16 pouces de diamètre à l'avant et de 20 pouces à l'arrière, il est équipé de trois dérailleurs qui donnent 105 vitesses (trois plateaux à l'avant, cinq pignons au centre et sept autres pignons à l'arrière). Faites le calcul !

«C'est un vélo fait pour ceux qui en ont assez d'avoir mal aux fesses, aux poignets, au cou et au dos», m'avait expliqé Denis Brown, proprio de Marseille Bicycle et partenaire dans l'aventure Quetzal.

Le Quetzal n'est pas le seul vélo à position allongée. Aux États-Unis, il en existe une trentaine de marques. Certains sont conçus pour la vitesse mais le Quetzal, lui, est conçu pour le confort.

«C'est un vélo de route pour monsieur Tout-le-Monde, me dit Denis Brown. Des vélos (conventionnels), j'en vends depuis 30 ans et, depuis 30 ans, j'entends des clients me dire qu'ils ont mal ici ou là. Ils passent 1eur temps à changer de selle, de guidon, rien n'y fait. Ils finissent par se tanner et le bicycle ne sort plus du garage.»

Le ministre d'État à la Métropole, Serge Ménard, a un Quetzal qu'il a «sorti du garage» pour le Tour de 1'île, il y a quelques semaines.

La position allongée n'est pas nouvelle. Elle existait déjà il y a une centaine d'années. Vers 1930, un Français du nom de François Faure abattait plusieurs records de vitesse au guidon d'un vélo à position allongé. Cela amena l'Union cycliste internationale à bannir ce type de vélo des compétitions, bloquant par le fait même son développement.

Selon ses adeptes, le vélo à position allongée est plus aérodynamique, plus confortable, procure un entraînement plus complet et sollcite d'avantage de muscles que le vélo traditionnel. Il fait entre autres d'avantage travailler les muscles de l'arrière des cuisses et des fesses.

Il y a un ou deux ans, lors du Grand Tour, un participant m'avait confié que la position allongé lui avait permis de refaire du bicycle malgré ses problèmes de dos.

En plein trafic !
Muni de toutes ces informations, je m'attendais à tomber en amour avec le Quetzal. J'essayais d'imaginer combien je pourrais tirer de mon cyclosportif et de mon vélo de montagne, je comptais mes sous. Je ne les compte plus.

D'abord, en quittant Marseille Bicycle, je me suis retrouvé en plein trafic du vendredi après-midi. Or, le Quetzal est bas et large ... Qui plus est, je partais à zigzaguer à chaque fois que je relâchais le guidon pour me gratter le menton. Question d'habitude ? Toujours est-il que ma sueur n'était pas causée que par la canicule. Heureusement, les automobilistes, sans doute intrigués par ma machine, me doublaient avec circonspection.

Arrivé à la maison, une autre déception m'attendait : le Quetzal, avec ses six pieds de longueur et ses 39 livres (je l'ai pesé), ne raffole pas des troisièmes du Plateau. J'aurais apprécié l'aide du Clan Panneton pour le hisser là-haut.

Une fois accoté sur le foyer, par contre, il avait belle allure.

- Qu'est-ce que c'est ? Y a-t-il un handicapé dans la maison ? m'a demandé Johanne en l'apercevant.

Hugo, lui, était plutôt admiratif. Il examinait les dérailleurs (STX-RC et Alivio), les manettes (Grip-Shift 400), les freins ... Nous sommes partis à trois faire un essai au parc Lafontaine.

«Génial pour les cuisses !» s'est exclamée Johanne, pour qui, jusque-là, l'évolution du bicycle s'était arrêtée à son Mikado Gaspé. Hugo, plutôt conservateur lui aussi, n'en finissait plus de tournailler dans le parc, manifestement ravi.

Lundi, j'ai emprunté la piste cyclable du canal de Lachine. Aller-retour, une ballade d'un peu moins de 40 kilomètres qui m'a laissé sur mon appétit. Le Quetzal m'est apparu moins rapide qu'un vélo conventionnel. Il demande aussi une plus grande attention, sa petite roue avant rendant l'ensemble pas mal plus nerveux.

Selon Denis Brown et quelques autres adeptes, avec l'habitude, on en vient à rouler aussi vite sur un Quetzal que sur un bon cyclotouriste. Hugo le croit, je reste sceptique ...

Chose certaine, en montée, on est désavantagé. Pas vraiment plus difficile, mais moins vite. En descente, par contre, avec les 105 vitesses, ôtez-vous de là !

Version cyclosportive
M. Brown dit travailler sur une version cyclosportive (avec un cadre plus rigide et des roues plus étroites) qui pourrait voir le jour d'ici une couple d'années. Le mur du son n'a qu'à bien se tenir !

Côté sécurité, il prétend qu'on peut facilement se rendre plus visible avec un drapeau à l'arrière. Et si une portière d'auto s'ouvre inopinément devant lui, il dit préférer être assis sur un Quetzal, les pieds devant, que sur un coursier... la tête devant !

Le Quetzal que j'ai essayé coûte 1999$. D'autres modèles, en cromoly, sont offerts à partir de 950$.

Conseil : essayez avant d'acheter - au cas où vous n'aimeriez pas ... (Des boutiques, dont Marseille Bicycle, offrent le Quetzal en location avec option d'achat.)

Et déménagez au rez-de-chaussée !

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Pour savoir si le ministre Serge Ménard aime toujours son Quetzal, cliquez ICI !


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