Paul Roy, cycliste |
---|
Tu rougis !
Paul Roy
Drummondville
Pour le jour 6, le guide du Grand Tour disait : «Jeudi, 10 août, Lennoxville-Drummondville. Respirez par le nez, c'est la journée défi : 123 kilomètres.»
Mais le «défi», ai-je trouvé, ce n'était pas tant les kilomètres - 128 jusqu'à l'hôtel - pas tant les côtes - un peu tout de même - dont certaines étaient fort respectables, le défi, c'était le soleil.
Pour la deuxième journée d'affilée, on l'avait direct sur le coco. Et le nez, et les bras, alouette. Vous aimez le soleil ? Vous vous seriez peut-être ravisé hier.
Surtout si vous vous étiez pointé à l'Auberge Universel de Drummondville vers 16 h 30, ruisselant de sueur, de poussière - nous avons roulé sur une route en construction - et de lotion solaire.
Vous seriez monté à votre chambre, auriez déposé vos bagages, lancé vos vêtements dans toutes les directions et couru sous la douche... pour vous rendre compte que l'eau ne coulait pas !
«Rien de grave, vous aurait-on répondu, à la réception : c'est la Ville qui fait des travaux de canalisation, l'eau devrait revenir d'ici une vingtaine de minutes.»
C'était 20 minutes de trop pour Manon, une employée de la STCUM, croisée dans un corridor, qui se dirigeait vers la piscine pour «en enlever une couche»...
Très belle journée de vélo, tout de même, à travers l'Estrie industrielle. À mi-parcours, certains se sont arrêtés à Asbestos pour contempler la plus grande mine à ciel ouvert au monde.
Et en soirée, à Drummondville, d'aucuns se promettaient une visite au chic restaurant Le Roy Jucep, qui prétend avoir servi, en 1957, la première poutine de l'histoire de l'humanité. Des preuves !
Tous les «grands touristes» à qui l'on parle se disent heureux. «Quand je ne sais plus quel jour on est, je peux dire que je suis en vacances», nous a confié un ex-pompier de la Ville de Montréal... à la retraite.
Les vétérans du Grand Tour de l'an passé s'y attendaient, mais plusieurs néophytes sont impressionnés à la fois par la rigueur et la souplesse de l'organisation. Un minimum de règles, un maximum de liberté et aucun souci de logistique.
Claude Fortin, d'Alma, compare le Grand Tour à un Club Med à vélo. Un Club Med sans «Haut les mains !» et, nous pouvons vous l'assurer, sans farniente : on s'y lève tôt, on s'y couche pas très tard, et on y brûle les calories comme si c'était demain la fin du monde.
Les routes du Grand Tour sont balisées, patrouillées, des bénévoles font la circulation là où c'est nécessaire, les haltes sont bien choisies, la nourriture est impeccable.
Des détails, plein de détails : ces petites pancartes qu'on retrouve un peu partout sur le parcours et qui comportent des messages qui font sourire. Du genre «Tu rougis», ou «Aie ! Les beaux mollets !»
Vous ne riez pas ? C'est que vous ne venez pas de monter la côte face de singe entre Danville et Saint-Félix-de-Kingsey.
D'autres détails : ces deux clowns qui s'étaient installés au milieu d'une côte, face aux cyclistes qui montaient, et qui pédalaient comme des déchaînés sur leurs bicyclettes d'exercice.
Quand 2 000 cyclistes passent dans les mêmes villages, s'arrêtent dans les mêmes dépanneurs pour acheter de l'eau, de la gomme ou du jus d'orange, comment se fait-il qu'au 1 233e, il reste encore des Coffee Crisp ? Est-ce un hasard si tout baigne dans l'huile, l'huile à bicycle, cela va de soi ?
Cette fois, cependant, les organisateurs n'y étaient pour rien : à la sortie de Windsor, une bande de petits vieux de bonne humeur tenaient une pancarte sur laquelle on lisait : «Entre Windsor et Asbestos, pensez à vos vieux péchés.» Que voulaient-ils dire au juste ?
Les organisateurs du Grand Tour et les bénévoles ne sont pas les seuls à trimer. Quelques journalistes donnent aussi leur «110 p. cent». Surtout ceux qui pédalent.
Paul Rivard, de TVA, est du nombre. Il dit passer plusieurs heures en entrevue et en montage pour produire ses trois topos quotidiens.
Richard Saulnier et Robert Boivin, eux, rédigent chaque soir Le Déchaîné du lendemain, dans lequel on retrouve les histoires et les potins du Grand Tour, des informations et beaucoup d'humour. Nous les avons vus au travail, l'autre soir, et nous pouvons témoigner qu'ils se donnaient un mal fou... entre deux éclats de rire.
Fernand Tremblay, 58 ans, d'Ulverton, n'est pas trapu à peu près : il fait 5 pieds 10 et pèse 275 livres. Ce qui ne l'a pas empêché de faire d'innombrables voyages à vélo au fil des ans, dont plusieurs avec sa femme, aujourd'hui décédée.
Son plus long voyage, il l'a fait en 1986-1987 : 16 000 kilomètres à travers l'Europe et une partie de l'Afrique. Son Marinoni est fait sur mesure et, récemment, il l'a fait chromer au complet.
- Ça n'ajoute pas de poids ?
- Regarde-moi ! Penses-tu que deux livres de plus...
Demain, Drummondville-Saint-Hyacinthe.