Paul Roy, cycliste |
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«Limonade fraîche !»
Paul Roy
Saint-Hyacinthe
Michèle Dagenais, 39 ans, est prof de maternelle à Laval. Si vous venez assister au retour du Grand Tour, cet après-midi, à Longueuil, vous la reconnaîtrez au gros tournesol qui trône sur son bicycle de montagne.
Depuis samedi dernier, Michèle et ses copines, Hélène Perron, une infirmière de 39 ans, et Sylvie Dupuis, 34 ans, qui fait dans les relations de travail, sont devenues de vraies accros du Grand Tour.
«On est des abonnées à vie», disent-elles en choeur. «Je signerais un contrat tout de suite», ajoute Michèle.
Elles aiment tout : les paysages, la camaraderie, le sport, l'atmosphère. Hélène et Sylvie, qui campent ensemble, partagent la plus grande tente de tout le camping. «On l'appelle notre «cinq et demi avec toilette», dit Sylvie. Hier soir, elles devaient poser une pancarte à la porte : «Gîte du passant.» Les trois amies n'ont qu'une réserve : les sportifs, le nez collé sur leur roue avant, qui roulent le pied au plancher et qui ne voient rien.
«Ils ne sont pas gentils avec les gens, dit Michèle. Ils sont stressants, ils n'apportent pas le plaisir, ils sont trop en petites gangs.»
Je roulais avec un petit peloton de sportifs, hier matin, quand j'entends derrière mon dos : «On roule droit !» Je venais d'éviter un trou. Je me retourne, et le sportif, son petit catéchisme du parfait rouleur à la main, me lance : «Vous faites des S.»
- Ai-je le droit d'éviter les trous ?
- On roule droit ou on décroche !
- Eh bien ! pas moi. Je fais des S.»
Quelques kilomètres plus tard, j'ai décroché. Un vague sentiment de rejet. Et j'ai cherché un vélo de montagne avec un gros tournesol. Je n'ai pas trouvé.
Par chance, la campagne était fort belle. Tiens ! Je n'avais pas remarqué.
Cela dit, bon nombre de cyclo-sportifs sont parfaitement sympathiques et, règle générale, la cohabitation entre les différents genres de cyclistes semble se faire plutôt harmonieusement au Grand Tour.
Un millionnaire en bicyclette
Petite journée hier : 100 kilomètres de plat, entre Drummondville et Saint-Hyacinthe. Du plat, mais un peu de vent et beaucoup d'une chaleur humide. La sueur qui brûle les yeux. Ma plus dure journée.
Si vous étiez multimillionnaire, pas juste un millionnaire de 6/49, un vrai, qui aurait plein d'usines, ici, aux États-Unis, en France, en Belgique, en Suède, et un chiffre d'affaires de 2,2 milliards, et 8 000 employés, et que vous n'aviez qu'une semaine de vacances cette année, que feriez-vous ?
Laurent Lemaire, lui, fait le Grand Tour. Incognito. Parce que le pdg de la compagnie Cascades aime la compagnie des gens qui font du sport. Et que pense-t-il des hôtels du tour ? Il n'en pense rien pour la bonne raison qu'il a pris le forfait camping, à 400 et quelques dollars.
«Quand ma secrétaire a téléphoné, il ne restait plus de places en hôtel. Alors je me suis équipé. Deux semaines avant le départ, on m'a annoncé qu'il y avait eu des désistements, mais mon idée était faite», explique-t-il.
Laurent Lemaire n'est pas Céline Dion. Aussi, la très grande majorité des 2 000 grands touristes ne savent pas que le monsieur qui attend en file derrière eux pour se faire servir à la cafétéria, aurait les moyens de se faire transporter par hélicoptère dans le restaurant de son choix. «Je suis un monsieur Tout-le-Monde, dit-il. Avec nos casques et nos cuissards, ici, on est tous pareils.»
Les frères Lemaire - l'ainé, Bernard, est président du conseil de Cascades - ont souvent été décrits comme près du monde, de leurs employés.
«Le système de partage des profits, ça fonctionne toujours chez Cascades ?
- Dans toutes nos usines, ici comme en Europe.»
En roulant, ces derniers jours, Laurent Lemaire a d'ailleurs reconnu, sous leurs casques, quelques-uns de ses 8 000 employés.
Du thé ou de la limonade ?
Jeudi, entre Lennoxville et Drummondville, sur le haut de la côte la plus stressante, une femme et sa fille vendaient du thé glacé : 25 cents le verre. C'était sympathique et, tout l'après-midi, l'endroit fut très fréquenté. Mais à environ un demi-kilomètre plus loin, dans le milieu d'une autre côte, une petite fille de six ou sept ans, essayait elle-aussi de vendre sa limonade.
«Limonade fraîche !», criait-elle aux cyclistes... qui passaient leur chemin. Michel Labrecque, président du Groupe vélo, qui chapeaute tous les organismes logeant à la Maison des cyclistes, s'est arrêté, lui. Sa limonade enfilée, il a expliqué à la fillette : «Les cyclistes ne peuvent pas s'arrêter ici, tu es placée en plein milieu d'une côte...»
Et l'enfant de lui répondre d'un air désespéré : «Mais, elle est ici ma maison !»