11 juin 2000
S'il était né cent ans plus tôt, Göran Kropp aurait été bien embêté d'exprimer sa nostalgie d'une autre époque et son désir perpétuel de ne rien faire comme les autres.
«J'aurais sans doute inventé l'automobile pour ne pas voyager comme tout le monde, lance-t-il à la blague. À bien y penser, non, je ne suis pas assez intelligent pour cela. Mais je serais allé à l'Everest pour être le tout premier à l'escalader.»
En 1996, le grand alpiniste suédois - six pieds cinq pouces - s'est assuré de ne pas passer inaperçu lorsqu'il s'est rendu au Népal à vélo, une randonnée de 11 000 km - quatre mois et six jours - depuis Stockholm. Puis il a marché jusqu'à l'Everest et l'a escaladé.
Coup publicitaire, direz-vous. Sans doute, mais il devait y avoir autre chose, car il convient d'ajouter les détails suivants : ses 129 kilos de matériel, il les a trimbalés sur son vélo ; puis les 73 kilos de matériel d'ascension, il les a portés sur son dos jusqu'au pied de la montagne, sans porteur. Parce qu'il n'avait pour toute maison mobile qu'une petite tente, il s'est passé de camp de base et est allé dresser sa toile au col sud, à 8000 mètres. Il a donc fait ses paliers d'acclimatation à la dure (y a-t-il une méthode douce ?) en bivouaquant.
On voit rarement des ascensionnistes faire plus de deux tentatives vers une cime de plus de 8000 mètres, le prix à payer pour le plus petit séjour dans la «zone de la mort», à partir de 7600 mètres, étant terrible. Göran Kropp, lui, a dû s'y prendre par trois fois avant d'atteindre le dernier carré de neige de la planète, à 8848 mètres d'altitude.
«Après la deuxième tentative, je me suis rappelé que cette expédition avait nécessité neuf années de préparation. Alors j'ai décidé d'essayer encore.»
Kropp eut atteint le sommet de l'Everest en s'aidant de quelques bonbonnes d'oxygène, on n'aurait rien trouvé à redire, cela n'aurait guère diminué la beauté de son geste (surtout au milieu des douze cadavres laissés cette année-là par les expéditions commerciales). Eh bien non ! le gaillard est allé jusqu'au bout de sa pensée et a atteint la cime de la Déesse sans l'aide d'un guide sherpa et sans oxygène d'appoint.
Il est redescendu au col sud où il a rapaillé son stock sans aide. Normalement, les alpinistes se redescendent eux-mêmes et laissent aux sherpas le soin de démonter le camp et de descendre tout ce qui s'y trouve...
(...)
Vélo Québec n'a pas résisté à la tentation d'inviter Göran Kropp dans le cadre de la Féria du vélo. On l'a donc vu à Montréal il y a quelques semaines. Sa diapocenférence et son passage au Tour des enfants ont été très appréciés.
«J'aime les enfants, dit Göran Kropp. J'en suis moi-même un de 33 ans !» (...)
page mise en ligne le 11 juin 2000 par SVP