Paul Roy, cycliste

4 août 1996

Nègre blanc

Paul Roy

Il fallait voir les Toyota défiler sur le pont Jacques-Cartier, direction sud, vers les 7 h, hier matin. Des vélos sur les toits, les coffres, les sièges...

Où s'en allait tout ce monde ? Où s'en allaient ces vélos ? À Beloeil, d'où partait le troisième Grand Tour, une équipée cycliste annuelle de huit jours et 700 kilomètres.

L'étape d'hier faisait 91 kilomètres et menait les 1900 cyclistes de Beloeil à Granby, longeant quatre des huit collines montérégiennes : les monts Saint-Hilaire, Saint-Grégoire, Rougemont et Yamaska.

Au fait, le carnet de randonnée du Grand Tour nous apprend que l'expression montérégienne vient de la forme latinisée de la plus connue de ces huit collines : le mont Royal.

Parcours plat et moyennement joli. Mélange de champs de maïs, de vaches et de parcs de maisons mobiles. Dans le bout de Marieville, planté sur un parterre comme un flamant rose, la statue d'un nègre, vestige d'une autre époque, regardait passer les cyclistes. Quelques kilomètres plus loin, une autre statue de nègre, mais dont on avait repeint le visage en blanc. Sans doute le nègre blanc de la Yamaska.

Richard Cornellier, 46 ans, est un passionné de vélo et de chocolat. Hier, pour la première journée du Grand Tour, il avait loué une de ces rallonges qu'on fixe au poteau de selle de son bicycle pour en faire un tandem. Nicolas, 9 ans, et Laurence, 7 ans, y sont montés tour à tour toute la journée, pédalant à leur rythme, Richard faisant le gros du travail.

Quand Nicolas pédalait derrière Richard, Laurence suivait dans la Volvo avec sa mère, et vice-versa. Aujourd'hui, Richard roule seul. Ôtez-vous de devant ! C'est un gros braquet.

Et le chocolat ? Il en mange, bien sùr, mais surtout il en fait, chez lui, à Saint-Marc-sur-Richelleu. Les petites passions vend principalement du chocolat à des pâtisseries de Montréal.

Sa spécialité :les «petites bouchées». Sa préférée ? «Les petites truffes au miel : les gens capotent là-dessus !»

Luc Caron, un pressier de 35 ans, de Laval, rencontré hier à la halte-dîner de Farnham, vous suggère de ne pas chercher Brigitte Paquette et Stéphane-dont-il-oublie-le-nom-de-famille au tour cette année. Ils n'y sont pas.

«Ils se sont rencontrés au tour, l'an passé, et ils viennent de se marier», explique le Lavallois.

Lui-même est venu avec son amie Chantal. «Elle roule moins vite, alors quand elle arrive, la tente est déjà montée.»

Guy Fafard, un électricien de 46 ans, ne détesterait pas rencontrer une femme au tour. «Je suis un jeune veuf, mais un vrai veuf, explique-t-il. Et j'aime beaucoup les femmes.»

- Vous considérez-vous comme un bon parti ?
- Mets-en ! Mais je ne suis pas un gars facile. Si la femme dit oui, je lui dit : «Attends un peu, m'a y penser.»

Si plusieurs se font des amis (pour ne pas dire plus), au tour, ce n'est pas toujours facile de trouver des cyclistes avec qui rouler. Certains roulent trop vite, d'autres pas assez...

Jacques Marcoux, 41 ans, de Saint-Étienne-de-Lauzon, près de Québec, a trouvé un truc : «Supposons que ta vitesse c'est 24 kilomètres à l'heure. Tu descends à 22 et tu attends qu'un petit peloton te double à 24. Là, tu embarques.»

Employé à la SSQ, compagnie d'assurance, M. Marcoux entame son deuxième Grand Tour. «Je regardais ça, 800 kilomètres, et je voyais ça comme une aventure... Ma femme m'a dit: «Envoye donc ! Vas-y !»

Au collège Mont-Sacré-Coeur de Granby, hier, Marie-Pier Dagenais, 11 ans, Mathieu du Grenier, 12 ans, et Véronique du Grenier, 10 ans, attendaient les cyclistes avec des pancartes qui disaient : «Félicitations !», «Bonne chance !» et «Lâchez pas !»

- C'était l'idée de qui ?
- Moi, répond Marie-Pier.
- Et les gens vous disent quoi ?
- Allô, merci...
- Vous allez rester ici toute la journée ?
- Ben, oui.

Aujourd'hui, Granby-Drummondville, 93 kilomètres.