L'ESPRIT DE LA GRIMPE

 

Je vous propose dans cette rubrique une première approche de l'escalade et de son évolution jusqu'à y a pas si longtemps que ça... Il s'agit d'une repompe d'un article tiré du meilleur magazine d'escalade: GRIMPER

 

 

L'évolution de l'escalade.

Génèse.

C'est à la fin du siècle dernier qu'apparaît l'escalade comme but en soit. Dès les années 1880, les passages frisent le cinquième degré. Rien n'est encore défini, mais déjà des passionnés s'adonnent à cette pratique régulièrement et presque exclusivement, comme par exemple sur les blocs de Fontainebleau, sur des courtes falaises d'Angleterre ou sur de curieuses et méconnues tours de grès se dressant en Europe de l'Est. En 1914, le 6a est atteint, puis le 6b en 1938.

Les premiers 7a.

Au risque d'étonner, c'est aux USA, dans les années 60, que la barre mythique du septième degrès est franchie. Cette percée est due à quelques farfelus qui s'adonnent déjà intensivement à l'escalade. En 1667, Peter Cleveland enchaîne une voie côtée 6c/7a hyper exposée et qui devra attendre 10 ans pour connaître sa première répétition. En 1969, Pete escalade en moulinette, à Devil's lake, une voie côtée 5.12 d, soit 7c. Ces grimpeurs sont aussi discrets qu'incompris. En effet, la pratique du libre exclusif est encore reléguée au second plan par rapport à l'escalade des grandes parois, des faces nord, des hivernales ou des big walls. L'alpinisme fait toujours de l'ombre à l'escalade.

Généralisation des 7a.

C'est toujours aux USA que naît et se développe de manière évolutive l'escalade libre de haut niveau. On commence aussi à mieux cerner la difficultée rocheuse. Les grimpeurs appliquent déjà le travail acharné de certains crux. En 72, John Bragg franchit le dévers de Kansas City, 7b. Ron Kauk, la future star de la grimpe américaine franchit, en 1976, Separate Reality, 7b/c sur coinceurs. En 77, c'est au tour de Super Crack. Pendant cette même année, une petite adolescente de 16 ans, Lynn Hill, s'offre régulièrement aux USA des voies en 7a. La naissance du huitième degré est due à l'illustre inconnu répondant au nom de Peter Cleveland! Il aborde sans le soupçonner cette cotation magique en gravisssant Phlogiston à Devil's lake, côté 8a. C'est sans nul doute la plus dure escalade du monde à l'époque, mais cette performance passe quasi-inaperçue...

L'escalade libre.

La notion d'escalade libre varie encore condidérablement selon la région, voire d'un individu à l'autre. Ainsi, pour certains, le simple fait de ne pas utiliser d'étriers mais de se tirer simplement aux clous est considéré comme une pratique du libre... D'autres tolèrent l'usage des points de repos dans une voie efffectuée en libre. En Europe et sous l'influence alpine, on est bien loin du libre. Dans le Frankenjura allemand, Kurt Albert passe en libre certains passages d'artif, mettant la puce à l'oreille à un petit groupe de jeunes grimpeurs, dont Thomas Nöltner et Wolfgang Gülllich sont les plus actifs.

De 70 à 80, l'escalade sportive...

Après une période de tâtonnements, on entre dès les années 80 dans le développement et la médiatisation de l'escalade. Les exploits sont toujours plus nombreux, le look des protagonistes change avec les années fun caractérisée par le fluo, la performance sportive individuelle prime sur l'esprit de cordée d'antant. Le début des années 80 est marqué par l'arrivée de Laurent Jacob et Patrick Berhault. Autre avant-gardiste français, un certain Patrick Edlinger, enchaînne à-vue la Polka des ringards, 7b+ à Buoux, en 1980. L'année suivante, Jean-Paul Janssen torne "La Vie au bout des doigts", un film qui sera distribué dans le monde entier. S'en suit la carrière que l'on connaît et une démocrtisation de l'escalade au près du grand public.

Les spits arrivent.

Dès 1980, des grimpeurs découvrent l'immense potentiel que représentent les dalles, piliers et autres bombés. Seulement il faut utliser des spits pour protéger les passages. Dilemme. Certains bousculent les traditions et abordent les voies depuis le haut ce qui fait dire à la gent grimpante qu'il vaut mieux aborder les voies du bas mais sur spits que depuis le haut en moulinette. Les plaquettes se généralisent. Suivra un alignement des voies dans les falaises à la mode et l'apparition d'équipeurs rémunérés... Ce système de protection permet de développer un type d'escalade favorisant la difficulté pure et la gestuelle au détriment de l'engagement. Le sud de la France est leader dans cette pratique qui se généralise cependant un peu partout, même en montagne. Cette escalade dite sportive amène une échelle de cotations plus cohérente et deux types de challenges: le à-vue et le après-travail. Certains se permettent de laisser cordes et dégaines en place dans ce qu'ils appellent dorénavent des chantiers.

L'Europe aborde le 8a.

Les grimpeurs du Vieux Continent enregistrent la leçon américaine en se hissant dès 83 au 8a avec Jean-Pierre Bouvier et Fritz the cat au Saussois, Patrick Edlinger dans Ça glisse au pays des merveilles à Buoux, Fabrice Guillot dans Crépinette aux Eaux-Claires et Marc Le Ménestrel, 15 ans (!), dans Rêve de papillon à Buoux. De son côté, Jerry Moffatt réalise The Face; un gros 8a/8a+ sur la falaise allemande de l'Altmühtal, une voie qui sera répétée l'année suivante par un jeune allemand inconnu, Stéfan Glowacz, suivi par Antoine Le Ménestrel et Jibé Tribout. A Bleau, Pierre Richard réalise le premier 7c bloc, l'Abbé Résina, alors que Catherine Destivelle fait le premier 7a féminin, la Dudulle.

1984: Le 8b de Güllich.

Un nouveau degré est atteint en 84 grâce à un grimpeur occupant une position aussi discrète qu'outrageuse sur la scène de l'escalade de haut niveau, Wolfgang Güllich, qui gravit Kanal im Rücken, 8b, dans l'Altmühtal. Jerry Moffatt réalise une mémorable tournée en France, avalant notamment bon nombre de voies à-vue parmi les plus dures du pays, telles Polpot 7c au Verdon, ainsi que Chimpanzodrome, 7c+ au Saussois. Dans le même style et dans la foulée, Jerry réalise une tournée semblable aux USA, tombant à-vue beaucoup de 7c et 7c+! A la même époque, Marc Le Ménestrel réalise Chimpanzodrome en solo puis enchaîne le Bidule, 8a+, suivi par Antoine et J.B. Parallèlement, Patrick Edlinger réalise la Boule, 8a+ aussi à la Sainte-Victoire. Le Suisse Martin Scheel équipe d'importantes voies dans les Alpes, en particulier au Rätikon à la frontière autrichienne, en partant du bas et uniquement en libre. Martin atteindra ainsi en 88 le 7a obligatoire sur une dizaine de longueurs dans sa légendaire Acacia, qui comporte quand même du 7b et du 7c.

1985: Martin Scheel équipe Punks in the gym aux Monts Arapiles, en Australie, une voie qu'il parcourt avec un seul point de repos. Immédiatement après, Wolfgang Güllich parachèvera performance tout en libre. Verdict, 8c avec les méthodes de l'époque puis 8b+ plus tard. Glowacz signe la seconde répétition en 86.

Le gang des Parisiens.

Constitué principalement des deux frères Le Ménestrel et de Jibé Tribout, ce gang qui jette son dévolu sur le sud du pays va créer une dynamique sans précédent pour l'escalade de haut niveau française.

1985 : Les frères Le Ménestrel multiplient les voies en 8b (les Mains sales, La Rose et le Vampire, Le Fluide enchanté...) et Antoine soloe Révélation, un 8a d'outre-Manche à Raven Tor. Pour les Anglais, c'est le choc. Chez les filles, Isabelle Patissier fait du 7c avec Catapult dans le Frankenjura. Christine Gambert enchaine Chimpanzodrome, 7c+.

1986 : On monte d'un cran et Antoine réalise deux 8b+ en l'occurence La Rage de vivre à Buoux, Ravage à Chuenisberg en Suisse. Marc enchaine Le Minimum, à Buoux (qui deviendra 8c en 92 suite à une prise cassée), et Jibé s'offre To bolt or not to be 8b+ aussi à Smith Rock, aux USA. Les Américains sont médusés. En 10 ans, les Européens ont non seulement rattrapés leur considérable retard mais de surcroit ils font mieux qu'eux. Les Américains se rendent compte alors que leur éthique refusant l'emploi du spit les oblige à faire du sur-place.

1887: Güllich invente le 8c.

Dans un relatif anonymat est née Wallstreet, 8c dans le Frankenjura, une voie aussi légendaire que son auteur décidément toujours en avance sur son temps, Wolfgang Güllich. Antoine Le Ménestrel gravit à-vue Samizdat, un 8a du Cimaï; alors qu'Alain Robert commence à s'illustrer en solo. Jean-Christophe Lafaille réalise en solo lui aussi Rêve de gosse, un 8a+ au Rocher des Arnauds. Le premier 8a féminin est réalisé par Christine Gambert avec Rêve de papillon à Buoux immédiatement suivie par Lynn Hill. 1988, Fred Nicole réalise dans son fief à Saint-Loup en Suisse Anaïs et Cannabis, 8c. Catherine Destivelle franchit Samizdat, 8a au Cimaï; et peu après elle réalise le premier 8a+ féminin en enchaînant Choucas à Buoux. Fin 88, Isabelle Patissier réussit elle le premier 8b féminin, Sortilèges au Cimaï.

1989 : C'est toujours le 8c qui tient la une des journaux. L'Anglais Ben Moon s'offre Azincourt, à Buoux une voie reprise par Didier Raboutou, Marc Le Ménestrel, François Dreyfus, Stéfan G1owacz, Marko Lukic.. Dans la foulée, Ben réalise Le Plafond, 8c à Volx qu'il rebaptise Maginot line. Ces deux voies deviennent alors les itinéraires de référence du sud de la France.

1990: Premier 8c+.

On navigue à la limite supérieure du 8c lorsque Ben Moon s'illustre de nouveau , mais cette fois dans son pays à Raven Tor, en faisant la première de Hubble, 8c+, qui sera répétée en 92 par le jeune Malcom Smith après un entraînement plus que spécifique. Lynn Hill, qui sur le plan des performances pures n'a rien à envier à personne, réalise au Cimaï Masse critique, le premier 8b+ féminin.

1991: Premier 9a.

Sur la falaise de Waldkopf dans le Frankenjura, Wolfgang Güllich {non ?) réalise Action Direct qui aujourd'hui est devenue un véritable mythe et la voie étalon du 9a. Notons encore à propos de Güllich considéré comme l'homme de la décennie en matière de difficulté, qu'il a aussi participé à l'introduction de la haute difficulté en hautes parois comme aux tours de Trango en Himalaya ou aux tours du Paine en Patagonie avec des passages de 7b et 7c... Cette même année, Alain Robert franchit un cap dans1a difficulté en solo avec Compilation, 8b à Omblèze, mais aussi un stock de 8a et 8a+ dont le plus marquant reste La Nuit du Lézard qui n'est pas le titre d'un épisode des Mystères de l'Ouest mais bel et bien un 8a+ à Buoux au caractère très aléatoire. Pendant ce temps, l'Autrichien-aux-cheveux-de-feu Beat Kammerlander gravit la voie la plus dure de toutes les Alpes, Endlose Geschichte, sur la face sud de la septième tour des Kirchlispitzen au Rätikon. Cette voie comporte une dizaine de longueurs, toutes de très haut niveau, dont deux sont en 8a et une en solide 8b, le tout avec du 7c obligatoire. Une horreur! Cette voie a exigé un mois de travail à Beat pour l'ouvrir depuis le bas et un autre mois pour pouvoir la libérer et l'enchaîner.

1992: Le 8c+ se généralise.

L'allemand Alexander Huber gravit Om, 8c+ au Triangel, puis le Slovène aux belles baccantes, Tadej Slabe, réalise sur la superbe lalaise d'Osp, en Slovénie, Za Staro Kolo, 8c+ aussi, tandis qu'aux USA Jibé Tribout se défonce sur une longue voie de quarante-trois mètres, Just do it, toujours 8c+ à Smilh Rock. Lynn Hill marque encore des points en s'offrant le premier 8a à-vue féminin, Simon dans le Frankenjura, suivie de peu par une autre Américaine également établie en France, Robyn Erbesfield qui s'adjuge un autre 8a, Ramponeau à Saint-Antonin-Noble-Val. Jerry Moffatt réalise à-vue Serpentine, 8b en Australie, ce qui le place comme premier grimpeur à une telle performance mais la cotation mérita confirmation.

1993: Toujours 9a.

Fred Nicole, grand spécialiste du bloc, enchaîne Bain de sang à Saint-Loup et propose clairement 9a pour cette voie relativement peu raide aux vues des standards de la haute difficulté. Parallèlement, Fred Rouhling fait de même aux Eaux- Claires avec Hugh. Ces deux voies n'ont toujours pas connu de répétition. Elie Chevieux, l'autre mutant suisse, randonne à-vue dans Les Liaisons dangeureuses, 8b aux Goudes, alors que Stéfan Glowacz s'offre Public Ennemy, à-vue lui aussi, 8b à Cuenca. L'Italien Sévérino Scassa s'adjuge Sarre 2000, 8b, mais la véritable surprise vient de Yann Ghesquiers, qui lors d'un voyage en Espagne tombe un 8b+ à-vue dont la cotation sera ramenée à 8b!

Il est à noter que Didier Raboutou aurait pu être le premier homme à 8b à-vue mais, même si certains 8a+ valent plus que d'autres 8b,1'habitude veut que l'on décote plus facilement une voie qu'on la surcote... Dommage. Robyn Erbesfield s'offre à-vue aussi Overdose à Lourmarin, un 8a+ ramené à un gros 8a, avant d'enchaîner deux 8b+ dont Silence à Troubat, une référence en la matière, et de gagner la Coupe du monde. Mais l'exploit vient d'ailleurs puisque la première ascension du Nose en libre, dans le Yosemite, est réalisée par une femme, Lynn Hill, où la difficulté oscille de 6c à 8a+. Un challenge sur lequel beaucoup de grimpeurs s'étaient investi, sans succès.

1994 : Epilogue.

Les 8c+ se multiplient mais demandent encore à être confirmés. L'infatigable Jibé Tribout enchaîne à Volx le Plafond et Terminator, pour donner le Superplalond, 8c+ répété par la suite par Fabien Mazuer, François Petit et François Coffy. Jibé, qui décidément aime les aiguillages, établit aussi la connexion à Orgon entre Macumba et le Bronx, pour créer la Connexion, 8c+. Alexander Huber réalise 1'exploit en enchaînant l'interminable longueur de La Rambla, à Siurana en Espagne, un 8c+ gros calibre. Lynn Hill de son côté parachève l'exploit en enchaînant en libre et en moins de vingt-quatre heures le Nose, alors que les frères Huber se fatiguent dans une voie de 1 300 mètres The end of Silence qui comporte tout de même 12 longueurs dont 3 en 7b+, 3 en 7c/7c+, une en 8b et une autre en gros 8b+. Stéfan Glowacz fait de même avec Des Kaiser newe Kleider, comportant aussi du 8b+. François Petit enchaîne le Bronx à Orgon, 8c+ suivi par François Coffy qui s'était offert dans sa Savoie natale un autre 8c+, Via Grassini. Jean-Pierre Bouvier réalise Festin de pierres au Saussois et propose 9a. L'année 94 marque un retour des grimpeurs à la falaise, ce qui présage un avenir plein de 9c+...

 

1995: L'année du 9b?

C'est Fred Rouhling qui crée la surprise en proposant le premier 9b avec Akira, dans le Périgord. Une cotation qui demande confirmation tellement elle est au-dessus du lot ...

 


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