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Cyclisme – Dopage
PARIS 18 mai 1999 (AP)
Willy Voët enfonce le clou. Dans "Massacre à la chaîne", ouvrage publié mardi chez Calmann-Lévy, l'ancien soigneur belge de l'équipe cycliste Festina livre un témoignage effarant sur les pratiques pas belles à voir du peloton, et accuse entre autres Richard Virenque d'avoir joué "un rôle actif dans la distribution des produits dopants".
Après avoir parlé notamment à la justice, l'ex-masseur de Virenque et de Laurent Brochard écrit et rompt trois décennies de silence. Son livre, sous-titré "Révélations sur trente ans de tricheries" et qui démontre la banalisation du dopage dans le cyclisme, est comme une fêlure dans la légende du Tour de France.
Ancien cycliste lui-même, l'homme par qui le scandale est arrivé cite des noms qui ont marqué l'histoire de la Grande Boucle et livre les subterfuges sophistiqués incroyablement pervers utilisés par les coureurs. Comme ces tuyaux munis d'un préservatif chargé d'urine étrangère au contrôle antidopage, introduits dans l'anus, collés "à la peau, en épousant la forme du périnée, jusqu'au bord des glandes génitales".
Virenque en première ligne
Willy Voët a été appréhendé par les douaniers le 8 juillet 1998 à la frontière franco-belge, la voiture pleine de produits prohibés. Mis en examen, il restera 16 jours en prison. Entre-temps, l'incendie se sera propagé au Tour de France.
Virenque est évidemment en première ligne dans l'ouvrage de Willy Voët. Sa rencontre avec le dopage, affirme l'auteur, remonte à 1993, pendant sa première année chez Festina. "Nous étions alors sur le Critérium national... «Ce soir je veux faire un truc», m'a-t-il lancé, enthousiaste, lors de sa séance de massage."
Décision est alors prise de "lui injecter une demi-ampoule de Synacten Immédiat le dimanche matin, une heure avant le départ". Le coureur arrivera hors délai. Résultat: "il a banni ce produit de sa panoplie".
Puis, c'est l'escalade. Une fois, raconte l'ancien soigneur, Marc Madiot lâche à Virenque: "Toi, mon gars, un jour tu finiras chaudière", autrement dit, en langage cycliste, un "accro du dopage". L'ampleur du fléau et la description de cet univers pour le moins décadent laissent pantois. Et les arguments employés par les dopés sont... stupéfiants !
Lorsque Pascal Hervé arrive chez Festina, il se présente à Willy Voët et lui dit: "Écoute, j'ai 29 ans, autant dire que j'ai quatre ou cinq ans pour gagner de l'argent chez les professionnels. (...) Il ne faut pas regarder à une piqûre près. Je sais comment ça fonctionne, je connais le système. Avec moi, il ne faut pas se poser la question."
Virenque : un rôle actif
Virenque et Hervé, écrit Voët, "jouaient un rôle actif dans la distribution des produits dopants, l'un en tant que leader, l'autre comme son lieutenant." Dès 1994, souligne Voët, "Virenque s'informait du déroulement des opérations relatives à l'EPO et aux hormones de croissance".
"Il posait beaucoup de questions, ajoute l'ancien soigneur, surtout dans la pespective du Tour de France, son Graal. (...) Virenque savait pertinemment ce qu'il faisait. Son célèbre «à l'insu de mon plein gré» est scandaleux de mauvaise foi. Il était le leader, le patron donc, tout autant qu'un porte-parole. Rien ne pouvait se décider sans lui, et surtout pas la manière de se charger. En période de préparation au Tour, il était de ceux qui poussaient à la consommation." Ces accusations cependant, le coureur les a toujours niées.
À la fin de son livre, l'ex-soigneur dresse une liste macabre de coureurs disparus avant l'heure d'un arrêt du coeur: "L'Espagnol Vicente Lopez-Carril, mort à 37 ans; le Belge Marc Demeyer, mort à 32 ans; le Belge Geert Van de Walle, mort à 24 ans; le Hollandais Bert Oosterbosch, mort à 32 ans; le Polonais Joaquim Halupczok, mort à 26 ans..."
une page mise à jour le 18 mai 1999 par