Paul Roy, cycliste |
---|
Asclépiades et chicorées
Paul Roy
Lennoxville
«Il y avait des chicorées sauvages. Quelques asclépiades encore en floraison mélangeaient leur parfum suave et sucré aux trèfles et au foin fraîchement coupé.»
Je ne sais pas décrire la nature, les paysages. Je ne connais ni les plantes ni les arbres, qui me le rendent d'ailleurs fort bien. Aussi, ces observations du début sont-elles d'André Lemieux, avec qui j'ai roulé toute la journée d'hier entre Magog et Lennoxville.
Je ne sais pas décrire la nature et les paysages, mais je sais reconnaître une journée bénie. Celle d'hier en était une : 105 kilomètres de ravissement !
Départ de Magog un peu avant 8 h sous une brume fraîche qui s'est évanouie trop tôt. La route nous a d'abord menés à Georgeville, puis Fitchbay, Beebe Plain - où les autos arborent des plaques du Vermont d'un côté de la rue principale et des plaques du Québec de l'autre -, Rock Island, Stanstead, Ayers'Cliff, Hatley, Compton, Waterville et, finalement, Lennoxville.
Du début à la fin, nous en avons eu plein les lunettes. Longé les lacs Memphrémagog et Massawipi, traversé des vergers et vu des montagnes, des fermes, des fermes et encore des fermes. Et des côtes ! Des costaudes, qui ont forcé plus d'un cycliste à user ses souliers. Mais aussi des grands bouts vallonnés, où les montées et les descentes se succèdent à une telle allure qu'il nous est arrivé de monter sur l'élan de la descente précédente. L'impression de se faire déposer au dernier étage par l'ascenseur. Tout n'était pas rose, cependant. Le ciel, par exemple, était bleu d'un bout à l'autre. De sorte que le soleil, qu'aucun nuage ne venait cacher, devait se pourlécher en voyant ces 2032 clients potentiels d'un seul coup. «Cancers de la peau à vendre ! Une cataracte avec ça ?» Brrrrr !
Parlant de peau, Steve Murray, 22 ans, avait mal à la sienne, sur l'heure du midi. Une heure plus tôt, il descendait une côte à bonne allure quand il aperçoit une femme, devant lui, qui avait oublié de replier sa béquille. «J'ai voulu la rattraper et j'ai planté», racontait-il, l'air d'une momie tellement il avait de bandages. Un encadreur est arrivé presque tout de suite après l'accident. L'équipe de la Croix-Rouge s'est amenée en moins de deux. «Ils étaient quatre, autour de moi, une personne par membre.»
Steve, qui roule avec ses parents et sa blonde, ne sait pas s'il va continuer. «Je vais voir demain. Je n'ai rien de brisé, mais ça chauffe ! Et puis le vélo, j'en ai semble-t-il pour 80 $ de réparations.»
La route non plus n'était pas rose. Noire, et surtout, pleine de crevasses et de trous, certains assez grands pour engloutir trois autobus de la STCUM et une Géo Métro ! En montée, ça cogne moins dur, mais en descente !
- Avez-vous aimé le dessin de ma fille ?
- Quel dessin ? Quelle fille ?
J'avais fait le tour du dépanneur Proprio, à Beebe, mais je n'avais pas vu de dessin.
- Ma fille qui est à la caisse, elle a dessiné le petit bonhomme à bicycle de La Presse sur le camion blanc, dehors.
C'était bien lui. J'ai félicité Annie Gaulin. Les organisateurs du Grand Tour ont choisi de très beaux endroits pour les haltes-dîner. Mais hier, ils s'étaient surpassés. Nous étions sur le terrain de l'église anglicane de Hatley, dont la construction remonte à 1818. Mais toujours ce satané soleil !
Quand Diane, début quarantaine, a appris que 65 p. cent des participants au Grand Tour sont des hommes, elle a pensé : «La tale !!! 1300 hommes ! Pas des gars de bars, des hommes sains, en forme !»
Mardi soir, elle cherchait toujours. «Tous des gars mariés, même ceux qui paraissent disponibles, tu te rends compte qu'ils sont juste en vacances de leur femme pour une semaine.» Mais elle ne désespère pas: «Encore quatre jours...»
Certains cyclistes ont pris l'habitude de baptiser les côtes. Le Déchaîné, journal du Grand Tour, mentionne «La baveuse», «Le cornet à trois boules», «La gratinée à motons», «L'écoeurante».
S'il y a des côtes pour tous les goûts, il en va de même de ceux qui les grimpent. Des sportifs, le nez sur la roue, des poètes, la tête dans les nuages (quand il y en a), un nostalgique, qui écoutait une toune de Petula Clark en moulinant.
L'an dernier, Denis s'est acquis une solide réputation de fêtard. Ne croyez pas qu'il ne roule pas. Au contraire, il se débrouille plutôt bien à vélo. Sauf que pour lui, la vie ne s'arrête pas là. «Il y en a des fanatiques, dit-il. Ils roulent toute la journée, flattent leur vélo toute la soirée et se couchent à 21 h ! Moi, je trouve que le Bistrot (du Grand Tour) ferme trop tôt.»
- À quelle heure, encore ?
- Minuit... Ben, quo i! Quand t'as fait 100 kilomètres, ça devrait pas être gênant de prendre une petite bière !
Journée «défi», aujourd'hui : 123 kilomètres, entre Lennoxville et Drummondville. Pour les habitués des «parcours alternatifs», le défi devrait être moins grand.