VÉLOPTIMUM |
---|
MONTRÉAL, 18 juillet 2000 - Les cyclistes québécoises Lyne Bessette et Geneviève Jeanson ont obtenu leur sélection olympique, la fin de semaine dernière. Elles seront sur l'équipe canadienne de vélo qui va se rendre à Sydney, en compagnie de Clara Hughes, qui elle a gagné deux médailles de bronze à Atlanta en 1996.
Ce trio devrait nous offrir des choses assez intéressantes aux Jeux olympiques. Ensemble elles ont l'expérience et la fouge, la volonté de foncer et suffisamment de «pif» pour bien gérer une course. Mais j'ai bien dit ensemble... Oui parce que le parcours de Sydney n'est pas, selon les spécialistes, très sélectif. Cent vingt-huit kilomètres, pas trop accidenté, une bosse à huit kilomètres de la fin, mais c'est encore trop loin de l'arrivée pour penser s'échapper sans être rattrapé. Ça prendra une équipe pour espérer gagner et une bonne stratégie. Il faudra attaquer, attaquer et attaquer encore pour espérer s'échapper, ou encore, il faudra attendre le sprint final... mais pour ça, il faudra être bien positionné.
On a beaucoup reproché à Geneviève Jeanson de travailler en solitaire, on a souvent mis en doute ses capacités de solidarité dans un peloton. Pendant la sélection olympique elle a pu se rendre compte que le travail d'équipe a ses avantages. Si Geneviève accepte de couper sa solitude, ces trois filles vont nous faire vivre des moments de haute tension.
Déjà elles ont écrit l'histoire, c'est la première fois que deux Québécoises se retrouvent sur une sélection olympique de vélo. Et il faut vraiment saluer dans les deux cas leur passion. Parce que dans les deux cas, ces filles ne sont pas issues d'un système. Dans les deux cas, elles se sont amenées au «bicik» par hasard.
Lyne Bessette a fait de l'athlétisme pendant dix ans. Elle était blessée, écoeurée de ne pas faire les performances dont elle rêvait. Elle arrête tout. Son chum de l'époque lui prête son vélo, elle fait une petite compétition, «juste pour le fun», elle est bonne. Il est trop tard, la compétition l'a repris dans son giron. Très rapidement elle se fait remarquer par l'équipe américaine Saturn. Elle a un entraîneur québécois, Éric Van den Eynde, mais c'est vraiment son équipe pro qui lui a appris tous les rudiments de la course. Tout simplement parce que c'est Saturn qui la paie pour qu'elle coure et qu'il n'y a rien comme le terrain pour apprendre.
Geneviève Jeanson est une toute petite fille quand elle commence à faire de la bicyclette. C'est de façon fortuite qu'elle rencontre son entraîneur André Aubut, qui n'est pas un gars de vélo, mais qui s'est longtemps adonné au ski de fond. Ce que Geneviève aime de lui, c'est qu'il a une excellente connaissance de la souffrance. Mais autrement dit, Geneviève se retrouve dès son jeune âge avec un entraîneur personnel. Elle n'est donc pas du tout dans le système et passe à travers les mailles d'une structure à laquelle elle n'appartient pas. Oui, elle participe aux championnats québécois, aux championnats canadiens... Mais une fois ceux-ci terminés elle retourne avec André Aubut à son entraînement en vase clos, en Arizona l'hiver, au Québec l'été.
En vue des Jeux olympiques, malgré son talent et à cause de ses 18 ans -elle vient tout juste de sortir de chez les juniors-, pour satisfaire les exigences de l'Association cycliste canadienne, il aurait fallu qu'elle soit indépendante de fortune. Il faut croire qu'elle est née sous une bonne étoile, un mécène lui est tombé du ciel. Grâce à un Québécois, qui fait beaucoup de sous dans l'immobilier en Arizona, Geneviève peut aller à Sydney. Ron McRae, lui a trouvé l'argent pour qu'elle puisse se rendre en Australie et en Belgique avec André Aubut. Elle avait besoin de terminer parmi les huit premières dans deux courses internationales. Elle a gagné deux fois. Peut-être qu'elle y serait arrivée sans cette aide providentielle. Mais…
Tout cela pour dire que ces deux filles pleine de talent ont bien sûr reçu une aide minimale de la part de leur fédération. Mais leur réussite est en grande partie due au fait qu'elles ont grandi à l'extérieur des structures. Une soutenue par une équipe professionnelle américaine et l'autre par un entraîneur personnel et un philantrophe.
Une histoire qui ressemble beaucoup à celle de Caroline Brunet, à celle de Myriam Bédard, à celle de Gaétan Boucher, à celle de... À celle de beaucoup trop d'athlètes qui carburent à la passion et au fin de mois écarlate...
Il commence à y avoir un semblant de politique de sport olympique au pays, mais on est bien loin d'une structure qui soit capable de soutenir le talent de l'embryon à l'éclosion. Et il n'y a pas que les gouvernements qui doivent s'impliquer. L'entreprise privée devrait être plus aventureuse et ne pas avoir peur de se coller à de jeunes talents. C'est facile d'attendre le succès, mais ce serait drôlement plus audacieux de s'associer à des adolescents prometteurs. Ils ne deviendront peut-être jamais champion olympique. Mais cette compagnie qui aurait eu de l'audace pourrait se distinguer dans son désir, non pas seulement d'exceller, mais aussi dans son envie de s'associer à la réussite en devenir.
À la prochaine,
Marie-José Turcotte
Radio-Canada Sports
une page mise en ligne le 18 juillet 2000 par SVP