Paul Roy, cycliste |
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Piscine gratuite
Paul Roy
Trois-Rivières
Un mirage ! Ou était-ce la chaleur ? L'insolation ? La brume (lire la sueur) dans mes lunettes ?
Toujours est-il qu'à l'entrée de Grand-Saint-Esprit, une grosse pancarte plantée sur un parterre annonçait : «Piscine gratuite».
Assises sur des chaises de parterre, des madames faisaient des grands signes et criaient : «Venez ! Venez vous baigner !»
L'eau était délicieuse : juste assez fraîche, juste assez de chlore.
J'étais chez Agathe Boudreau. «Vous êtes probablement le 100e ou le 150e à vous baigner depuis ce matin», m'a-t-elle dit.
- Quand tous les cyclistes seront passés, vous risquez de vous retrouver avec plus de sueur que d'eau dans votre piscine, lui ai-je suggéré.
- Pas de problème, j'ai un bon filtre !
Mme Boudreau était assise sur sa galerie avec une voisine, il y a quelques jours, quand l'idée lui est venue d'offrir sa piscine aux «grandtouristes».
«J'ai dit à ma voisine : on le marque-tu pour le fun ?»
Joli parcours de 96 kilomètres, hier, qui a mené de Drummondville à Trois-Rivières les 1900 participants de ce troisième Grand Tour.
Un Québec rural, qui nous dévoilait de généreuses sections des rivières Saint-François, Nicolet et Bécancour. À Sainte-Perpétue (population : 1100 ), une équipe armée de sacs de plastique refaisait une beauté au parc municipal, où avait pris fin la veille le célèbre Festival du cochon.
Plusieurs cyclistes, dégoulinant de sueur, arrêtaient s'abreuver et se rafraîchir au Magasin général L.D. Roy, qui vient tout juste de fêter son 115e anniversaire. D'Onézime Rousseau à Isaac Roy, six générations de la même famille se sont succédé à ce commerce, maintenant propriété des frères Pierre, Robert (le père d'Isaac) et René Roy.
Claude Fortin de Dolbeau, en est à son troisième Grand Tour. Mais cette fois-ci, il a l'impression de rentrer de la guerre.
Travailleur social, il a passé les deux dernières semaines à entendre les histoires d'horreur des victimes des récentes inondations au Saguenay. «Ils sont venus nous chercher en hélicoptère de l'armée, moi et huit autres intervenants sociaux. On devait s'occuper des sinistrés qui vivaient des chocs post-traumatiques.»
Claude Fortin, lui, orchestrait des «séances de verbalisation» avec des groupes de 15 à 20 personnes. «Ça me prend du temps à décrocher cette année, au Grand Tour, dit-il, j'arrive d'un autre monde.»
- Connais-tu ma soeur Jeanine ?
- Non, pourquoi ?
- Elle aussi, elle a un Marinoni. Des Marinoni, il en pleut au
Grand Tour ! Il y en a autant que des Chevrolet dans le parking des Galeries D'Anjou.
Le type qui me pose la question roule sur un Hébert.
- Un Hébert ? Jamais vu...
- C'est un Hutsebaut, mais il m'a donné tellement de trouble que j'ai décidé de ne pas leur faire de publicité. Alors j'ai mis mon nom à la place.
Marie-Ève a 12 ans. Assez petite et pas mal jolie, elle fait son deuxième Grand Tour avec sa mère. Son père, à bord du Winnebago familial, les attend aux étapes avec les deux jeunes frères de Marie-Ève. Dans la famille, le vélo, c'est une affaire de femmes.
Arrivée à Trois-Rivières par bateau hier. À chaque traversée, 350 cyclistes ruisselants de sueur s'entassaient tant bien que mai dans le Jacques-Cartier, accosté à Sainte-Angèle-de-Laval.
«Qui a oublié de se mettre du désodorisant ?» a demandé une voix parmi la foule.