les "chroniques vélo"
de Paul Roy

10 avril 1999

Pour inaugurer la saison cycliste 99, La Presse s'est rendue en Virginie, où Marc Dufour,
«pdg» du groupe Centrifuge, tient un camp d'entraînement pour cyclosportifs québécois.
Paul Roy vous raconte ce qu'il y a observé.

L'échappée !

Paul Roy

Stuarts Draft, Virginie
Le terrain de jeux, ce jour-là: le Blue Ridge Parkway. Trois parcours nous étaient proposés: un de 125 kilomètres avec trois solides ascensions; un de 100 kilomètres avec deux solides ascensions; un de 75 kilomètres avec une solide ascension. Les trois finissaient par deux descentes, les mêmes: deux beautés !

J'ai choisi le parcours le plus court. Par modestie, mais aussi pour rouler avec cinq des membres de l'équipe féminine du Québec, dont c'était aussi le choix. Cinq filles de 15 ans (catégorie cadette) à 19 ans (catégorie sénior), qui courent depuis cinq, sept, neuf ans... Ce jour-là, leur entraîneur les avait confiées à Lyne Bessette, la médaillée d'or des Jeux du Commonwealth de Kuala Lumpur.

Journée idéale : 20, 22 degrés, du soleil et des nuages. Au menu de notre parcours : plus ou moins 20 kilomètres principalement de montée, plus ou moins 30 kilomètres principalement de descente, une descente en lacets d'une douzaine de kilomètres et, pour finir, une section très valonnée d'une dizaine de kilomètres.

Dès le début, une succession de longues côtes. J'ai roulé dans le peloton quelques kilomètres avant de commencer à «pomper». Et à perdre du terrain. Je devais être à une centaine de mètres derrière quand Lyne Bessette a fait remarquer à Marie-Josée Dufour, de Rivière-du-Loup, que sa selle était trop basse. Les deux ont défourché, le temps de procéder à l'ajustement. Les autres filles les ont imitées.

Ma chance ! Allais-je tenir 100 mètres, 200 mètres, trois kilomètres ? J'ai foncé.

Du revers de mon gant, j'ai essuyé la sueur sur mon front, j'ai passé 42 x 19 et je me suis installé en danseuse. Soudain, j'étais Pantani, l'Aigle (mais pas chauve) !

Le paysage était à couper le souffle. C'est pourquoi j'évitais de m'y attarder. Est-ce qu'Indurain, quintuple vainqueur du Tour de France, regardait le paysage quand il hissait ses 80 kilos au sommet de l'Alpe d'Huez, année après année ? Est-ce que Greg Lemond regardait le paysage quand il est entré sur les Champs Élysées - et dans le maillot jaune de Laurent Fignon ! - dans le contre-la-montre final de l'édition 1989 du Tour ? Je vous le demande.

Mon «échappée» a duré... 32 kilomètres ! Parvenu à l'intersection de la route 814, qui devait nous ramener du ciel à la terre ferme, j'ai accoté mon vélo contre le panneau indicateur, enlevé mon casque et essuyé toute trace de sueur. J'avais l'air du gars qui attend depuis une demi-heure. Trois minutes et le peloton était là.

Après la douche, j'ai bavardé un moment avec Marie-Claude Lafond, 18 ans, de Saint-Hyacinthe ; Catherine Pouliot-Bernard, 17 ans, de Québec ; Florence Hamel, 15 ans, de l'Île d'Orléans ; Myriam Desrosiers, 18 ans, de Repentigny ; Emmanuelle Dubé, 19 ans, de Chicoutimi ; Marie-Josée Dufour, 19 ans, de Rivière-du-Loup. Elles s'étaient préparées à ce camp en faisant du vélo stationnaire et de la musculation tout l'hiver. Elles ont aimé la qualité des routes virginiennes et la beauté du paysage.

- Vous regardez le paysage ? !
- Certainement, on n'est pas comme les gars, on sait rouler (rires) !
- Vous êtes-vous tout de même bien entendues avec eux (les gars) ?
- Oui, mais ils nous trouvent fatigantes avec le lavage...


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