Les années se suivent, mais ne se ressemblent pas pour Lyne Bessette. Après une saison 2001 couronnée de succès, la cycliste de Lac-Brome a bien entamé la saison actuelle avant que sa carrière professionnelle ne connaisse un sérieux dérapage au cours des dernières semaines.
Des divergences d'opinion l'ont amenée à demander d'être libérée de l'entente contractuelle qui la liait à l'équipe Saturn, premier groupe sportif féminin sur la scène mondiale, et qui lui valait un salaire assuré d'environ 30 000$ américains par année.
«Après quatre ans et demi avec Saturn, j'avais le goût de changer », a expliqué plus tôt cette semaine l'athlète âgée de 27 ans.
« Ça n'a pas été une décision facile à prendre car mon association avec Saturn assurait ma sécurité financière, a-t-elle ajouté. N'empêche que je ne me trouve pas complètement dépourvue. D'une part, j'ai mon brevet et une aide financière mensuelle de Sport Canada; d'autre part, même si j'ai une hypothèque à payer chaque mois, ça va parce que je n'ai aucune autre dette. »
Financièrement parlant, Bessette est presque retournée à la case départ des athlètes amateurs, celle qu'elle a connue pour la première fois en devenant membre de l'équipe nationale du Canada en 1997.
Sa décision, annoncée et expliquée pendant la semaine du 13 mai, a fait suite à une bonne dizaine de jours de réflexion qui ont suivi sa 2e place lors de la Coupe du monde de Belgique, la réputée Flèche Wallonne.
Bessette s'est alors fait enguirlander pour avoir pris des initiatives, pour ne pas avoir suivi à la lettre les consignes d'équipe. C'en était trop pour cette cycliste, déjà menottée lors du GP féminin du Québec en 2001, et dont la polyvalence lui vaut d'être capable de toujours bien s'en sortir, peu importent les caractéristiques d'un parcours.
Séparation et choc
Les deux parties ont convenu qu'une séparation était devenue inévitable. Les gens de Saturn ont parlé de « congé sabbatique ». Bessette, elle, affirme que « les ponts ne sont pas coupés entre nous », mais une réconciliation semble bien improbable...
Bessette a dû encaisser le choc. Elle avoue ne pas être au mieux de sa forme tant sur le plan physique que psychologique.
« Je ne suis pas très loin de la forme qui m'a valu du succès à la Flèche Wallonne, mais prendre une telle décision, ça affecte le moral, a-t-elle avoué. Et quand ta tête n'est pas là, même si tu as la forme pour t'entraîner, ça ne marche pas. Tout est relié. »
N'empêche que Bessette est loin d'avoir lancé la serviette face à l'immense défi de douze montées consécutives de la voie Camillien-Houde.
«Je me présente toujours sur la ligne de départ, au sommet du mont Royal en croyant fermement que je peux me retrouver sur le podium, a-t-elle affirmé. Toutes les filles savent qu'un gros point d'interrogation est accolé à cette course-là. Peu importe la préparation, ça dépend beaucoup de la forme dans laquelle on se trouve le jour même. Si tu as des jambes, ça passe; si tu n'as pas de jambes, ça casse! »
Espoir et alliance
Voilà pourquoi Bessette ne se trouve pas désavantagée d'être encadrée par des cyclistes comme Julie Hutsebault, Mélanie Nadeau, Katy Saint-Laurent et Sophie Blanchette plutôt que par les très grosses pointures de son ex-équipe.
« Le parcours de la Coupe du monde de Montréal est tellement sélectif que le calibre de tes coéquipières ne joue pas un aussi grand rôle que dans un parcours où tout le monde sait que ça finit en sprint, a-t-elle expliqué. Ici, ça décroche par en arrière à chaque tour qui passe. Si tu es devant, tu regardes aller ça un peu et tu es capable de faire la job toute seule ou presque. »
On l'a vu avec Geneviève Jeanson en 2001. Rapidement partie en échappée, elle a grugé du temps au peloton à chaque boucle, pour terminer avec plus de sept minutes d'avance sur sa plus proche rivale.
Étonnamment, les circonstances actuelles semblent avoir complètement changé la donne entre celles qui sont perçues comme d'éternelles rivales par le public.
«Dépendant du scénario qui va se développer pendant la course, il se pourrait fort bien que Geneviève devienne une alliée, a soutenu Bessette. C'est arrivé souvent que je me retrouve en échappée avec elle, mais je ne pouvais pas travailler avec elle parce que ma leader était dans un groupe à l'arrière. Maintenant, avec mon nouveau statut, ça devient une autre game. »
Devant son public
En plus de se retrouver dans une première course d'importance depuis la manche de Coupe du monde tenue en Espagne le 21 avril, Bessette devra relever le défi des attentes de son public.
« J'ai un peu peur, a-t-elle admis. C'est toujours stressant de courir chez soi. Plein de gens viennent me voir et s'attendent à beaucoup de ma part. Comme je n'aime pas décevoir leurs attentes, surtout à Montréal, c'est parfois lourd à porter. »
Bessette est une battante qui a toujours fourni le maximum et qui n'entend pas déroger à cette philosophie.
« La seule façon de m'empêcher de faire ma course, ce serait de me mettre des bâtons dans les roues, des vrais bâtons, des poteaux de téléphone! a-t-elle lancé. Sur la route, ce sera pédale contre pédale.
Il nous reste à nous souhaiter du soleil pour que le spectacle soit encore plus le fun. »
une page mise en ligne le 1er juin 2002 par SVP